En 2010, un événement a marqué le monde chrétien évangélique en Amérique du Nord, au point que le journal Christianity Today en a parlé comme l’un des 10 événements importants. Un théologien de l’Ancien Testament nommé Bruce Waltke, très connu et très respecté a déclaré dans un message vidéo posté sur le site BioLogos que si le monde évangélique ne parvenait pas à se réconcilier avec l’évolution, « il existe une quantité considérable de preuves en faveur de l’évolution », alors le christianisme évangélique, parce qu’il niait la réalité allait devenir un « cult ». Il a du démissionner de son poste au Reformed Theological Seminary.

Cette année 2010 a aussi été marquée par la sortie d’un ouvrage de John Walton, professeur au Wheaton College : Le monde perdu de Genèse 1, dans lequel il replace le chapitre 1 de la Genèse dans son contexte culturel et « scientifique » pour conclure que ce texte ne s’oppose en rien à l’évolution, et qu’il a été écrit avec une conception ancienne du cosmos avec une terre plate, entourée par les eaux, un firmament solide.

Au cours de cette année, les Assemblées de Dieu des Etats-Unis ont également pris du recul avec le créationnisme de la jeune terre qu’elles avaient auparavant soutenu, ceci au grand regret des organisations de ce mouvement et des injonctions de Ken Ham, leader du plus grand mouvement créationniste. Ken Ham s’est aussi plaint que le Leader du mouvement australien Hillsong (Assemblées de Dieu) se soit lui aussi clairement démarqué du créationnisme de la jeune terre.

Au cours de cette année, la fondation BioLogos a fédéré un grand nombre de théologiens évangéliques favorables à l’évolution. Elle a aussi publié des articles de très grande qualité, réfutant par exemple sans l’ombre d’un doute le modèle « scientifique » proposé par Hugh Ross et son organisation « Reason to Believe », déclarant que l’homme n’était pas apparenté au reste du monde vivant. La lecture et la comparaison des génomes qui racontent notre histoire évolutive a rendu ce modèle complètement intenable.

En France, le réseau des scientifiques évangéliques s’est mis en place, et il est très favorable à l’évolution, sans prendre de position officielle.

 

J’hésite entre deux images pour décrire l’état réel du créationnisme anti- évolutionniste, qui refuse de reconnaître que Dieu a choisi de créer les espèces vivantes à partir d’un ou d’un petit nombre d’ancêtres communs et que l’homme a un lien de parenté biologique avec le reste de la vie, le chimpanzé étant notre plus proche « parent » vivant (un cousin très éloigné !). Le créationnisme dont je parle ici pourrait donc être qualifié de « fixiste » en ce qui concerne l’origine des espèces, qu’il reconnaisse que la terre est ancienne (comme Hugh Ross et Reason to believe) ou bien qu’il défende l’idée d’une terre jeune.

Ces deux images sont celles du Titanic, qui vient de percuter un iceberg et qui s’apprête inexorablement à couler, même si ceux qui en sont conscients ne sont pour l’instant qu’un petit nombre. Ou bien pour utiliser une image biblique, la statut que Daniel a reçue en vision, et qui a été renversée par un petit rocher qui l’a frappé à son point faible : ses pieds d’argile. Bien sur, la comparaison a ses limites et je n’utilise que pour montrer la fragilité malgré la vigueur apparente. En effet, les mouvement anti-évolution au sein de la communauté évangélique paraissent forts, ils ont un musée qui a coûté plusieurs dizaines de millions de dollars (on s’interroge encore sur la réelle utilité d’une telle dépense pour des chrétiens !). Ils ont encore avec eux une certaine partie du monde pastoral et des personnalités de poids : John Mc Arthur, Albert Mohler, Rick Warren (que j’apprécie pour tant d’autres choses !). Mais il ne fait aucun doute que le temps qui reste à vivre à cette interprétation littérale de la Genèse qui refuse la réalité et nie l’évidence est compté. Je ne sais pas combien de temps cela prendra, mais le mouvement est inéluctable. Petit à petit, des personnalités influentes prendront conscience du problème et des dégâts qu’il a causé et viendront grossir le rang des chrétiens qui acceptent l’évolution.

 

Le plus tragique pour moi, c’est que lorsque le bateau va couler, des milliers de croyants auxquels on avait enseigné que l’évolution était un mensonge satanique vont réaliser qu’on avait fait fausse route. Ils seront les véritables victimes de ce naufrage, et prions pour que leur foi dans le Christ ne coule pas avec leur surprise. Aux Etats Unis, les statistiques récentes montrent que 70 à 80% des jeunes quittent les églises lorsqu’ils entrent à l’université, les raisons en sont multiples, mais l’une d’entre elles est clairement le fait qu’ils ont le sentiment que l’église n’a pas répondu à certaines questions comme celle-ci!