La science et la Bible sont-elles conciliables ?

par | 2 Juin 2013

Piesa de Puzzle blanco

Bible et Science

ou l’art et la manière de la complémentarité

Introduction

Dans la foi chrétienne, Dieu se révèle par le livre de la Bible et le « livre » de la création. Ainsi les vérités que nous trouvons dans la Bible ne doivent pas être en contradiction avec celles que nous trouvons dans la nature. Parfois, pourtant, les deux vérités semblent s’opposer sur la façon dont Dieu a créé le monde. Puisque Dieu ne ment pas, le conflit doit se trouver au niveau de l’interprétation humaine : il s’agirait d’une mauvaise compréhension de ce que Dieu révèle dans la nature ou de ce qu’il révèle dans la Bible. Ces conflits nous engagent à réévaluer nos deux interprétations. Les chrétiens peuvent ne pas être d’accord sur ce qui a besoin de changer, l’interprétation biblique ou scientifique, mais nous pouvons nous mettre d’accord sur le fait que Dieu nous parle par ces deux révélations.

 Deux révélations

Le psaume 19 commence avec ces mots :

Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’oeuvre de ses mains

Les scientifiques en reviennent souvent à ce psaume pour exprimer leur louange au créateur lorsqu’ils font des découvertes dans leur laboratoire ; la biochimie d’une cellule raconte aussi la gloire de Dieu ! Dans la deuxième moitié du psaume, David tourne ses pensées vers la Parole de Dieu et écrit

la loi de l’Eternel est parfaite, elle restaure l’âme.

David loue Dieu pour les deux révélations et pour ce qu’il révèle par celle de la nature et par celle de sa parole. Quelques siècles plus tard, des théologiens ont introduit la métaphore de deux « livres »[i] dans laquelle la nature est vue comme un livre parallèle à celui de l’Ecriture. La confession belge de 1561 dit dans l’article 2[ii] que :

« Nous connaissons Dieu de deux façons : d’abord par la création, la préservation et le gouvernement de l’univers, puisque cet univers se présente à nos regards comme un livre magnifique dans lequel toutes les créatures, grandes et petites, sont comme des lettres qui nous apprennent les merveilles des choses invisibles de Dieu : le pouvoir éternel de Dieu et sa divinité, comme le dit l’apôtre Paul dans Romains 1 :20. Toutes ces choses suffisent pour convaincre les hommes et les laisser sans excuse. Ensuite, Dieu se fait connaître plus clairement par sa sainte et divine Parole, autant que nous en avons besoin dans cette vie, pour la gloire de Dieu et notre salut. »

Puisque les deux sont des révélations qui nous viennent de Dieu, les deux portent l’autorité de Dieu et ne peuvent être ignorées. Le but premier d’une révélation est de nous en apprendre plus sur Dieu[iii], mais elle peut aussi nous dire comment et pourquoi Dieu a créé le monde. Parfois les révélations semblent être en conflit, mais puisque Dieu ne dit que la vérité, les deux révélations ne peuvent pas nous enseigner des choses contradictoires.

Alors quelle est la source de cette querelle ? Le conflit doit se situer au niveau de l’interprétation humaine : il s’agirait d’une mauvaise compréhension de ce que Dieu révèle dans la nature ou de ce qu’il révèle dans la Bible. Dans les débats sur la Genèse et l’évolution, les chrétiens sont souvent en désaccord sur l’interprétation qui est fautive. Cependant nous pouvons être d’accord sur le fait que la nature et la Bible sont des témoins fidèles et complémentaires de leur Auteur.

 

La science : interpréter la révélation de Dieu dans la nature

La construction des théories scientifiques ressemble à  l’élaboration d’une carte. Cette dernière rassemble tous types de données telles que la longitude et la latitude, l’altitude, les voies navigables et le climat pour en faire une représentation cohérente de la réalité. La carte en soi n’est pas la réalité mais une représentation de la réalité.

Les « cartes » scientifiques de la réalité sont appelées théories. Certaines théories sont nouvelles et encore tâtonnantes (comme la théorie des cordes), d’autres tiennent depuis longtemps et sont soutenues par d’abondantes observations et expériences (comme la photosynthèse). Le processus scientifique développe et teste ces théories : les scientifiques suivent la carte, vérifient si elle est conforme au monde, et la modifient pour qu’elle s’y conforme mieux.

 

Quelle est la fiabilité des résultats scientifiques ?

La science est une activité humaine, elle peut donc parfois se tromper. Certains avides de notoriété peuvent être tentés de produire des résultats qui les rendraient plus célèbres. Le désir d’obtenir un certain résultat peut provoquer une manipulation consciente ou inconsciente des données.

Malheureusement, les exemples de telles données inventées sont nombreux dans l’histoire de la science. Dans l’oeuvre de M. Steven Jay Gould The Mismeasure of Man[iv],  on trouve une chronique qui raconte la manière dont des déformations ont été perpétuées. Cet ouvrage relate comment au XIXème siècle, la science a fourni des données qui soutiendraient les préjugés existants sur la relation entre la race et l’intelligence.

Toutefois, la science se corrige elle-même. Toutes les publications scientifiques sont revues par d’autres scientifiques, des experts évaluent les méthodes, les affirmations abusives et autres problèmes. Les mesures publiées sont testées par d’autres groupes de scientifiques pour voir s’ils trouvent les mêmes résultats. Les théories publiées sont vigoureusement débattues et comparées à d’autres explications possibles. Parfois, même des motivations égoïstes peuvent contribuer au processus d’autocorrection, puisque les scientifiques peuvent avancer dans leur carrière en publiant des erreurs et en proposant de nouvelles théories. Les inexactitudes des théories sont corrigées quand de nouvelles découvertes et expériences révèlent un problème. Lorsque des théories sont nouvelles et basées sur des données préliminaires, les biais tels que ceux déjà décrits peuvent avoir une large influence sur les résultats. Mais une fois que les théories sont testées et affinées par nombreux scientifiques, elles proposent une interprétation fiable de la réalité physique.

Interpréter la révélation de Dieu dans la Bible

Pour les chrétiens, la Bible n’est pas qu’un livre de leçons morales ou d’histoire. Au contraire,

« Toute l’Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne œuvre. » (2 Tim. 3-16-17).

L’Ecriture relie l’action de Dieu dans des événements historiques à son intention. L’Ecriture nous entraîne aussi dans son histoire, de sorte que nous ne sommes pas de simples lecteurs mais des citoyens du royaume de Dieu ; nous prenons par à son histoire rédemptrice. La Bible est le résultat d’un partenariat humain-divin dans lequel Dieu a inspiré et ordonné aux auteurs humains de communiquer son Verbe.

Les chrétiens sont souvent en désaccord quant à la signification précise de certains passages. Certains enseignements de la Bible comme la mort et la résurrection de Jésus ont une signification claire qui a été affirmée par l’Eglise à travers les siècles. D’autres enseignements sont plus ambigus et sont encore aujourd’hui objets de débat. D’autres encore, comme la possession d’esclaves, ont été compris d’une certaine manière pendant des siècles puis ont été réinterprétés tandis que l’évangile prenait place dans de nouvelles cultures. La tradition de l’Eglise peut conduire à la bonne interprétation mais doit parfois être remise en question.

Comment interpréter au mieux l’Ecriture ? Commencer par étudier et méditer ce qu’un passage voulait dire pour l’auteur humain inspiré et le public de l’époque est toujours une bonne stratégie. Le style, le genre littéraire, le contexte historique et culturel sont précieux pour comprendre le sens premier du texte. Une fois que nous comprenons mieux ce que Dieu révélait à ses premiers destinataires, nous pouvons considérer ce que Dieu pourrait avoir à nous apprendre aujourd’hui, au XXIe siècle. Sans cette stratégie, nous risquons d’imposer notre propre culture moderne et nos références personnelles au texte. Cela ne signifie pas pour autant que l’on doit être un érudit pour comprendre la Bible. L’enseignement premier de l’Ecriture est souvent clair pour un enfant, même dans le cas de passages compliqués (comme Genèse 1-2 : Dieu a créé le monde et l’a déclaré bon). L’arrière-plan précis devient important pour des chercheurs et enseignants qui veulent explorer les implications et significations subtiles du texte (comme la façon dont ce texte s’imbrique avec la science).

Voir « Quels sont les bons critères pour aborder un passage de la Bible. »

Un exemple historique

L’histoire de Galilée est un exemple célèbre du conflit entre la science et l’interprétation biblique. Au temps de Galilée le débat portait sur le système solaire : il s’agissait de savoir si c’était le Soleil ou la Terre qui était au centre. On en arriva à l’interprétation de certains versets bibliques comme Psaume 93 :1 qui dit que

le monde est ferme, il ne chancelle pas

Si ce verset était lu scientifiquement, il signifierait que la Terre est stationnaire et ne peut tourner autour du Soleil. Mais Galilée a fait des observations astronomiques qui montraient que les planètes tournaient autour du Soleil. Aujourd’hui, la fermeté du monde de Psaume 93 :1 est comprise comme la fermeté du trône de Dieu, qui ne tombera pas. Galilée, resté un fidèle catholique jusqu’à la fin de ses jours, formule clairement sa position dans une lettre à la Grande Duchesse Christina :

On peut lire chez St. Augustin :

‘quiconque établira l’autorité de l’Esprit Saint contre la raison claire et manifeste, celui-là ne sait pas ce qu’il a entrepris ; car il oppose à la vérité non la signification de la Bible, qui dépasse sa compréhension, mais sa propre interprétation, non de ce qui est dans la Bible, mais de ce qu’il a trouvé en lui-même et qu’il imagine y trouver.’ Cela admis, et puisqu’il il est vrai que deux vérités ne peuvent pas se contredire, c’est la fonction des exégètes de chercher les véritables sens des textes de l’Ecriture. Ceux-ci seront évidemment en accord avec les conclusions physiques que le sens manifeste et les démonstrations nécessaires ont rendu certaines pour nous. » [v]

Galilée ne voyait pas ses découvertes comme contraires à la Bible, mais comme contraires à certaines interprétations humaines de la Bible. Et plutôt que de dicter ce que l’interprétation correcte devrait être, Galilée en appelle aux spécialistes de la Bible, afin qu’ils comprennent mieux « le vrai sens des textes bibliques. »

Interaction entre la science et l’interprétation biblique

Que faire lorsque les résultats scientifiques ne concordent pas avec les interprétations ordinaires de la Bible ? Une réponse possible est de dire que la Bible a raison et la science tort ; la Bible, après tout, est plus importante pour le chrétien. Cette réponse, pourtant, oublie que la Bible est toujours interprétée et préfère une interprétation biblique particulière de l’autorité de la Bible en tant que telle. C’est aussi réduire la portée de la révélation de Dieu dans le monde naturel, plutôt que d’écouter ce que la science a appris à son propos.

Une autre réponse est de dire que la science a raison et la Bible, tort. Cette réponse, pourtant, dit que la Bible en tant que telle est dans l’erreur, au lieu de dire que c’est une interprétation particulière qui est incorrecte. Elle élève la connaissance scientifique au rang de meilleur type de connaissance, bien que la science soit peu équipée pour répondre à des questions sur d’anciens textes.

Meilleure serait la réponse qui reconsidère les interprétations des deux côtés. Lorsque nous entendons un résultat scientifique qui semble en conflit avec la Bible, nous devrions prendre le temps de s’en approcher d’un peu plus près. Quelle est la force des preuves alléguées ? Y a-t-il un consensus parmi les scientifiques ? La théorie a-t-elle été testée de façon extensive ? Quelles sont les théories alternatives valables ? En même temps, regardons de plus près l’interprétation biblique. Que signifiait le passage pour les premiers destinataires ? Quelles sont les implications théologiques ? Plutôt que de rejeter un côté, il est possible de les étudier tous les deux avec attention, en se rappelant que Dieu nous parle par sa Parole et par la nature. Dans cette approche la science ne détermine pas quelle interprétation de la Bible est meilleure. Au lieu de cela, elle nous invite à regarder de plus près la Bible, et à utiliser une bonne méthode pour déterminer la meilleure interprétation.

 Parfois, plusieurs interprétations de l’Ecriture semblent appropriées lorsqu’elle est considérée avec les outils de l’exégèse biblique. Dans ce cas, la science peut les départager. En nous montrant ce que Dieu révèle dans la nature, la science peut montrer que certaines interprétations sont inappropriées. Professeur Donal Mackay l’écrit :

« Il est évident qu’une signification de surface de nombreux passages pourrait être testée, par exemple contre des découvertes archéologiques, et la signification d’autres, enrichie par la connaissance scientifique et historique. Mais j’aimerais suggérer que la première fonction de l’enquête scientifique dans de tels champs n’est pas de vérifier ni d’ajouter quoique ce soit à l’image inspirée, mais de nous aider à éliminer des façons inconvenables de la lire. Pour poursuivre la métaphore, je crois que les données scientifiques que Dieu nous donne peuvent parfois servir à nous mettre en garde lorsque nous nous tenons trop près de l’image, au mauvais angle ou avec de fausses attentes, afin de nous permettre de voir les motifs inspirés qu’il veut nous communiquer. » [vi]

 

 


Notes

[i] Tanzella-Nitti, Giuseppe. “The Two Books Prior to the Scientific Revolution,” Perspectives on Science and Christian Faith, 57, no. 3 (2005): 235-45.

[ii] de Brès, Guido, The Belgic Confession, 1561

[iii] VandenBerg, Mary L. “What General Revelation Does (and Does Not) Tell Us,” Perspectives on Science and Christian Faith, 62, no. 1 (2010): 16-24.

[iv] Steven Jay Gould, The Mismeasure of Man (New York: W.W. Norton & Company, Inc., 1996).

[v] Galileo Galilei, Discoveries and Opinions of Galileo, trans. Stillman Drake (New York: Anchor Books, 1990).

[vi] Donald MacCrimmon MacKay, The Open Mind, and Other Essays (Leicester, England: InterVarsity Press, 1988), 151-52. Cite par : Ernest Lucas, « Interpreting Genesis in the 21st Century, » Faraday Papers, no. 11 (2007)

 

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