L’idée d’un Dieu d’amour est-elle compatible avec le mal et la souffrance dans le monde ?

par | 7 Juin 2013

Vodoo

Certaines choses nous paraissent tellement incompatibles !

Est-ce seulement surprenant quand on aborde des sujets  touchant à l’existence de Dieu ?

Introduction

L’objection la plus fréquente et la plus ancienne à l’existence de Dieu est le problème du mal. Comment un Dieu d’amour tout puissant peut-il permettre tant de souffrance et de mal dans le monde ? Les chrétiens, mais aussi les non croyants doivent faire face à cette question. Les athées sont confrontés à l’idée que la moralité est un artifice évolutif illusoire sans fondement.  Dans ce cas, il n’y a aucune raison de se plaindre de l’injustice de la souffrance, et les croyants ne se battent qu’avec une contradiction apparente entre la bonté de Dieu et la souffrance dans le monde.

Le problème du mal n’a pas de réponse simple, mais beaucoup de philosophes, de théologiens et d’autres ont proposés des réflexions utiles. Ce problème est traité dans le chapitre 2 de The Language of God, « La guerre des visions de notre monde ». Cette réponse combine les pensées de Francis Collins et celles de Timothy Keller dans son livre, The Reason for God. 

 

La liberté dans l’univers

Alors que nous essayons de cerner le problème du mal, il nous faut d’abord reconnaître que l’homme en est très souvent la cause. Ce sont les hommes et pas Dieu qui assassinent, torturent, persécutent et violent. À cause de leur libre arbitre, ils peuvent accomplir des choses terribles et immorales. Le libre arbitre est essentiel dans la mesure où les hommes doivent rendre des comptes à Dieu. Pour que nous puissions véritablement aimer Dieu, nous devons être libre de choisir ou de rejeter cet amour. Si Dieu interdisait toute forme de mal dans le monde, nous ne serions plus libres et en capacité d’aimer Dieu volontairement. Dieu ne peut pas en même temps nous donner la liberté et nous empêcher de commettre le mal.1

Il est plus difficile de comprendre pourquoi un Dieu d’amour permet des catastrophes naturelles et des maladies. John Polkinghorne y fait référence en tant que conséquences du mal physique.2 Celui-ci provoque une destruction et une souffrance incroyable, mais il n’est pas lié au rôle de l’homme. Comme Francis Collins l’écrit, « la science nous révèle que l’univers, notre planète et la vie ellemême sont engagés dans un processus évolutif. » 3 Les mécanismes que Dieu a utilisés pour créer l’homme –comme les mutations d’un gène pendant la duplication d’une cellule— peuvent aussi produire de la souffrance— si ces mutations produisent un cancer. Ainsi, les mêmes forces qui produisent la vie sur cette planète, y compris les lois de la physique, de la chimie, du climat et de la tectonique des plaques, peuvent aussi produire des catastrophes. Comme avec le libre arbitre de l’homme, Dieu ne peut pas intervenir dans ces domaines sans modifier la liberté inhérente de sa création et interrompre les processus qui gouvernent toute la matière et l’énergie dans l’univers. Sans cette uniformité des lois naturelles, la science serait impossible, et les choix moraux seraient biaisés. Si Dieu bloquait toutes les conséquences des choix moraux humains, comme commettre un meurtre, et les évènements naturels, comme les tsunamis, alors à chaque fois qu’ils produisent un résultat mauvais, la responsabilité morale disparaîtrait et le monde naturel deviendrait incohérent.

Bien que l’existence du mal soit un défi à l’existence d’un Dieu d’amour, les plaintes à propos de l’injustice de la souffrance peuvent aussi être interprétées comme des preuves de l’existence de Dieu. Si il n’existe aucune référence extérieure au monde en terme de moralité, quel est le fondement de telles revendications ? Pourquoi pouvons nous dire que c’est mal de torturer les enfants ?

 

Un Dieu puissant mais mystérieux

Une réponse nécessaire mais ambivalente au problème du mal est de reconnaître que les voies de Dieu ne sont pas nos voies. Dieu est plus grand que nous, et ses objectifs peuvent être très différents des nôtres. Même si nous ne comprenons pas la raison de notre souffrance, il est bien possible qu’un Dieu si sage et si puissant dans sa créativité ait des raisons de permettre le mal qui échappent à notre compréhension.

La Bible contient une histoire de souffrance provocante et tragique: celle de Job, un homme intègre tellement béni par Dieu dont la vie était un succès dans tous les domaines. Satan a défié Dieu en affirmant que Job n’aimait et n’adorait Dieu qu’à cause de ses bénédictions. Pour tester la fidélité de Job, Dieu a autorisé Satan à tourmenter Job. Job a tragiquement perdu sa maison, ses enfants et finalement sa santé. Après un long moment, Job a enfin demandé à Dieu d’expliquer ces souffrances, un cri qui est resté sans réponse. Au lieu de lui en donner l’explication, Dieu a rappelé à Job sa majesté divine et sa puissance. Job a retiré ses

revendications, et a fait confiance à Dieu, et Dieu l’a pleinement rétabli. L’histoire de Job ne nous donne pas la raison pour laquelle il a tant souffert, au-delà de la discussion entre Dieu et Satan à propos de la foi de Job. Job nous donne l’exemple d’un homme qui est resté fidèle et qui a reconnu les limites de sa compréhension :

«  Job répondit au Seigneur : Je sais que tu peux tout, et qu’aucune pensée ne t’échappe. Qui est celui qui, sans connaissance, assombrit mes projets ? Ainsi j’ai parlé, sans comprendre, de choses étonnantes qui me dépassent et que je ne connais pas. Écoute, je te prie ; moi, je parlerai ; je t’interrogerai, et tu m’instruiras. Mon oreille avait entendu parler de toi ; maintenant mon œil t’a vu. C’est pourquoi je renonce : je me repens sur la poussière et la cendre. » (Job 42:1-7) 4

Au travers de sa souffrance, Job a appris à connaître Dieu d’une manière plus réelle et plus personnelle.

L’histoire biblique de Joseph nous montre aussi que la souffrance peut être bénéfique. Joseph est vendu comme esclave par ses frères, il est accusé injustement d’avoir voulu abuser de la femme de son maître et il est jeté en prison. Dieu utilise les circonstances pour faire de Joseph un grand leader en Égypte. Grâce à la position élevée de Joseph, l’Égypte et les nations environnantes sont sauvées de la famine. Joseph affirme ceci à ses frères : « Le mal que vous comptiez me faire, Dieu comptait en faire du bien, afin de faire ce qui arrive en ce jour, pour sauver la vie d’un peuple nombreux. » (Genèse 50:20). L’histoire de Joseph nous montre comment Dieu peut utiliser la souffrance pour de bons objectifs.

 

C.S. Lewis a écrit:

« Dieu murmure à notre oreille dans nos plaisirs, il parle à notre conscience, mais il crie au travers de nos souffrances: c’est son mégaphone pour réveiller un monde sourd. »5

Keller décrit un homme de son église qui a perdu la vue lors d’une fusillade d’un trafic de drogue qui a mal tourné. Cette aveuglement a rendu cet homme humble et l’a conduit à une transformation spirituelle.6 En faisant référence à cette expérience, cet homme dit :

« J’ai payé un prix très élevé, mais je dois dire que ça en valait la peine. J’ai finalement obtenu ce qui donne de la valeur à ma vie. » 7

Nos tragédies sont souvent terribles: perdre un enfant, voir souffrir un parent âgé, être trahi par nos amis. Mais si nous sommes ouverts, nous pouvons comprendre que Dieu veut nous apprendre certaines choses au travers de ces circonstances douloureuses. Comme Keller le suggère, Dieu peut certainement faire concourir le mal à notre bien.8

 

La souffrance est aussi une énigme pour les athées

Le mal pose aussi des problèmes au non-croyants. Affirmer que c’est mal de torturer, même des terroristes qui pourraient donner des informations utiles fait nécessairement appel à des références externes. Mais quelles sont ces références ? Sur quel fondement nécessaire de telles affirmations sont-elles effectuées ? Certains philosophes naturalistes ont bien développé des systèmes éthiques sans Dieu, mais beaucoup d’autres naturalistes reconnaissent que cela ne fonctionne pas et que de tels systèmes sont entièrement arbitraires.9 Si Dieu n’existe pas et qu’il n’y a pas de fondement pour ce qui devrait être, alors les plaintes morale contre le mal le plus horrible n’ont aucune base. Le fait que nous ne puissions pas échapper à notre sens de l’horreur ni cesser de nous scandaliser du mal pointe certainement vers l’existence de Dieu.

 

La consolation des chrétiens: un Dieu qui souffre

Les chrétiens ont une source puissante de consolation face au mal : le Dieu qu’ils adorent s’est fait homme et a souffert comme eux dans la personne historique de Jésus. Jésus était pleinement humain et il a expérimenté la mort physique. Mais cette souffrance physique n’a été qu’une partie de sa souffrance totale. La plus grande agonie de Jésus a été la perte temporaire de relation avec son Père sur la croix. Ceci est évident lorsqu’il crie ses dernières paroles : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » 10 (Matthieu 27:46, Marc 15:34). Jésus a subi cette souffrance par amour pour l’humanité et obéissance à Dieu, en sachant que cette mort terrible pouvait permettre notre restauration avec Dieu. Keller l’exprime ainsi:

«  Le christianisme est la seule religion à affirmer que Dieu s’est fait pleinement homme en Jésus Christ et qu’il a donc expérimenté le désespoir, le rejet, la solitude, la pauvreté, le deuil, la torture et l’emprisonnement. Sur la croix, il a expérimenté les pires souffrances humaines, le rejet et la douleur qui dépasse la nôtre autant que sa puissance infinie dépasse la nôtre. Dans sa mort, Dieu a souffert par amour, s’identifiant avec l’abandonné et le rejeté par Dieu.»11

Nous ne pouvons pas expliquer totalement le mal, mais nous ne pouvons pas affirmer qu’il prouve que Dieu ne nous aime pas. En Jésus, Dieu a souffert, et nous pouvons trouver le repos et être assuré que  Dieu qui partage nos peines et qu’il connaît nos souffrances. 12

 

L’espérance des chrétiens: la restauration finale

Le christianisme ne nous offre pas seulement la consolation, mais aussi l’espoir. Les chrétiens croient que Dieu a vaincu la mort parce que Jésus est ressuscité d’entre les morts. La résurrection de Jésus pointe vers notre espoir ultime de restauration finale, lorsque nous serons avec Dieu pour l’éternité.

Cet espoir illumine nos souffrances et les agonies apparemment sans signification de notre existence. Un jour, Dieu rétablira toutes choses dans la vérité. Comme C.S. Lewis l’écrit: « Dans le paradis, nos agonies seront oubliées et changées en gloire. » 13 Cette transformation est la réponse ultime au problème du mal.

Fyodor Dostoevsky écrit dans The Brothers Karamazov:

 « Je crois comme un enfant que la souffrance sera guérie et compensée, que toute l’absurdité humiliante des contradictions humaines s’évanouira comme un mirage misérable, comme la fabrication méprisable de l’esprit humain euclidien infiniment petit et impotent, et qu’au moment final de l’harmonie éternelle, quelque chose de si précieux se produira que cela suffira pour tous les cœurs, pour le réconfort de tous les ressentiments… » 14

Notes


  1. Francis Collins, The Language of God (New York, NY: Free Press, 2006), 43.
  2. John C. Polkinghorne, The Faith of a Physicist: Reflections of a Bottom-Up Thinker (Princeton, NJ: Princeton University Press), 83, noted in Francis Collins, The Language of God (New York, NY: Free Press, 2006), 44.
  3. Francis Collins, The Language of God (New York, NY: Free Press, 2006), 45.
  4. Job 42:1-17 (NASB).
  5. C.S. Lewis, The Problem of Pain (San Francisco: HarperOne, 2001), 93, quoted in Francis Collins, The Language of God (New York, NY: Free Press, 2006), 46.
  6. Timothy Keller, The Reason for God (New York, NY: Dutton, 2008), 25.
  7. Timothy Keller, The Reason for God (New York, NY: Dutton, 2008), 25.
  8. Timothy Keller, The Reason for God (New York, NY: Dutton, 2008), 25.
  9. Daniel Dennet. Breaking the Spell: Religion as a Natural Phenomenon. (New York: Viking Press, 2006).
  10. Keller, The Reason for God, 29-30.
  11. Keller, The Reason for God, 29-30.
  12. Keller, The Reason for God, 29-30.
  13. C.S. Lewis, The Great Divorce (San Francisco: HarperCollins, 2001), 69, quoted in Timothy Keller, The Reason for God, 34.
  14. Fyodor Dostoevsky, The Brothers Karamazov, Chapter 34. Quoted in Timothy Keller, The Reason for God (New York, NY: Dutton, 2008), 33.

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