Article 2 sur un total de 48 pour la série :

L'évolution expliquée ♥♥♥


Introduction (Pascal Touzet, traducteur et Professeur en génétique à l’université de Lille)

Voici le premier article de la série “Evolution basics” rédigée par Denis R Venema  publiée sur le site Biologos ( http://biologos.org/blog/evolution-basics-evolution-as-a-scientific-theory) , que nous appellerons ici « L’évolution expliquée ». Il y est question de ce qu’est une théorie scientifique, bien plus qu’une intuition….

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Une théorie, pas une intuition

En langage courant, le terme « théorie »  signifie quelque chose comme «  supposition» ou « intuition ». Il sous-entend l’idée de quelque chose de spéculatif, d’incertain. Hors en science,  le sens de ce mot est tout à fait différent. En effet,  une théorie scientifique est une idée qui a connu l’épreuve du temps. Cette différence de définition est une source fréquente de confusion pour les non scientifiques. Ainsi, en science, une théorie est une idée testée, éprouvée, un cadre explicatif qui permet de donner sens aux faits que l’on observe et qui continue de faire de bonnes  prédictions sur le monde naturel.

Les théories commencent d’abord par une idée ou une hypothèse. L’étymologie de ce mot signifie « moins que » (hypo) une théorie (thèse). Ce que les scientifiques appellent une hypothèse est ce que les non scientifiques appellent une « théorie ».  C’est une idée  qui  a du sens et qui est conforme à ce que l’on sait déjà, mais qui n’a pas encore beaucoup (ou pas du tout)  de support expérimental. Ce qui différencie la  science des autres approches de la connaissance c’est le test d’hypothèse. Ainsi au lieu de se contenter d’une idée intéressante, les scientifiques utilisent  cette hypothèse pour faire des prédictions spécifiques sur le monde naturel, puis tester si ces prédictions peuvent être validées par des preuves expérimentales. Si la prédiction est supportée par les résultats de l’expérience, les scientifiques utiliseront la même hypothèse pour faire (et tester) de nouvelles prédictions. Si l’hypothèse s’avère juste par rapport à ce que les choses sont vraiment, alors cette hypothèse  va continuer à faire de bonnes prédictions. Avec le temps, alors que l’idée gagne de plus en plus de support expérimental, les scientifiques enlèvent le préfixe « hypo »  et commencent à considérer cette idée comme une théorie – un cadre explicatif éprouvé qui continue à faire de bonnes prédictions sur le monde naturel.

Des théories éprouvées  mais provisoires

Bien que ce soient des idées bien éprouvées, les théories en science ne sont jamais acceptées comme vraies de manière absolue. Il faut comprendre que le test d’hypothèse ne peut conduire qu’à deux résultats possibles : le scientifique rejette l’hypothèse si elle ne fait pas de bonnes prédictions, ou le scientifique ne peut pas la rejeter parce qu’elle n’a pas conduit à de mauvaises prédictions. Le point important est que le scientifique ne peut pas accepter une hypothèse. Autrement dit, la science peut montrer que certaines idées sont « fausses » (si elles ne permettent pas de faire de bonnes prédictions sur le monde naturel), mais la science ne peut pas montrer qu’une idée est « juste » ou « vraie ». Dire qu’une hypothèse est « juste » impliquerait qu’elle résisterait à tous les tests de prédictions futurs, ce qui n’est pas possible, étant donné qu’il y aura toujours de nouveaux tests à faire. La science ne peut que dire si une idée n’a pas encore été démontrée comme étant fausse. Par conséquent, toutes les théories en science sont considérées comme provisoires, et sont révisées au gré de nouvelles informations. Ainsi, les théories en science restent des théories – elles ne changent pas de statut, comme celui d’une « «loi » par exemple.

Une théorie est donc une entité intéressante en science  – elle est reconnue pour être à la fois  un cadre explicatif puissant et provisoire, sujet à des révisions futures (ou même à l’abandon, si une meilleure idée est découverte). En pratique, certaines théories scientifiques sont si bien supportées par les faits qu’il est hautement improbable que ses idées de base en soient un jour modifiées. Ces théories sont des idées qui sont de très bonnes approximations de ce que les choses réelles sont, et en tant que telles, elles ne devraient pas changer de manière siginificative. Une fois qu’une théorie atteint ce niveau, la science l’accepte comme une donnée et change de domaine, pour se tourner vers les frontières de ce qui n’est  pas encore connu.

Apprendre du passé

Peut-être un exemple tiré de l’Histoire peut être utile ici. Prenez la théorie de l’héliocentrisme – l’idée que le soleil est au centre du système solaire. (Si vous trouvez surprenant de considérer cette idée comme une théorie, rappelez-vous que nous l’utilisons ici dans le sens d’une théorie en science. De manière évidente, l’héliocentrisme est une idée bien supportée, et ne devrait vraisemblablement pas changer dans le futur, mais il reste une théorie dans le sens scientifique). Lorsque l’héliocentrisme a été conçu pour la première fois en opposition à l’idée d’un système solaire géocentrique, centré sur la Terre, il y avait peu de faits  pour le supporter. En fait, cette idée était populaire uniquement parmi les mathématiciens, du fait de sa simplicité et de son élégance. Une fois l’idée articulée,  des faits  apparurent pour la conforter: l’observation par Galilée que Vénus avait plusieurs phases comme la lune (une observation incompatible avec le modèle géocentrique de l’époque)  et que Jupiter avait quatre lunes dans son orbite (conforme au modèle de corps célestes en mouvement autour d’un plus grand corps). Si les observations de Galilée permettaient à la science de rejeter le modèle géocentrique standard, elles ne permettaient pas de rejeter  un modèle géocentrique alternatif proposé par Tycho Brahe. L’héliocentrisme faisait cependant une prédiction clé. Dans le modèle de Brahe, comme dans tous les modèles géocentriques, la Terre était prédite comme étant stationnaire. Dans le modèle héliocentrique, la Terre était prédite   décrivant une orbite autour du soleil.  Malheureusement pour Galilée, il faudra attendre les années 1720 pour des preuves physiques directes du mouvement terrestre, lorsque sera observée avec succès l’aberration stellaire (l’effet du mouvement terrestre sur la lumière des étoiles). Il faudra attendre encore un siècle (dans les années 1830) pour la première mesure de la parallaxe stellaire, la légère modification  des positions relatives des étoiles due au   changement de perspective engendré par le mouvement de la Terre dans l’espace. Quand enfin cette observation fut faite, l’héliocentrisme devenait une théorie – un cadre éprouvé qui fait de bonnes prédictions, dont celle de la parallaxe stellaire. Bien sûr, dans les années 1830, l’héliocentrisme avait fait un long chemin depuis ses modestes débuts, et continua d’être modifié ensuite en accord avec de nouvelles observations. Quoiqu’il en soit, en tant qu’idée, l’héliocentrisme a passé avec succès  le test du temps puisque il est une représentation raisonnablement fidèle de ce que les choses sont réellement. Nous l’acceptons (provisoirement) puisqu’il est un cadre productif et utile. Ses idées centrales ne vont vraisemblablement pas changer même si nous ajoutons des nuances que Galilée ne pouvait imaginer. Cela semble difficile à imaginer, mais il est possible qu’un jour nous rejetions cette théorie au profit d’un meilleur cadre – mais le combat pour qu’une nouvelle théorie s’impose sera rude.

 

L’évolution, une théorie

En quoi cela a à faire avec l’évolution, me direz-vous? Et bien simplement  en cela : malgré ce qu’ont pu dire beaucoup de chrétiens évangéliques, l’évolution est une théorie dans le sens entendu par la science. Elle a commencé comme une simple hypothèse. Les scientifiques ont essayé de la rejeter sans succès. Aujourd’hui, l’évolution est un cadre explicatif qui a résisté à 150 ans de tests et qui continue à faire de bonnes prédictions sur le monde naturel. Comme pour l’héliocentrisme, nos idées sur l’évolution se sont développées de manière significative avec le temps depuis les années 1850. Dans le prochain billet de cette série, nous verrons quelques lignes d’évidence ont été présentées par Darwin dans son livre « Origin of species », avant de continuer à examiner l’état actuel des preuves.


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