L’article d’aujourd’hui a été écrit par Francis Collins. Le Dr. Francis Collins est un médecin et un généticien connu pour avoir dirigé le projet pour la lecture complète du génome humain et pour ses découvertes concernant des causes génétiques de maladies. Collins a fondé la fondation Biologos en novembre 2007 et en a été le président jusqu’en août 2009, où il a démissionné pour devenir le directeur des instituts nationaux de santé (NIH) aux Etats-Unis. Tous les articles parus sur le blog Biologos ont été écrits avant que Francis Collins n’accepte ses nouvelles responsabilités aux NIH).

J’ai lu récemment des sermons publiés du Révérend Martin Luther King. La profondeur et l’étendue de sa défense éloquente de la vérité et de la justice sont particulièrement inspirant. Mon sermon favori commence avec un verset de l’évangile de Matthieu : « soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes. » Cette exhortation a du paraître paradoxale aux disciples de Jésus, comme à nous aujourd’hui, mais Martin Luther King en explique le vrai sens : nous sommes appelés à avoir une intelligence « dure » et un cœur tendre, et il nous faut être attentifs aux moments pendant lesquels nous appliquons l’un ou l’autre.

De par sa nature même, la science se doit d’être bâtie par des esprits rigoureux. Les conclusions concernant le fonctionnement de la nature doivent être conduites par des expériences rigoureuses et le développement de théories qui permettent de rassembler de façon cohérente de nombreuses observations dans un cadre explicatif. Même après que l’on soit arrivé à une conclusion, on doit encore rester septique à propos de la validité de ces théories. Les scientifiques cherchent toujours à améliorer leurs théories, et, si nécessaire, à les renverser. Il n’y a pas de place pour un état d’esprit « mou », que ce soit pour déduire comment la cellule copie l’ADN ou pour déterminer si un nouveau médicament est efficace contre le cancer. Les scientifiques sont vraiment appelés à être sages comme des serpents.

Mais qu’en est-il de ces aspects de l’existence humaine qui n’ont rien à voir avec la compréhension et le contrôle matériel du monde ? Qu’en est-il des liens de confiance et de la préoccupation pour la famille et les amis,de la tendresse de ceux qui s’aiment, de l’appel que nous ressentons tous envers ceux qui sont dans le besoin, et de l’impulsion spirituelle qui nous pousse à rechercher quelque chose de plus grand que nous ? Si la rigueur et la « dureté » sont nos seuls états d’esprit dans la vie, alors nos expériences dans ces domaines si importants seront appauvries.

Le besoin d’équilibre entre la tête et le cœur est visible lorsque nous observons les tensions entre les visions du monde spirituelle et scientifique. Les partisans du nouvel athéisme tiennent la science comme un club de golf au dessus de la tête des gens qui croient en Dieu, impliquant que la foi en Dieu révéle un intellect inférieur. A l’autre extrême, les croyants fondamentalistes rejettent les découvertes scientifiques qui s’opposent à leur interprétation particulière de la Bible, même si la signification de ces versets bibliques est débattue parmi les chrétiens depuis des millénaires.

En m’appuyant sur le message de Luther King, j’encourage les scientifiques, et tout spécialement ceux qui ont une prédilection pour l’attaque de la foi des autres, à continuer à mettre leur esprit « dur » au service de l’exploration de la nature. Mais en ce qui concerne des sujets comme l’existence de Dieu, l’expérience de la beauté et la signification de l’amour, ils doivent réaliser que la méthode scientifique a des limites pour répondre à ces questions. Le cœur pourrait bien être un guide meilleur que la seule intelligence rationnelle.

Je veux aussi encourager ceux qui ont la foi, et tout particulièrement ceux qui ne font pas confiance à la science, à chercher la vérité de Dieu avec tout leur coeur. Mais Jésus nous a rappelés : « Aime le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. » Cela signifie prendre le temps pour comprendre avec notre intelligence pourquoi les scientifiques sont si sûrs d’eux à propos de leur conclusions, comme celles concernant l’âge de l’univers et le fait que les espèces vivantes descendent les unes des autres par l’évolution. Nous ne devons pas nous inquiéter sur le fait que ce fait pourrait menacer Dieu d’une façon ou d’une autre.

Il y a une bonne nouvelle. La science et la foi peuvent en effet coexister en harmonie, si nous reconnaissons simplement le domaine d’application de l’une et de l’autre. En parlant du même thème de l’harmonie entre l’esprit « dur » et du cœur tendre, King cite un philosophe allemand du 19ème siècle, George Wilhelm Friedrich Hegel: «  La vérité n’est ni dans la thèse ni dans l’antithèse, mais la synthèse émergeante qui réconcilie les deux. »