Richard Dawkins, célèbre zoologiste et surtout auteur de nombreux best-sellers de vulgarisation scientifique a été interviewé par  Delphine Saubaber et Jacqueline Jencquel, deux journalistes du magazine l’Express. Cette première interview pour un média français est disponible sur le site de l’Express.

Fidèle à lui-même dans son athéisme militant, Richard Dawkins accumule de façon flagrante les amalgames entre ses convictions anti-foi en Dieu et son amour pour la science. L’analyse de son discours est un très bon exemple pour quiconque veut exercer son aptitude à déjouer les dichotomies, ces faux choix entre deux positions caricaturales : la science et la curiosité intellectuelle d’un côté,  la foi en Dieu et l’obscurantisme intellectuel de l’autre côté.

Les deux journalistes ont d’ailleurs bien mené cette interview, et ont  saisi le côté paradoxalement « religieux » de la démarche de Dawkins.

Pour sa première interview publiée en France, Richard Dawkins a reçu  L’Express entre sa bibliothèque monumentale et sa table jardin. Il est est entré  dans la lumière, en 1976, avec un livre, Le Gène égoïste, vendu à plus de 1  million d’exemplaires. Il y revisitait la théorie darwinienne de l’évolution,  qui ébranla les bases de la biologie, au XIXe siècle, en expliquant l’origine du  vivant de manière scientifique et non plus religieuse. Cent cinquante ans après  Darwin, dans le monde de l’après-11 Septembre, Dawkins continue de prêcher en  fervent scientiste

Nous avons publié de nombreux articles concernant les arguments étonnement simplistes de Richard Dawkins contre la foi en Dieu. Nous le faisons d’autant plus librement que nous partageons avec lui le même émerveillement pour la création,  l’amour pour la science, et  la même analyse scientifique à propos du créationnisme « scientifique », en l’exprimant toutefois de façon différente.

Richard Dawkins retombe encore et toujours dans les mêmes clichés.

  • La théorie de l’évolution nous expliquerait « pourquoi », plutôt que « comment » nous sommes apparus sur la terre.

« La théorie de Darwin éclairait la vie de manière puissante,  le pourquoi de notre présence sur terre.  »

De façon très clairvoyante, les journalistes mettent en évidence cette confusion des discours: « N’est-ce pas parce qu’elle se situe sur un autre plan, celui de la foi et du  sens de la vie, alors que la science se place sur celui du savoir? »

  • La vie serait le produit d’un processus métaphysiquement non dirigé. Affirmation qui sort complètement du cadre du discours scientifique. Cet argument est d’autant plus « subtil » qu’il est associé à la dénonciation du mouvement de l’Intelligent Design, que nous récusons nous aussi.

« Par ailleurs, le créationnisme connaît un nouvel avatar, plus subtil, dans les  sociétés occidentales : « le dessein intelligent ». Sa thèse? La vie est trop  complexe pour être issue d’un processus non dirigé tel que la sélection  naturelle. L’évolution des espèces est admise mais ne peut être que l’oeuvre  d’un concepteur supérieur. Et cette théologie naturelle s’attaque à  l’enseignement dans les écoles.  »

  • Un monde sans religion serait un monde sans violence (euh…et Staline, Kim Jong-il, Mao, Pol Pot…)

« Imaginez un monde sans religion : pas d’attentats suicides, pas de  croisades, pas de chasses aux sorcières, …, pas de guerres  israélo-palestiniennes, pas de persécutions de juifs, pas de « crimes d’honneur »… »

  • Une explication scientifique constituerait une alternative à une interprétation spirituelle de la réalité

« Quant au divin horloger qui aurait tout orchestré, la biologie darwinienne  explique très bien comment a eu lieu l’évolution, pourquoi un singe est devenu  un singe qui sait grimper aux arbres, pourquoi un poisson est devenu un poisson  qui sait nager dans la mer, pourquoi les êtres vivants sont des mécanismes  compliqués qui ont l’air d’avoir été créés dans un but déterminé mais qui ne  sont là que pour se perpétuer et survivre. La religion ne l’explique pas.  »

  • Si nous réalisons au fond ce qu’implique la vision d’un univers sans Créateur, il n’y a plus qu’à sombrer dans le désespoir existentiel (sur ce point je suis d’accord!)

« Si vous êtes trop réaliste, vous devenez trop conscient de l’absurde, et vous  vous demandez à quoi bon la vie.  »

Alister McGrath  a apporté des réponses très pertinentes aux arguments de Richard Dawkins  qui sont toujours d’actualité

« Dawkins écrit avec érudition et sophistication sur les problèmes de l’évolution biologique, il maîtrise visiblement les subtilités de sa matière et la littérature étendue sur le sujet. Pourtant, quand il s’agit de Dieu, nous avons l’impression d’entrer dans un monde tout différent. Les raisonnements rigoureux basés sur des preuves semblent loin derrière, et sont remplacés par des affirmations exagérément enthousiastes et enflammées, épicées de quelques simplifications stupéfiantes et excessives et plus d’une déformation (accidentelle, je suppose) pour faire des affirmations superficielles. Plus fondamentalement, Dawkins ne parvient pas à démontrer la nécessité scientifique de l’athéisme. Paradoxalement, l’athéisme luimême apparaît être une forme de foi, présentant une correspondance conceptuelle remarquable avec le théisme.

Mon approche sera simple. Mon but est de remettre en question le lien intellectuel entre les sciences naturelles et l’athéisme qui sature les écrits de Dawkins… »

lire l’article complet (Alister McGrath)