Quelle est la relation appropriée entre la science et la foi ?

par | 8 Juin 2013

En résumé


Hamonie Science et Foi

Marcher sur ses 2 jambes, c’est mieux pour avancer !

Comment la complémentarité Science et Foi peut-elle contribuer à nous fournir une vision équilibrée du monde ?

Certains pensent que la science et la foi sont des ennemis en guerre pour la domination idéologique du monde moderne. D’autres voient la science et la foi  comme des facettes de la vie complètement séparées et sans corrélation.

Pourtant, la science n’est pas la seule source factuelle, et la foi nous informe au delà du domaine des valeurs ou de la morale.

En fait, la foi peut avoir un impact positif sur la science. Beaucoup des premiers scientifiques étaient des chrétiens convaincus, et certains le sont encore aujourd’hui.

La science peut aussi encourager la foi des croyants en leur révélant la gloire de Dieu le créateur au travers des découvertes de la science.

La science et la théologie ont des choses à se dire car elles sont toutes les deux concernées par la recherche de la vérité.1

John Polkinghorne

En détail

Introduction

Beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui et prétendent que la science et la foi chrétienne sont opposées l’une à l’autre. Certains athées affirment que la science a rendu la foi obsolète, et la mise au rang d’une superstition quelconque. Beaucoup dans le grand public pensent que l’église est anti science. Et à l’intérieur de l’église, la science est souvent présentée comme si elle défiait certaines croyances chrétiennes importantes. Pourtant, aucune de ces voix ne nous présentent une relation positive et constructive entre la science et le Christianisme. Nous présentons ici plusieurs façons d’envisager les relations entre la science et le christianisme.

NOMA

On pense parfois que la science et la foi concernent des domaines différents de connaissance complètement disjoints. La science est sensée nous fournir une connaissance systématique et empirique du monde et de son comportement, alors que la foi est sensée nous apprendre la valeur et le sens de l’existence de chacun. Le meilleur résumé de cette vision des choses nous est fournit par Stephen J. Gould qui décrit la science et la religion en tant que Magistères- Sans-Chevauchement (Non-Overlapping-Magisteria, abrégé NOMA en anglais).

[Chaque] sujet a son magistère légitime, ou son domaine d’autorité en matière d’enseignement- et ces magistères n’empiètent pas les uns sur les autres (j’appelle ce principe NOMA “nonoverlapping magisteria », c’est-à-dire le non chevauchement des magistères). Le filet jeté sur le monde par les sciences concerne le monde empirique : ce dont il est fait (les faits), et la raison pour laquelle il fonctionne ainsi (la théorie). Le filet de la religion s’étend à des questions de signification morale et aux valeurs. Ces deux magistères ne se chevauchent pas, pas plus qu’il ne constituent un ensemble exhaustif d’investigation (pour les débutants, considérez par exemple le magistère des arts et la signification de la beauté). 2

Il y a beaucoup de questions auxquelles seule la science ou la religion peuvent répondre, et cette vision du non empiètement des magistères décrit certainement de telles situations. La vision populaire qui veut que la science et la foi soient engagées dans un débat sans fin est une conception erronée qui résulte d’une vision limitée de la réalité. Le plus souvent, les scientifiques font des recherches sur des sujets qui n’ont rien à voir avec la religion. De même, les théologiens étudient la Bible sur des sujets qui n’ont aucun rapport avec la science. Les scientifiques étudient par exemple quotidiennement les trajets migratoires des animaux, les atmosphères des planètes et la durée de vie des particules élémentaires. Mais il est impossible de donner une signification théologique quelconque à de telles investigations. De même, les théologiens étudient les origines et le développement des Écritures, les solutions philosophiques au problème du mal et la promesse de la vie éternelle. Ces sujets n’ont aucun rapport avec la science. La perspective de Gould (NOMA) est juste lorsqu’elle met en évidence ce non empiètement de la science et de la théologie dans la plupart des situations.

Pourtant, cette vision des choses (NOMA) court le risque de compartimenter à l’excès certaines questions. Dans une vision caricaturale, le non chevauchement des magistères (NOMA) identifie la science avec la connaissance factuelle et la foi avec les valeurs ou les opinions subjectives. Si c’était le cas, les deux disciplines ne se chevaucheraient pas du tout.

La science n’est pourtant pas la seule source de vérité factuelle, et la foi s’étend au-delà du domaine des valeurs ou de la morale. Comme Gould le reconnaît, la science se limite aux affirmations factuelles concernant le comportement physique du monde, et ne nous fournit ainsi qu’un fragment de la connaissance totale. En écrivant sur ce sujet, Francis Collins emprunte un exemple à l’astronome Arthur Eddington :

[Eddington] décrit un homme qui veut étudier la vie marine dans les eaux profondes et qui n’utilise pour cela qu’un filet dont la maille mesure 7 cm. Après avoir attrapé beaucoup de merveilleuses créatures sauvages vivant dans les profondeurs, cet homme en conclut qu’il n’existe pas de poisson de moins de 7 cm vivant dans de telles eaux ! »3

La vision de Gould (NOMA) est injustement restrictive parce que la foi étend ses cordages bien au-delà du domaine des valeurs. En fait, la foi chrétienne contient des affirmations d’ordre métaphysique, comme l’existence d’entités surnaturelles : Dieu, la loi morale, la vie après la mort, etc.

Il n’est pourtant pas suffisant de montrer que le non chevauchement des magistères contient une mauvaise définition de la science et de la foi. L’objectif central de cette vision des choses est d’affirmer que la science et la foi n’interagissent pas, n’ont pas besoin d’interagir, et ne devraient pas interagir. Nous donnons des exemples du contraire ci-dessous.

La foi informe la science

Pendant des siècles, la foi a eu beaucoup à dire à la science. Pour rester concis, le développement moderne des sciences en est un bon exemple. On pense souvent que la foi a été un obstacle au développement primitif des sciences, et le désaccord entre l’Église Catholique et Galilée (voir plus bas) est souvent cité en exemple. Pourtant, la foi chrétienne était entièrement compatible avec le progrès scientifique.

Les pionniers de la science moderne

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de croyants

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d'Incroyants

Par exemple, lorsque les 52 meilleurs scientifiques pendant l’émergence de la science moderne dans l’Europe médiévale ont été interrogés sur leurs croyances religieuses, 62% pouvaient être qualifiés de pieux, 35% de croyants conventionnels, et seulement 2 scientifiques (soit 3,8%), pouvait être qualifiés de septiques.4 Étant donné que ces scientifiques — que l’on appelle les « philosophes naturalistes » — ont contribué à poser les fondations de la science moderne, il reste peu de place pour suggérer une quelconque incompatibilité entre le progrès scientifique et la foi chrétienne. Avec ces statistiques en tête, nous ne devrions pas être étonné du fait qu’une vision chrétienne du monde ait joué un rôle significatif dans l’encouragement au développement de la science moderne.

Le professeur Roger Trigg résume bien la situation:

Leur foi en Dieu leur a donné l’assurance que le monde physique, dans toute sa complexité et son extension, pouvait être compris. […] Ceci est un fait historique, la science moderne s’est développée à partir de la compréhension du fait que le monde était la création ordonnée de Dieu, possédant sa propre cohérence rationnelle.5

Ceci ne signifie pas que la science ne se serait jamais développée sans l’aide de la foi chrétienne. Cependant, cette foi peut fournir un cadre propice au développement du progrès scientifique. Ceci nous montre certainement l’interaction entre ces deux domaines de connaissance.

De plus, la foi n’a pas seulement encouragé les découvertes scientifiques, elle a aussi exercé une influence significative dans l’application pratique de ces découvertes. Avec les progrès constants de la technologie et de la médecine, de nouvelles questions en matière d’éthique ne cessent d’être posées6 (Voir l’appendice de Collins dans The Language of God.). La méthode scientifique ne fournit pas à elle seule la façon de répondre à ces questions éthiques, mais ne peut que nous aider à envisager les différentes possibilités. De telles questions éthiques ne peuvent que se résoudre à l’aide de critères moraux qui trouvent leurs fondements et leur autorité dans la foi en un Être supérieur.

La science informe la foi

Le système géocentrique de ptolémée

crédit : bibliothèque de l’observatoire de Paris

La révolution copernicienne

Crédit : Bibliothèque de l’observatoire de Paris

Comme nous l’avons mentionné plus haut, un exemple historique bien connu d’interaction entre la religion et la science est l’affaire Galilée. Bien que cet exemple soit souvent cité comme celui d’un conflit entre la foi et la science, c’est aussi un bel exemple de contribution scientifique à la foi chrétienne. A l’époque de Galilée, il y avait une controverse à propos de l’interprétation de quelques versets bibliques dans la section poétique des Psaumes. On pensait qu’il fallait lire ces versets comme de la science et non comme de la poésie, on pouvait ainsi les interpréter pour dire que la Terre était physiquement au centre de l’univers. Pourtant, Galilée avait été convaincu par les arguments de Copernic qui disait cela impossible. Galilée, qui demeura un Catholique loyal jusqu’à la fin de sa vie, fit la déclaration suivante dans une lettre à la Grande Duchesse de Toscane :

[Dans] St. Augustin nous lisons: « Si quelqu’un veut établir l’autorité d’un auteur inspiré contre la raison claire et manifeste, il ne se rend pas compte de ce qu’il fait ; car il oppose à la vérité non pas le sens de la Bible, qui est au-delà de sa compréhension, mais plutôt sa propre interprétation, non pas ce qui est dans la Bible, mais ce qu’il a trouvé en lui-même et qu’il imagine s’y trouver. « 

Ceci étant acquis, et puisque deux vérités ne peuvent se contredire, la fonction des théologiens est de chercher les vrais sens des textes de l’Écriture. Ceux-ci seront sans aucun doute en accord avec les conclusions physiques qui font sens et que des démonstrations nous ont préalablement rendues certaines. 7

Galilée ne suggérait pas que ses découvertes étaient contraires à la vérité révélée dans la Bible, mais que la science avait permis de reconsidérer leur véritable signification. Aujourd’hui encore, il existe de nombreuses occasions d’être ainsi aidé en particulier dans le processus d’interprétation des premiers chapitres de la Genèse. Des preuves scientifiques surabondantes nous montrent que la Terre est ancienne. Si la Genèse est vraie, il ne faut pas l’interpréter comme le récit étape par étape de la façon dont Dieu a créé le monde.

Voir «Comment interprétait-on le récit biblique de la création dans la Genèse avant Darwin ?» et « Quels facteurs devrions nous considérer pour déterminer comment aborder un passage des Écritures ? »

Le professeur Donald Mac Kay nous offre une perspective saine à propos de l’influence de la science sur l’interprétation biblique:

Évidemment, la signification évidente de beaucoup de passages pourrait par exemple être confrontée avec des découvertes archéologiques, et le sens d’autres pourrait être enrichi par des découvertes scientifiques et historiques. Mais j’aimerais suggérer que la première fonction de la science dans ce domaine n’est pas de vérifier ni d’ajouter à « l’image » inspirée, mais plutôt d’éliminer des lectures inappropriées. Pour poursuivre la métaphore, je pense que les données scientifiques que Dieu nous donnent peuvent parfois lui servir à nous avertir que nous nous tenons trop prêt de « l’image », sous un mauvais angle, ou avec des attentes illégitimes, pour être capable de voir le message inspiré qu’il a voulu nous communiquer. 8

À partir des exemples ci-dessus, il est clair que la science et la foi peuvent entretenir des relations constructives. De manière surprenante, certaines personnes affirment que l’existence de Dieu est une affirmation d’ordre scientifique qui devrait être testée comme toutes les autres. Pourtant, l’existence de Dieu n’est pas quelque chose que l’on peut tester scientifiquement de la même façon qu’on postule l’existence d’une nouvelle particule élémentaire dans un accélérateur de particules. Parce que la science ne nous fournit que des connaissances à propos du monde naturel, aucun test ou aucune théorie ne peuvent prouver ou nier l’existence d’un créateur surnaturel. Plutôt que d’être une affirmation empirique à propos de la nature et de ses lois, l’affirmation que Dieu existe est métaphysique, une affirmation à propos de ce qui est, que ce soit naturel ou surnaturel.

Bien qu’il y ait clairement un chevauchement entre la foi et la science, aucune n’est une source complète de connaissance. C’est-à-dire qu’il y a encore certaines questions qui devraient être résolue par l’une ou par l’autre seulement. De la même façon que la science ne peut pas répondre aux questions à propos du sens de la vie ou de l’existence de Dieu, il faut être circonspect dans l’utilisation de la Bible comme s’il s’agissait d’un texte scientifique. Alors que la science et la foi interagissent, il faut toujours garder à l’esprit les limites appropriées à chaque type de source de connaissance.

Notes


  1. John Polkinghorne, « The Science and Religion Debate: An Introduction, »  Faraday Papers, no. 1 (2007), http://www.faraday-institute.org.
  2. Stephen J. Gould, « Nonoverlapping Magesteria, » Natural History Magazine 106 (1997). Voir aussi: Stephen Jay Gould, Rocks of Ages: Science and Religion in the Fullness of Life, 1st ed. (New York: Ballantine Books, 1999), 88.
  3. Francis S. Collins, De la Génétique à Dieu (Presses de la Renaissance).
  4. Rodney Stark, For the Glory of God: How Monotheism Led to Reformations,  Science, Witch-Hunts, and the End of Slavery (Princeton, NJ: Princeton University Press, 2003), 160-63.
  5. Roger Trigg, « Does Science Need Religion? » Faraday Papers, no. 2 (2007),  http://www.faraday-institute.org. See also John Hedley Brooke, ed., Science  and Religion: Some Historical Perspectives (New York, N.Y.: Cambridge  University Press, 1991).
  6. Voir, par exemple l’appendice de  Francis S. Collins, De la Génétique à Dieu (Presses de la Renaissance).
  7. Galileo Galilei, Discoveries and Opinions of Galileo: Including The Starry Messenger (1610), Letter to the Grand Duchess Christina (1615), and Excerpts from Letters on Sunspots (1613), The Assayer (1623), traduction. Stillman Drake (New York: Anchor Books, 1990).
  8. Donald MacCrimmon MacKay, The Open Mind, et d’autres essais (Leicester, England: InterVarsity Press, 1988), 151-52. Quoted in: Ernest Lucas, « Interpreting Genesis in the 21st Century, » Faraday Papers, no. 11 (2007), http://www.faraday-institute.org.

 

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