Nous avons reçu ce message dans notre rubrique contact. Plutôt que de répondre à Guillaume de façon privée, je lui ai demandé l’autorisation de lui répondre publiquement, pour que plusieurs puissent enrichir la réponse que nous lui ferons. C’est toujours très encourageant de recevoir des messages comme celui-ci – même si sa première question reste difficile, alors n’hésitez pas !

Guillaume correspond au « portrait type  » des personnes que nous souhaitons encourager par notre travail sur ce site.  Voici son message :

 

Bonjour équipe de Science & Foi,

Chrétien élevé dans le catholicisme, j’avais sombré dans une vie chrétienne mollassonne et ma foi était devenue au mieux vacillante. Par bonheur, depuis quelques mois, l’Esprit Saint m’a en quelque sorte ramené à la vie et remis sur les bons rails. Dans ce contexte, j’ai eu la chance de me faire un ami protestant, qui m’a beaucoup aidé à redécouvrir les écritures. Depuis quelques mois, j’ai beaucoup d’appétit pour essayer de mieux comprendre Dieu et de me rapprocher de lui.
Découvrir votre site m’a beaucoup apporté. Ayant une formation médicale et scientifique, j’ai tendance à avoir une approche sceptique vis à vis de beaucoup de questions qui peuvent se présenter dans la vie, ce qui me paraît souvent utile et même nécessaire. Cependant, cette inclination  pour la critique et le scepticisme m’avait amené à  me poser beaucoup de questions sur la possibilité de concilier d’une part, une approche raisonnée et critique pour aborder les questions scientifiques ou plus générales, et d’autre part la foi en Dieu. Dans le contexte de mon récent « retour à la vie » chrétienne, les réflexions et les explications que j’ai pu lire sur Science & Foi m’ont souvent semblé écrites sur mesure pour moi et m’ont beaucoup enrichi. Merci!
J’aimerais vous posez deux questions totalement différentes et sans rapport l’une avec l’autre.
1) Je crois que chaque homme est important aux yeux de Dieu et que chaque vie est une chance que Dieu donne pour suivre les pas de Jésus. Mais comment comprendre que certaines personnes naissent avec un retard intellectuel majeur, ou développent, parfois dès l’enfance, des déficits neurologiques sévères, qui peuvent les priver en grande partie d’interagir avec leur prochain, d’avoir accès à la parole de Dieu, de faire des choix? Quel sens peut on donner à des vies malheureusement privées de presque toute intelligence ou conscience ? C’est une grande interrogation pour moi, je ne sais pas si vous auriez des idées ou des pistes de réflexion. La seule réponse que j’ai trouvé est que Dieu a ses raisons et ses mystères et que, petit comme je suis, je dois accepter de ne pas tout comprendre…
2) Ma seconde question est plus pratique. Désormais, ma principale source et mon outil pour progresser dans ma vie de chrétien est la lecture de la Bible. Les échanges que j’ai eu la chance d’avoir avec mon nouvel ami protestant, ainsi que différentes lectures sur internet (même s’il y a un certain tri à faire…) sont très utiles. Etant donné que j’apprécie beaucoup votre vision moderne et intelligente de la foi chrétienne, je voudrais vous demander si vous auriez des lectures (livres ou internet) à me conseiller pour m’aider dans ce parcours (je ne parle pas spécifiquement des questions reliées à la science, la création et l’évolution, mais plus globalement) ? Vous m’excuserez de vous demander quelque chose qui sort un peu de votre mandat habituel, mais j’apprécierais beaucoup vos conseils.

Un grand merci d’avance,
Bien amicalement,

Guillaume

 

Nous avons choisi de faire une réponse collégiale Roger Lefèbvre, Marc Fiquet et moi-même, nous espérons ainsi couvrir différentes facettes en essayant toutefois de rester bref pour préserver le format d’un article de blog.

 

Question 1

Roger

Non, je n’ai pas de réponse pleinement satisfaisante. D’ailleurs, s’il en existait une, ça se saurait !
Quelques pistes peut-être…
Tout d’abord, oui ! Il n’est pas un être humain qui ait plus ou moins d’importance que son voisin aux yeux de Dieu.
Ensuite, est-ce que notre relation avec Dieu passe nécessairement, ou dépend exclusivement d’une démarche théologique où l’aspect spirituel est largement intellectualisé ?
Je suis convaincu (c’est tout personnel) que la dimension spirituelle qui fait la dignité de l’homme peut « fonctionner » indépendamment de nos petites cellules grises.
Ma mère a souffert de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé pendant plus de quinze ans. À bout de ressources physiques mon père s’est finalement résolu à la placer dans un home spécialisé, et il est mort peu après.
On sait comment cette maladie conduit les personnes les mieux éduquées à des comportements grossiers et aberrants de diverses natures.
Parmi la centaine de pensionnaires de ce home, ma mère et une sœur aînée de mon épouse, toutes deux chrétiennes engagées en leur temps, étaient les deux seules à présenter un comportement doux et perpétuellement souriant.
Ma mère bien sûr était dans « son monde », mais quand je priais avec elle, il y avait quelque chose d’indéfinissable qui se passait et elle essayait de balbutier un « Mmmercci Ssseignneur ».
C’était assez bouleversant de la voir revenir « sur terre » que dans cette seule occasion.
Autre chose Jésus nous a invités à redevenir comme un petit enfant pour hériter du royaume de Dieu.
Qu’est-ce qu’un enfant peut comprendre de la théologie paulinienne ? Sans doute pas grand-chose… Sinon qu’un enfant croit spontanément en Dieu et en Jésus, tant que les adultes ne les en dégoûtent pas !
Pendant plusieurs années, j’ai travaillé quelques heures par semaines dans un centre d’enfants handicapés, voire débiles profonds.
J’ai toujours eu du mal à croire que tout ce que ces enfants nous apportent (sur ce point, le personnel soignant est unanime !) ne vient pas de Dieu.
Quant à certains cas, je me demande si nous ne devrions pas revisiter l’idée de possibles possessions démoniaques… Bien que je critique vigoureusement ceux qui cultivent la manie superstitieuse de voir le diable partout.
De toute façon un chrétien est riche de ce qu’il donne bien plus que de ce qu’il reçoit… Et donner de l’amour à de tels êtres, c’est répondre à une occasion d’enrichissement spirituel que Dieu nous donne.
Comme des nouveaux nés, ces personnes atteintes d’un handicap grave sont dans un état d’innocence qui leur ouvre les portes du ciel où, je le crois, elles pourront rattraper leur « retard ».
Ai-je répondu à la question ? Non bien sûr ! C’était juste un partage fraternel, rien de plus.

 

Marc :

Merci Roger pour cet épanchement personnel à propos de cette question difficile qui nous montre combien certains sujets restent à approcher avec beaucoup d’humilité malgré notre qualité de croyant « éclairé ». Je partage ton point de vue sur la dignité humaine et le fait que la valeur de l’être humain ne se résume pas à ses capacités intellectuelles, c’est d’ailleurs tellement fort il me semble pour être perçu non seulement par les croyants mais par une part croissante de la société ! En effet il est de plus en plus courant aujourd’hui d’inviter certains autistes dans des émissions télé ou de permettre à des mannequins trisomiques de faire carrière, chose qui fut impensable quelques années seulement en arrière !

Guillaume, je comprends ton désarrois pour les handicaps les plus lourds concernant cette faculté coupée de s’enrichir de la lecture de la Parole, mais je ne peux m’empêcher de penser à la mince partie de l’humanité qui a eu en fait accès à ce privilège. Il n’y a pas si longtemps que chacun est instruit et dispose d’une Bible imprimée chez lui !.. Et je ne doute pas un instant que l’illettré d’antan jouissait d’une parfaite communion spirituelle avec son créateur. Cela ne veut pas dire que nous pourrions nous passer de la lecture des Ecritures aujourd’hui mais cela remet peut-être en place certains schemas : Je peux ne pas savoir lire et être en parfaite communion avec Dieu.

Si le handicap mental n’est qu’une conséquence d’un dysfonctionnement physiologique au niveau cérébral, qu’est-ce qui empêcherait la dimension spirituelle de l’être à s’exprimer et à actionner la foi envers son créateur ? En vertu de quoi cette foi devrait-elle revêtir la même expression que la mienne ?

Comme pour Roger, je me garderai bien d’apporter une réponse définitive à cette question..

 

Benoît :

La question des maladies mentales est pour moi une question difficile qui mériterait d’être creusée par des spécialistes chrétiens. Je n’ai rien trouvé à ce stade de très profond.  Les questions les plus épineuses pour moi se situent au niveau de la responsabilité humaine d’actes violents. Quelle est la part de l’homme, de sa volonté, de sa maladie ? La part de l’influence démoniaque qui peut aussi exister ?

En ce qui concerne personnes handicapées mentalement, je rapproche cette situation des enfants en bas âge qu’on ne peut tenir pour responsable de leurs actes, ni accuser de « pécher » volontairement (la question du péché originel n’est pas loin…). Bruno Synnott, membre de  notre équipe, a expliqué pourquoi une vision existentielle du péché s’accorde bien avec la vision biblique, plutôt qu’une vision d’un péché  » de nature ». ou même du salut de celles et ceux qui n’ont jamais entendu le message de l’évangile (cf la controverse à propos de l’âme des indiens d’Amérique…). Le jugement et la justice appartiennent à Dieu, faisons lui confiance !

Question 2

J’ai des livres à te conseiller, oui!  Lis-tu l’anglais?

En Français, Je te conseille le livre de Timothée Keller : la raison est pour Dieu . Si tu aimes ce livre, plusieurs autres du même auteur ont été traduits en français.

C.S Lewis reste une référence. Par exemple : les fondements du Christianisme. (Marc : Oui, c’est un incontournable, à lire absolument si tu ne connais pas. CS Lewis est absolument remarquable dans sa cohérence, son explication du message chrétien et son équilibre foi / raison).

J’aime beaucoup Alister McGrath dont nous avons traduit plusieurs articles. Par exemple, Suprised by Meaning, mais c’est en anglais !
Marc : Ouais c’est notre chouchou !  Il est extra, il débat souvent  avec Dawkins dans les média britanniques, il est très bon.
En français tu peux trouver ce livre très encourageant au titre original et qui te plaira certainement : Je doute donc je crois

Et bien sûr les livres que nous éditons sur Science & Foi en papier ou à télécharger en ebook : https://scienceetfoi.com/bibliographie/

Livres_ORIGINES_Science_et_foiLivre_RogerLivre2_Roger

Voilà ! sinon gratuits et très bien écrits il y a pleins d’articles très édifiants de Roger sur son blog personnelhttp://voxclamantis.skyrock.com

—-

Je reviens à ce que je disais en introduction

La véritable raison d’être de l’apologétique (défense de la foi)

« Est-ce que cette dimension rationnelle de l’apologétique veut dire que l’évangélisation est une affaire purement « philosophique » ? Certainement pas ! La présentation de la foi comprend aussi une dimension « expérientielle ». Nous sommes d’abord et avant tout témoins d’une expérience et d’une personne. La tâche apologétique et kérygmatique (proclamation essentielle sur le Christ) du chrétien est d’abord et avant tout de rendre témoignage au Christ, à sa relation avec lui et au sens que prend sa vie grâce à lui. Cette dimension est centrale à l’apologétique, sans toutefois éliminer le besoin d’une dimension rationnelle…

L’apologétique peut ainsi être vue non pas comme l’art de trouver l’argument massue qui convaincra tout le monde sauf les insensés, mais comme l’art de proposer des solutions raisonnables aux obstacles rationnels ou existentiels à la foi. Comme un amoureux qui a encore des doutes avant de s’engager pleinement dans une relation et qui doit atteindre un certain niveau de satisfaction (et non de certitude) face à ces doutes, l’incroyant qui contemple la possibilité de dire « oui » à Dieu doit recevoir une réponse, ne serait-ce que partielle, aux questions et aux doutes qui l’empêchent de s’engager…

La tâche apologétique consiste donc non pas tant à démontrer (au sens scientifique), mais à ouvrir des possibilités de croire, incluant des possibilités de sens et d’expérience de Dieu à ceux qui hésitent à leur « donner une chance »… »