Article 2 sur un total de 3 pour la série :

Redécouvrir Genèse ♥♥♥


Redécouvrir Genèse 1: le modèle céleste

 

En ce moment et depuis quelques décennies il y a un chaud débat sur l’interprétation de Genèse 1. La majorité des évangéliques en Amérique sont partisans d’une « approche littérale » du texte. Par rapport à la science, ceux-ci qui vont préconiser la création d’une « terre jeune » et rejeter les avancés de la science moderne concernant la théorie du Big Bang et celle de l’évolution.

Toutefois depuis quelques années Henri Blocher a popularisé dans le monde évangélique francophone une approche différente, l’« approche littéraire » de Genèse 1. On la qualifie aussi de théorie du « cadre littéraire ». Ses partisans préconisent la création d’une « vieille terre » et s’accommodent assez bien des avancées de la science moderne, acceptant plus ou moins ensemble les théories du Big Bang et de l’évolution. Bien que créationnistes, ils adhèrent à une création qu’on peut qualifier d’« évolutive ».

Dans cet article nous allons revenir brièvement sur la théorie du « cadre littéraire » mais je vais la compléter avec une approche dite « contextuelle » du texte. Cette lecture littéraire ET contextuelle est celle que préconise l’association d’églises FM au Québec dont je suis membre. Or tout en la valorisant, nous tenons à respecter la diversité des lectures sur le sujet et ainsi, demeurer en dialogue avec nos « frères et sœurs » qui ont une approche différente du texte. C’est ainsi que nous ne faisons pas de notre approche « un dogme » absolu.

 

Le cadre littéraire

 

Tableau 1 :

Ge1.1: “Au commencement Dieu créa les cieux et la terre”

Ge 1.2 : « La terre était informe (TOHU) et vide (BOHU)

« le Souffle de Dieu se mouvait au-dessus des eaux »

DIEU DIT…

Tôhû (sans forme):

Oeuvre de séparation

Bôhû (vide)

Oeuvre de remplissage

JOUR 1.   Lumière et ténèbreJOUR 4.   Soleil, la Lune et les astres
JOUR 2.   Eaux d’en bas (mer)Eaux d’en   haut (ciel)JOUR 5.   Poissons, Oiseaux
JOUR 3.   Terre ferme, VégétationJOUR 6.   Animaux, Humain

JOUR 7 (Dieu se repose)

Institution du sabbat

 

Depuis le magistral ouvrage Révélation des origines d’Henri Blocher, beaucoup d’évangéliques on changé de camp et ont rejoint celui de l’approche du « cadre littéraire » concernant Genèse 1[1].

Comme nous le voyons dans le tableau 1, les deux premiers versets introduisent la fresque de la création en 6 jours. Dieu est là, premier et tout le reste est sans consistance ni puissance. Tout est « informe » et « vide ». Le « souffle » de Dieu « planait » au-dessus des « eaux ». Pour les cosmogonies (science des origines du cosmos) du Proche Orient Ancien (POA), tout l’univers céleste et terrestre provenait des eaux primordiales (voir Arrière-plan culturel, religieux et culturel de Genèse 1-3). C’est de cette soupe indifférenciée qu’avaient d’abord surgi les divinités.

La Bible reprend ce thème commun au POA des eaux primordiales. Mais elle en fait une matière sur laquelle le souffle de Dieu « plane », c’est-à-dire surveille et encadre. Particulièrement en Mésopotamie, la région située entre l’Euphrate et le Tigre – région propice aux inondations – les eaux sont une menace constante. Mais avec Dieu, elles sont sous le contrôle de l’Esprit divin. Le peuple d’Israël n’a pas à demeurer dans une crainte fataliste devant cette puissance chaotique qui resurgissait continuellement. Élohim était là avant.

Les premiers 6 jours

Dans les six jours de la création, sous une forme intentionnellement poétique et pédagogique, l’auteur montre que Dieu règne par sa parole divine. L’expression « Dieu dit… » renvoie directement, pour les habitants du POA à une royauté, car seule la parole du roi a une efficacité souveraine. Un exemple frappant de cette pensée sur trouve dans l’épisode du Centenier Romain qui dit à Jésus : « dis un mot et mon serviteur sera guéri. Car, moi–même, je suis un officier subalterne, mais j’ai des soldats sous mes ordres, et quand je dis à l’un : « Va ! », il va. Quand je dis à un autre : « Viens ! », il vient. Quand je dis à mon esclave : « Fais ceci ! », il le fait. » (Luc 7.7-8). La Parole Souveraine de Dieu en Genèse 1 montre que Dieu est un Roi Tout-Puissant sur la création au complet !

Dans les 3 premiers jours, Dieu « sépare » et met en ordre un espace de vie. Il distingue les choses (exercice de sagesse…). Il évite les confusions et les indifférenciations. La soupe indifférenciée originelle sera toujours une menace pour le peuple d’Israël. Confondre le pur et l’impur par exemple. Aujourd’hui trop souvent la société cherche à tout confondre, même les genres. Or dans les 3 premiers jours Dieu attribue à chaque chose une place en séparant et en nommant chacune d’elle soigneusement.

Puis au jour 4-5-6, Dieu bénis ce cadre de vie. Il remplit ces espaces en créant les êtres qui y habiteront. Comme on voit au tableau 1, c’est une structure dite en « chiasme », c’est-à-dire qu’à l’élément A correspond A’, à l’élément B correspond B’, etc. La structure chiasmique a un élément qui n’a pas de correspondant et qui est la pointe du texte. Ici c’est le 7ième jour, et c’est la pointe du texte, l’institution du repos sabbatique. Ainsi donc, au jour 1 (formation de la lumière) correspond le jour 4 (création des luminaires). Au jour 2 (formation des eaux d’en haut et des eaux d’en bas, séparées par le firmament) correspond le jour 5 (création des oiseaux et des poissons). Et au jour 3 (formation des végétaux) correspond le jour 6 (création des animaux et de l’homme).

Notons que l’homme est créé le même jour que les animaux, mais après eux. Le texte place l’humain (l’adam ici est en son sens collectif) au sommet de cette création, « à l’image (hébreux = tselem) et à la ressemblance de Dieu », c’est-à-dire comme son répondant et vice-roi dans la création. Il reçoit l’ordre de « dominer » (exercer une fonction royale, avec justice) et de « se multiplier », de donner la vie. L’humain doit faire exactement à l’image de son créateur dans les 6 jours de la création ! Dieu lui délègue les même pouvoirs: la créativité, l’autorité, la liberté, etc. C’est ainsi qu’il pourra s’exercer à nommer les animaux (les différencier, les connaître, les apprivoiser, etc.)

 

Le 7ième jour

Le septième jour est la pointe du texte. Dieu établi une alliance avec la création qui est devenue son temple. Il l’a bénit et la sanctifie, comme un temple saint. Non pas divine, mais sainte. Tout ce qu’a fait Dieu est « TRÈS BON », même les catastrophes naturelles et les « Acts of God » (Voir l’article: Pourquoi l’évolution est compatible avec la Révélation biblique ?). Dieu y fait même sa demeure où il s’installe pour régner. C’est le sens de l’expression « il se reposa »; Dieu ne va pas dormir ! Mais plutôt il s’installe dans son règne, tel un souverain dans son temple. C’est un peu comme lorsque quelqu’un « s’assoie dans la chaise du président »; ce n’est pas pour se reposer, mais pour exercer la présidence. C’est pourquoi le peuple est invité à entrer dans ce repos où Dieu règne (Hébreux 4), et à trouver son identité non seulement dans le travail des 6 jours, mais dans sa relation avec son créateur le 7ième. Il y a là, ainsi dans toute la Bible, une théologie du repos dans la Souveraineté divine.

Il serait aussi possible de bonifier ce cadre par ces éléments supplémentaires :

Tableau 2

ROYAUTÉ DE DIEU

Ge1.1: “Au commencement Dieu créa les cieux et la terre”

Jours de formation de Royaume

Jours d’installation de Rois

JOUR 1.   LUMIÈRE         JOUR 4.SOLEIL
JOUR 2. A.   MER
B. CIEL
         JOUR 5. A. POISSON B. OISEAUX
JOUR 3.   TERRE FERME VÉGÉTATION         JOUR 6. ANIMAUX L’HUMAIN (mâle   et femelle)

JOUR 7

DIEU S’INSTALLE DANS SA ROYAUTÉ

IL FAIT ALLIANCE AVEC LA CRÉATION

La lutte des rois: Adam contre le serpent?

Ainsi Dieu met en place des espaces ou cadres de vie et fait ensuite l’installation de celui qui doit régner. Chaque chose reçoit une figure et un rôle d’autorité soumis au créateur lui-même. C’est ainsi que dans le Psaume 19 le Soleil est comparé à un « héros » qui trône dans le ciel. Rien n’échappe à sa lumière, rien ne peut le détrôner! C’est aussi peut-être pour cela que le tentateur est représenté par le serpent, l’animal le plus rusé des animaux des champs est une sorte de roi. Il est ainsi comme le plus proche rival de l’homme, créé le même jour. Il vient tenter mais aussi le dominer. Il veut le rendre comme lui. C’est la confrontation entre celui qui vient du « jardin » et celui qui vient des « champs » (monde animal). Bien sûr aussi le serpent est un animal mythique dans la mythologie antique, symbole de guérison (le serpent élevé de Moïse) et de mort.  Il vient tenter et révéler le coeur de l’homme, mais surtout l’amener à croire dans sa parole, qui représente l’idolâtrie.

 

La théorie du modèle céleste

Le « modèle céleste » voit dans le cadre anthropomorphique des 6 jours de création un modèle pour l’homme. La raison d’être de cette révélation des 6 jours est simple: si l’humain est créé à l’image de Dieu, il faut bien que l’origine du modèle soit donnée : c’est la fonction anthropomorphique de la semaine. Elle révèle qui est Dieu et de ce qu’il fait. Et c’est ainsi seulement que l’humain, en le comprenant, peut se comprendre.

Comme Dieu est, ainsi nous sommes. Comme Dieu a fait, de même nous devons faire.

Ce modèle fonde l’institution de la semaine, le cadre de vie, avec six jours de travail et un jour de repos. À côté de ce rythme de vie, le modèle divin pose les assises à l’institution religieuse du sabbat au 7ième jour. Ici, l’homme est invité à trouver son épanouissement dans une relation avec son créateur, et pas uniquement dans son travail. Finalement, ce modèle exemplifie pour l’homme le rôle appelé à devenir un sacerdoce royal (Ex 19, 6).

Tableau 3

cosmologie poa

 

Retour sur une notion-clé

Il est crucial de savoir que dans le monde antique, le Monde Céleste est le prototype sacré à l’image duquel est organisé le monde d’ici-bas. Le but de la pratique religieuse est de fonder cette vision du monde et de mettre l’homme en rapport avec le modèle céleste (la réalité première). Pour les Anciens, la religion sert à maîtriser les relations entre ce qui se passe en-haut et ce qui se passe en-bas sur terre. L’homme est invité à reproduire le modèle du monde céleste. Les rituels religieux servaient à conserver la faveur des divinités très susceptibles en générale. Déplaire aux dieux pouvaient signifier être abandonné par eux et ainsi perdre les avantages de la prospérité ou du territoire.
La Bible transforme en profondeur le regard sur les réalités célestes, mais en conserve le modèle. Est adopté et adapté le modèle des deux mondes superposés. Ainsi en est-il encore chez Jésus qui enseigne un modèle de prière pour ses disciples: « Priez donc ainsi : Notre Père, toi qui es dans les cieux, que tu sois reconnu pour Dieu, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite, et tout cela, sur la terre comme au ciel.» (Mat 6.9,10)

Paul aussi d’inscrit dans cette perspective. Pour lui, Dieu est « le Seigneur du ciel et de la terre» (Ac 17.24), à la fois des réalités spirituelles et terrestres. C’est donc ce modèle que présente Genèse 1 et toute la Bible. L’original est un Roi céleste, s’incarnant dans le NT en Jésus-Christ l’Emmanuel, Dieu avec nous. Jésus est notre Roi établissant concrètement le Royaume de Dieu et dorénavant, la pratique religieuse consistera à nous mettre en relation avec lui et à vivre comme lui, selon sa vie et son logos, sa Parole.

 

 

Le tabernacle ou temple construit selon le modèle divin

Un autre exemple  de reproduire du modèle divin se retrouve dans le temple. Le tabernacle et le temple à Jérusalem devaient être l’imitation du palais céleste, là où Dieu règne. Dieu communique à Moïse le modèle (hb. Tabnit; gr. tupos) du tabernacle qu’il doit reproduire exactement (Ex 25,9, 40). L’identification du sanctuaire céleste et du modèle terrestre permettait à la gloire de descendre et à Dieu d’habiter au milieu de son peuple. Voir aussi Ex 29.43ss; 40.34. Ainsi en est-il de l’église qui doit reproduire sur terre le plan divin de rassembler en Christ toutes les réalités célestes et terrestres.

 

L’homme comme « image »

L’humain (mâle et femelle) est également créé à l’image, selon le modèle divin. Dans le premier chapitre de la Genèse, il est présenté comme Vice-roi dans la création. Comme le dit le Psaume 8.6: « Qu’est–ce que l’homme, pour que tu en prennes soin, et qu’est–ce qu’un être humain pour qu’à lui tu t’intéresses ? 5  Pourtant, tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, tu l’as couronné d’honneur et de gloire. 6  Tu lui donnes de régner sur les œuvres de tes mains. Tu as tout mis sous ses pieds : 7 tout bétail, gros ou petit, et les animaux sauvages, 8 tous les oiseaux dans les airs et les poissons de la mer, tous les êtres qui parcourent les sentiers des océans. »

L’homme est vice-roi, « couronné de gloire » dit le Psaume 8.6 invité à « dominer » (comprendre régner avec justice) selon le modèle divin, non selon ses propres désirs ou en usurpant le Royaume de son maître. Comme ce modèle consistait à « ordonner » et à « peupler » la création avec justice et équité, ainsi toute l’œuvre humaine est appelé à refléter cet exemple.

Conclusion

C’est pourquoi nous disons que Genèse 1 propose le modèle de la vie humaine.

  • Il fonde l’institution de la semaine : l’homme travaillera 6 jours et se reposera la 7ième journée. – Il fonde également l’institution du Sabbat : le 7ième jour il devra arrêter et entrer dans une communion avec Dieu qui lui confère sa raison d’être.
  • Il fonde finalement la manière de vivre et l’éthique. L’humain devra suivre cette Parole créatrice : l’homme ne vivra pas de pain seulement, dit Jésus, mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu. C’est à la parole agissante de Dieu que l’homme trouve son sens et sa destination.

 

En conclusion, Genèse 1 brosse le tableau de l’intention de Dieu pour l’homme. C’est le crédo d’une vision du monde. Il dévoile les vérités inspirées

  • sur le modèle divin qu’il doit refléter,
  • sur le cadre de vie céleste qui illustre l’intention de Dieu pour l’homme, sa raison d’être.

Il révèle à l’homme tout ce qu’il doit savoir pour mener justement son activité librement et sans peur.

Dans le prochain billet, nous verrons une autre perspective, celle de l’homme situé dans le jardin que Dieu a planté. Nous verrons l’homme au cœur de l’existence.

Comme le dit Blocher, cette approche a été développée par des auteurs évangéliques anglophones partout dans le monde (p.43)


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