Article 2 sur un total de 5 pour la série :

Quelques réflexions à propos de la synthèse "Adam, qui es-tu?" aux éditions Excelsis


Matthieu Richelle nous présente la méthodologie qu’il a adoptée pour étudier Genèse 2-3.

Dans notre dernier billet, nous avons vu que MR dénonce ceux qui utilisent des connaissances scientifiques extra-bibliques « actuelles pour réviser l’interprétation du texte biblique en vue d’une harmonisation avec elles. »[1]

La stratégie de MR est clairement énoncée : il s’agit d’étudier « à partir du texte seul avec des arguments uniquement exégétiques » [2]indépendamment des découvertes de la science, et si cette étude « parvient de facto à des conclusions qui ne semblent pas en contradiction avec la science »[3], le croyant confiant dans l’infaillibilité des Écritures y compris en matière de science et d’histoire n’en sera évidemment pas surpris !

Donc la science ne guidera pas l’exégèse, et il se pourrait bien qu’au final, une bonne exégèse nous conduise à une signification des textes bibliques tout à fait compatible avec les données scientifiques.

MR est-il cohérent avec la stratégie qu’il a lui-même adoptée ?

Je ne le pense pas pour au moins deux raisons.

 

Premièrement, MR ne cesse de marteler qu’il ne veut tirer de conclusions que du « texte seul »[4], à partir d’une « étude exégétique approfondie »[5], « en se contentant de nous demander ce que le texte dit et ce qu’il ne dit pas »[6]. Pour cela il suggère de « remettre le texte dans son contexte »[7] en le comparant « aux textes du Proche Orient Ancien qui évoquent les origines de l’humanité »[8].

Or, il n’échappe à personne que la connaissance de l’existence et de la signification de la plupart de ces textes est le fruit de l’archéologie et date du 19ème siècle pour la plupart d’entre eux. Cette comparaison  n’était pas possible de cette façon pour ceux qui ont vécu avant cette période récente. La découverte de ces textes a provoqué un bouleversement profond de l’analyse des textes de la Genèse? On disposait enfin des éléments de comparaison.

MR nous propose une synthèse comparative remarquable entre Genèse 2-3 et les textes du POA, pour en tirer une conclusion à laquelle adhère la plupart des théologiens :

« l’auteur inspiré a composé un récit original, possédant (comme nous le verrons) une logique inédite, sans se priver de reprendre, en les modifiant à loisir, des motifs bien connus ailleurs, à des fins polémiques et pédagogiques. »[9]

Mais pour arriver à cette conclusion, MR a fait un usage intensif des connaissances extra-bibliques impossible à faire avant le 19ème siècle !

 

Deuxièmement, MR prétend laisser « totalement de côté les considérations scientifiques », « que cela concorde ou pas avec les données scientifiques est un sujet différent que nous laissons à d’autres. ».[10]

Or, comme l’ont montré d’autres théologiens évangéliques : John Walton, Denis Lamoureux, Paul Seely ou Peter Enns, Genèse 2-3 fait partie d’un ensemble plus vaste : les 11 premiers chapitres de la Genèse. On retrouve dans ces chapitres une compréhension ancienne du cosmos, avec un univers en trois parties, un dôme solide (le firmament) dominant une terre plate et séparant les « eaux d’en bas » des « eaux d’en haut ». Les eaux d’en haut et d’en bas seront à nouveau rassemblées lors du déluge par un acte de décréation (ouverture des « écluses des cieux ») faisant écho à l’acte créateur de séparation de Genèse 1.

Dans l’ouvrage précédant du RSE, Matthieu Richelle avait choisi une traduction de texte qui refuse cette mise en contexte pour des raisons bien compréhensibles : reconnaître l’évocation du firmament dans la Genèse, c’est du même coup admettre que le texte biblique contient des « erreurs scientifiques », ou tout du moins qu’il a été écrit avec les connaissances scientifiques des auteurs inspirés, et que donc la Bible toute entière ne peut pas faire autorité en la matière ! Et tout l’édifice méthodologique adopté s’écroule par cette simple constatation !

MR anticipe bien entendu et répond à ceux qui  (comme moi) pourraient lui faire ce reproche :

« D’autres en déduisent plutôt que ces derniers cherchent à sauvegarder à tout prix l’inerrance biblique, en voulant absolument interpréter le texte dans un sens compatible avec les hypothèses scientifiques actuelles pour ne pas donner l’impression que la Bible se trompe. Au-delà de l’inanité de ces raisonnements en forme de procès d’intention, c’est une profonde incompréhension de la nature même de l’exégèse qui se manifeste… »[11]

Il ne s’agit bien entendu pas de faire un « procès d’intention », mais de constater qu’à partir du texte replacé dans son contexte culturel, historique et scientifique, de plus en plus de théologiens reconnaissent les éléments de science ancienne contenus dans le texte biblique. Le reconnaître, c’est adopter un principe d’ « accommodation  » ou d’adaptation du Saint Esprit aux connaissances des auteurs inspirés, ce que MR n’est pas prêt à admettre, il dénonce :

« Fondés sur une lecture erronée de quelques textes, les appels de ces trois auteurs (Peter Enns, Daniel Harlow, Denis Lamoureux) à une révision de la conception évangélique d’inspiration sont superfétatoires. »[12]

Pas si sûr…

A suivre

[1] Matthieu Richelle, Adam, qui es-tu?, p.11

[2] Ibid, p.11

[3] Ibid, p.11

[4] Ibid, p.12

[5] Ibid,  p.12

[6] Ibid,  p. 12

[7] Ibid, p.13

[8] Ibid, p.13

[9] Ibid, p.23

[10] Ibid, p.

[11] Ibid,  p.11-12

[12] Ibid,  p. 12

 


5 Articles pour la série :

Quelques réflexions à propos de la synthèse "Adam, qui es-tu?" aux éditions Excelsis