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Quelques réflexions à propos de la synthèse "Adam, qui es-tu?" aux éditions Excelsis


Matthieu Richelle a écrit deux articles d’exégèse inaugurant l’ouvrage collectif du RSE, « Adam, qui es-tu ? ». Le premier chapitre s’intitule « L’origine de l’humanité selon le début de la Genèse », et le second : « Le récit d’Eden et l’histoire de l’humanité. »

La conclusion finale du second chapitre concernant Adam et Eve est la suivante :

« 1.  Le texte prétend à une dimension étiologique et historique : il ne fait pas de doute que l’auteur présente Adam et Eve comme des personnages ayant réellement existé et vivant une chute vraiment survenue…

2. En ce qui concerne la place d’Adam dans l’histoire, le texte ne donne aucune prise à une reconstruction chronologique : les généalogies de Genèse 5 et 11 sont volontairement incomplètes…

3. Quant à la relation entre Adam et le reste de l’humanité, le texte lui-même ouvre la porte à plusieurs types de lectures. D’après la plus traditionnelle, l’humanité entière est issue du couple formé par Adam et Eve…Selon la deuxième manière de comprendre, la population était plus large à l’origine…Enfin, la troisième analyse interprète les difficultés liées à Caïn comme le signe de la présence d’une dimension figurative supplémentaire : bien que mettant en jeu des individus réels, le lien de filiation immédiat entre Adam et Eve et leurs fils serait serait un « raccourci imagé »… »[1]

Matthieu Richelle ne tranche pas entre ces solutions :

« Au final, les données du texte ne nous paraissent pas permettre de trancher catégoriquement…Au lieu d’émettre un avis inévitablement subjectif, nous préférons offrir aux lecteurs les éléments ultimes du débat, chacun étant à même de se faire une idée… »[2]

Répondant à cette invitation, voici quelques réflexions inspirées par l’analyse de M.R.

Le premier chapitre « L’origine de l’humanité selon le début de la Genèse » soulèvera certainement moins de vagues que le second. Les passages qui m’ont le plus intéressés concernent la méthodologie adoptée par M.R., un autre paragraphe intitulé « Les hommes du Proche Orient ancien croyaient-ils à leur mythes ? »[3], l’analyse de la pensée du théologien évangélique canadien bien connu sur ce blog Denis Lamoureux, et les conclusions finales du chapitre.

Commençons par la conclusion aux questions posées dans l’introduction : « Le Genèse présente-t-elle Adam et Eve comme de véritables personnages historiques ? Comme les ancêtres de toute l’humanité ? La description de leur création en Genèse 2 est-elle à prendre au pied de la lettre ? »[4]

« …Au terme de ce parcours, nous pouvons formuler les réponses suivantes… :

  1. Le récit de genèse 2-3 présente de nombreux parallèles avec la littérature et l’iconographie du Proche-Orient ancien…
  2. Le récit comporte toute une série d’éléments qui ne sont pas conçus pour être lus littéralement…
  3. Au moins une partie de la description du jardin d’Eden et de ce qui s’y produit s’explique par une volonté de le présenter comme le prototype des temples… »[5]

Ces trois points de conclusion provisoire feront l’unanimité, même chez les théologiens sérieusement égratignés en cours de route par M.R. : Daniel Harlow, Peter Enns et Denis Lamoureux.

M.R. est plutôt virulent dans la dénonciation des « lourdes insuffisances » qui « grèvent la plupart des discussions ».[6]

M.R. dénonce tout d’abord l’utilisation des découvertes de la science pour guider l’interprétation du texte.

« Commettant une erreur méthodologique évidente, d’aucuns partent des théories scientifiques actuelles pour réviser l’interprétation du texte biblique en vue d’une harmonisation avec elles, par souci concordiste. »[7]

Je ne suis pas tout à fait sûr de la catégorie visée ici. On peut penser qu’il fait allusion aux créationnistes de la terre ancienne comme Hugh Ross qui acceptent l’âge de l’univers et le Big Bang mais refusent l’évolution en interprétant les jours de la Genèse comme des périodes géologiques, sortant ainsi le texte de son contexte historique et scientifique .

Quoi qu’il en soit, cette phrase suscite bien des interrogations sur le rôle qu’auront les découvertes archéologiques, géologiques, biologiques dans l’interprétation du texte de la Genèse. Sans parler de la recherche d’une harmonisation (le souci « concordiste »), faut-il penser que le texte biblique fait autorité en matière historique et scientifique sur les origines de l’humanité ? Voilà encore et toujours la question centrale non évoquée par M.R.

Est-ce parce que la réponse à cette question constitue pour M.R. une évidence ? Ceci semble être le cas si on sait que professeur à la Faculté Libre de Théologie Evangélique de Vaux sur Seine, M.R. a certainement adopté la conception officielle de l’inerrance biblique de cette Faculté.

Ainsi, quand M.R. conclut

« le texte prétend à une dimension étiologique et historique : il ne fait pas de doute que l’auteur présente Adam et Eve comme des personnages ayant réellement existé »[8]

Il est fortement suggéré que puisque c’était la pensée de l’auteur biblique, ceci fait autorité et devrait être notre conception. Ce lien et son bien fondé  ne sont même pas évoqués par M.R.

De même, est-ce parce que le texte biblique affirme que toute l’humanité descend biologiquement d’Adam et Eve que nous devrions être du même avis ?

M.R. dénonce le  concordisme [9] de certains. Mais n’est-il pas lui-même dans une logique concordiste ? On a fortement l’impression que quelques soient les découvertes de la science, celles-ci devront se soumettre en dernier ressort au test des affirmations bibliques pour savoir si elles ont une chance d’être vraies!

Comment alors gérer les situations pour lesquels le désaccord entre affirmation biblique et données de la science est flagrant ? Prenons par exemple l’universalité du déluge. Il semble difficile de contester que la Bible (AT et NT) décrit bien un déluge universel qui de toute évidence n’a jamais eu lieu.

A suivre…

[1] Matthieu Richelle, Adam, qui es-tu?, p.63

[2] Ibid, p.64

[3] Ibid, p.23

[4] Ibid, p.11

[5] Ibid,  p.36

[6] Ibid,  p. 11

[7] Ibid, p.11

[8] Ibid, p.63

[9] Ibid, p.11


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