Article 5 sur un total de 5 pour la série :

Quelques réflexions à propos de la synthèse "Adam, qui es-tu?" aux éditions Excelsis


En tant que directrice de cette publication collective, Lydia Jaeger avait la tâche difficile d’introduire et de faire la synthèse des différentes voix qui se sont exprimées dans « Adam, qui es-tu ? »

Dans sa synthèse finale, elle nous livre son orientation personnelle sur un certain nombre de points sensibles soulevés dans le livre : l’origine commune de tous les hommes, la solidarité générationnelle dans le péché, la mort physique comme conséquence du péché…

Lydia Jaeger a le grand mérité de hiérarchiser les enjeux du débat brûlant sur les origines parmi les évangéliques. En aucun cas ce débat ne remet en cause les vérités fondamentales de l’évangile ou le fait que les évangéliques croient dans l’inspiration et l’autorité des Ecritures.

  • « La tâche essentielle du théologien est d’essayer de distinguer ce qui appartient au cœur même de notre foi de certains aspects par rapport auxquels l’hésitation est admise, de sorte qu’une pluralité d’opinions, au sein même des Eglises évangéliques, est acceptable. » [1]

Les divergences n’apparaissent que sur des points secondaires, sans pour autant que leur importance soit minimisée. Evidemment, certains ne seront pas du même avis et verront dans le fait même de discuter d’un certain nombre de questions comme l’historicité d’Adam et Eve une remise en cause des fondements de leur foi.

  • « Les enjeux en présence-pour la compréhension de notre propre identité et pour la théologie chrétienne- pourraient nous inciter à éviter des questions trop dérangeantes, afin de sauvegarder la paix de l’âme et l’entente fraternelle. Tout au contraire, nous avons fait le pari d’aborder de front les questionnements que suscite l’origine de l’humanité. »[2]

Ainsi, le grand mérite du livre est de mettre en évidence une diversité d’opinions qui n’empêche pas l’accord sur les vérités fondamentales.

  • « Le lecteur trouvera dans les pages qui suivent des avis divergents. En ce qui concerne la datation d’Adam, par exemple, les uns privilégient l’émergence de la conscience réfléchie (ce qui repousse celle-ci à une époque très éloignée), d’autres préfèrent le Néolithique (au profit du cadre culturel de Genèse 4, mais au prix de l’abandon de la paternité biologique d’Adam), et d’autres encore considèrent que les discours tenus par la Genèse et par la science emploient des registres si différents qu’il n’est pas étonnant que l’on n’arrive pas facilement à situer l’un par rapport à l’autre. » [3]

Les lecteurs de ce blog savent que nous nous situons résolument dans cette dernière catégorie, parfois qualifiée de « non-concordiste ».

Lydia Jaeger souligne avec raison à mon avis trois « vérités fondamentales » que l’on ne peut remettre en question sans quitter le champ de la théologie évangélique, et même simplement chrétienne ».

  • « Tout ce que Dieu a créé est bon, car Dieu est bon. »
  • « Le mal est une réalité historique, introduite dans le monde par l’action des créatures libres. »
  • « Dans le plan de Dieu, une place particulière revient à l’humanité. » [4]

Dans la suite de sa synthèse, Lydia Jaeger nous fait part de ses propres orientations théologiques, assez en accord avec la pensée de Henri Blocher ou de Matthieu Richelle.

« Je proposerais de formuler quatre affirmations qui, sans avoir le même caractère fondateur, devraient guider toute réflexion évangélique sur l’origine de l’humanité :

  • La différence qualitative entre l’homme et l’animal
  •  L’origine commune de tous les hommes
  •  La solidarité générationnelle dans le péché
  • La mort comme conséquence du péché » [5]

Certaines de ces questions sont très loin de faire l’unanimité chez les théologiens évangéliques. Le premier point est celui qui selon mes lectures pose le moins de difficulté.

Le deuxième point est par contre beaucoup plus discutable. Dans une logique concordiste, tout comme Matthieu Richelle ou Henri Blocher, Lydia Jaeger affirme que la Bible nous révèle l’origine commune de l’humanité en Adam, personnage historique, et que cette révélation fait autorité, quelques puissent être les découvertes de la science. On n’est pas loin du raisonnement des théologiens qui se sont opposés à Galilée…

  • « Les modélisations indiquent une taille initiale (de la population humaine) de quelques centaines ou milliers d’individus, ce qui est peu comparé au nombre d’humains en vie à toutes les époques de l’histoire, mais bien au-delà du couple unique Adam et Eve de la conception judéo-chrétienne traditionnelle.Faut-il noter ici une zone de tension entre les données bibliques et les modèles scientifiques actuels et attendre que ces derniers changent ? Une telle attitude n’est pas intellectuellement irresponsable, même pour le scientifique, car si nous disposons  d’une autre source fiable (en l’occurrence la révélation divine), il est sage de se rappeler le caractère provisoire de tout savoir scientifique. »(ma mise en gras) [6]

C’est pour moi l’aspect le plus décevant de cette synthèse et le nœud méthodologique de toute cette discussion. En réalité avec un tel raisonnement, il n’y a pas de discussion possible. Le Saint Esprit a révélé que l’humanité descend d’Adam. Quelques soient les découvertes de la science, cette vérité ne peut être contredite. Attendons que la science nous en donne la confirmation.

George Daras a mis en évidence ce type de raisonnement dans un article décapant: « L’ignorance dans les limites de la simple inerrance »

Extrait: »Mes lectures m’ont appris que les évangéliques ne confessent leur ignorance qu’à condition que la doctrine de l’inerrance (infos ici) soit saine et sauve. En paraphrasant Augustin, je pourrais dire: Confesse l’inerrance et fais ce que tu veux! »

Avec tout le respect que j’ai pour Lydia Jaeger, elle adopte exactement la logique concordiste des créationnistes de la jeune terre. Si on suit ce raisonnement jusqu’au bout, on doit croire dans un déluge universel qui a balayé de la carte toute l’humanité sauf Noé et sa famille, il y a quelques milliers d’années, puisque les auteurs bibliques l’affirment.

On court tout droit à une confrontation directe entre le texte biblique et les découvertes de la science en les mettant sur le même plan, voire en mettant la « révélation biblique » au-dessus du consensus scientifique.

Il ne s’agit pas de nier le caractère provisoire de certaines découvertes, mais de réaliser que le texte biblique a été écrit avec les connaissances de ses auteurs dans leur humanité, en matière de science et d’histoire.

[1]  Lydia Jaeger,Adam, qui es-tu?, p. 177

 [2] Ibid, p. 8

[3] Ibid, p. 9

[4] Ibid, p. 177

[5] Ibid,  p. 177

[6] Ibid,  p. 182-183


5 Articles pour la série :

Quelques réflexions à propos de la synthèse "Adam, qui es-tu?" aux éditions Excelsis