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Petite histoire théologique des temps anciens


 

La Genèse n’est ni un livre d’histoire ni un livre de science naturelle. Mais vraisemblablement, pour les auteurs bibliques, il aide à comprendre le sens de l’histoire. Sans être factuelles ou littérales, les vérités théologiques portées par ces textes sont empreintes d’un certain réalisme historique.

 

Les auteurs inspirés de la Genèse ont écrit les récits fondateurs pour léguer au peuple d’Israël (et à l’humanité) une façon de bien penser le monde devant Dieu. Cela peut-il être diamétralement opposé à la compréhension de l’histoire naturelle de l’homme ?

 

Il est accepté par la majorité des exégètes que l’herméneutique biblique du livre de la Genèse est littéraire et contextuelle. Et qu’à partir des vérités théologiques qu’on tire de l’exégèse, nous pouvons faire des réflexions dans plusieurs domaines d’application. Par exemple en psychologie ou en développement comportemental de l’enfance. Il est clair toutefois que l’intention de ces textes n’est pas de révéler des informations sur la psychologie de l’enfance. Quel intérêt pour les premiers lecteurs hébreux ?

 

L’intention fut d’abord celle d’exprimer la bonté et la beauté du plan créateur de Dieu. Mais aussi de révéler l’état dans lequel l’humanité s’est laissé entraîner (un état d’aliénation et d’autonomie) qui affecte tous les hommes depuis leur naissance. Le but de ces textes replacés dans leur contexte était d’amener le peuple à reprendre le contrôle de leur destiné en se basant sur la révélation du Pentateuque et autres écrits/traditions orales/écrites.

 

Reprenons l’analogie de l’enfance et de l’apparition du péché. L’enfant qui grandit prend conscience progressivement des choix moraux et spirituels à faire. C’est un processus. Or, à un moment précis, l’enfant va se retrouver devant un choix déterminant situé dans l’espace et le temps.

 

Processus et moment historique, ponctuel et contextualisé ne s’opposent pas.

 

Ainsi en est-il pour l’humanité.

 

À un moment donné dans la préhistoire, un individu au sein d’une collectivité est devenu responsable devant Dieu et a fait un choix déterminant pour notre espèce.

 

L’élément littéraire du récit ne s’oppose pas au réalisme historique. Non plus que le processus du temps ne s’oppose au moment charnière, le point de bascule.

 

Cela peut faire penser à une forme de concordiste. Techniquement, ce n’en est pas. Ce n’est pas une tentative d’harmoniser les versets pris en un sens littéral avec les données de la science. Que dire alors ? On peut peut-être parler d’un « concordisme théologique » ; sans être à strictement parler « historique ou scientifique », il est suggéré dans cette approche que les vérités théologiques du texte sont en harmonie avec l’histoire et la science.

 

Cela dit, l’intention du récit n’est pas de communiquer des intentions d’ordre historique ou scientifique. Pour chercher l’intention du texte, il faut faire une interprétation littéraire et contextuelle. Le concordisme non littéral fait l’effort normal de relier ces textes avec la réalité humaine. Il affirme, comme Thomas d’Aquin, qu’il ne peut y avoir de contradiction entre la science véritable et les écrits bibliques s’ils sont correctement expliqués. Cela assume que Ge 1-4 ne sont pas des fables ou des constructions de l’esprit. Il présuppose que le Dieu de la révélation est le même que le Dieu de la création.

 

Dans le premier article, je parle de deux points de bascule qui sont les paradigmes de base des églises évangéliques conservatrices et des catholiques :

 

– Le premier est le passage de l’état de nature à la culture, incluant la vie spirituelle. Cet état correspond au moment où l’homme, qui n’est déjà plus un hominidé, se détache à son tour des hominides (Néandertal, heidelbergensis, etc.) fabriquant des outils, inhumant les morts, maîtrisant le feu, etc. L’homo sapiens devient conscient de ses choix moraux et spirituels. C’est l’état adamique en Ge 2.

 

– Le second est l’entrée du péché dans le monde. C’est le moment où la jeune humanité naissante, à qui Dieu accorde une conscience spirituelle et morale, trébuche, est séduite, se rebelle, tâtonne, se repent, et retombe.

 

Cela dit, ce n’est pas la catastrophe originelle décrite par Augustin. Mais c’est assurément une discontinuité et l’apparition d’une nouvelle réalité, un état d’autonomie et d’aliénation qui a affecté le développement de notre espèce et qui a marqué définitivement le paysage social et spirituel de la civilisation naissante.

 

Dans l’histoire de l’humanité, comment se fait le passage de l’état de nature à l’état de culture, l’état d’innocence à l’état de péché ? Il y a différents scénarios possibles. Il est préférable de garder cette question ouverte. Et faire durer le plaisir de la réflexion à l’intersection de la science et de la foi.

 


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