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Petite histoire théologique des temps anciens


 

Une longue histoire naturelle…

L’homo sapiens est apparu vraisemblablement en Afrique il y a environ 160 000 avant notre ère. Notre espèce humaine est issue d’un long processus en parallèle avec d’autres espèces hominides dont l’ancêtre commun est probablement les australopithèques. Durant quelque 100 000 ans, nos ancêtres accumulent les innovations techniques (confection de vêtements, fabrication d’outils, filets, pièges, maîtrise du feu, etc.), son langage se développe, son organisation sociale aussi, ce qui facilite l’apprentissage et la mémorisation.

Vers 65 000 ans avant notre ère, plusieurs des quelques milliers d’individus homo sapiens s’étendent. Ils quittent l’Afrique et peuplent tous les continents sauf l’Antarctique. Ils apparaissent en Europe vers le début du paléolithique supérieur (-45 000). Ils pénètrent sur le continent américain (-30 000) et arrivent en Australie autour de – 50 000. Depuis 40 000 ans dit-on, la génétique et la constitution sont la même qu’aujourd’hui. Il a une grande capacité d’abstraction : rituel d’inhumation, art rupestre, technique de navigation, calendrier lunaire.

La culture et les innovations techniques ont pris le relais des mutations génétiques comme moteur de changement. L’évolution est désormais causée par le développement des idées et les révolutions sociales. L’homme a franchi le point de bascule entre la nature et la culture. L’humain n’est plus mû par des instincts non susceptibles d’évoluer. Il n’agit plus sous l’impulsion de comportements innés et inconscients dont il serait prisonnier. Il entre dans le monde de la culture ; la réalité matérielle et spirituelle crée par l’homme.

 

Des récits fondateurs…

N’est-ce pas ce que nous voyons dans le premier et second chapitre de la Genèse ? L’humanité est le sommet du processus de la création. L’humanité se multiplie. Elle domine. Elle fait de la famille le socle de son organisation sociale. Sa conscience morale et spirituelle se raffine. Elle transmet et préserve de génération en génération une culture sans cesse croissante, des savoirs, une mémoire, des croyances. Sans affirmer que l’être humain est accompli et achevé dans son développement, les deux premiers récits fondateurs affirment que la création est bonne et l’homme très bon. L’homme est, à l’orée de son passage de l’état de nature à sa condition humaine, en harmonie avec Dieu et la nature.

Sans prétendre à l’exactitude sur le plan historique ou scientifique, les auteurs des deux premiers récits de la création (Genèse 1 et 2) révèlent des intuitions extraordinaires sur l’homme, l’univers et ses origines. Mais juste avant d’aborder le chapitre 3 de la Genèse, nous allons dire un mot sur le chapitre 4 pour bien saisir le contexte du chapitre 3, lequel est un passage crucial dans la Bible puisqu’il s’y produit un épisode dont il serait fou d’ignorer, lequel a changé la face du monde, et a provoqué un changement inaltérable dans la condition humaine et terrestre : l’entrée du péché dans le monde.

Mais avant, nous voyons que le chapitre 4 du livre de la Genèse nous transporte dans la période néolithique avec deux personnages archétypaux qui illustrent les changements majeurs qui ont pris place au cours de cette époque. On y retrouve Caïn, l’agriculteur, le sédentaire, le fondateur de la ville. Il est l’homme de la technique (pour faire de l’agriculture, il faut être sédentaire, maîtriser les outils en fer, comprendre les cycles des saisons, avoir une organisation sociale). On y retrouve également Abel, l’éleveur, le nomade et représentant de la vie rurale. Il sait domestiquer les animaux, les conduire, etc. C’est là que commence la violence fratricide si on en croit l’auteur de Genèse 4.

Mais revenons au chapitre 3. C’est un second point de bascule. L’homme est tenté par un animal, le serpent, qui sera plus tard associé à la figure du diable, celui qui divise. Avec ruse et séduction, il pousse l’humanité à désobéir à Dieu et à s’approprier le privilège de décider ce qui est bien et mal. Ce faisant, il rabaisse l’homme à une logique animale. Il le détourne de la seule chose qui peut le combler : l’intimité avec Dieu. Il le pousse à chercher ailleurs sa source de bonheur. Malheureusement, cette perspective est un cul-de-sac, puisque ni les relations familiales ou communautaires, ni le travail et les réalisations techniques ne sauront combler le besoin de Dieu. Voilà le sens profond, résumé en quelques lignes, des premiers récits fondateurs de la Genèse.

 

L’interprétation protestante évangélique

Plusieurs évangéliques croient qu’il est impossible de concilier ensemble les textes bibliques et la science moderne. Ils font une lecture au premier degré et concordiste, c’est-à-dire une qui cherche à harmoniser chacune des affirmations de ces récits prises au sens littéral avec l’histoire et la science. Ainsi, pour eux, Adam a été modelé à partir de la terre du sol, Ève fut créée à partir de la côte d’Adam, le serpent était une créature animale avec des cordes vocales qui parlaient la même langue qu’Adam.

Cette interprétation littéraliste et concordiste n’est pas du tout nécessaire. Le genre littéraire des récits des origines suggère une autre interprétation. Les vérités spirituelles et existentielles qu’elles expriment sont par définition inaccessibles à toute forme d’investigation, car situées au-delà de l’histoire. Les figures archétypales des textes narratifs fondateurs, bien que littéraires et symboliques, fonctionnent comme une explication vraie de la condition humaine. Ils ont un lien avec la réalité historique, mais pas au niveau factuel, au niveau théologique.

 

Conclusion

L’interprétation des récits fondateurs est passablement plus inspirante que ce que j’en ai dit ici. Elle est d’une sagesse infinie pour comprendre le sens des origines. Replacé dans son contexte historique et littéraire, Genèse donne un modèle d’intendance à l’homme. La manière dont Dieu a créé le monde est le modèle que l’homme – ce vice-roi de la création – doit suivre. Malheureusement, il a choisi de suivre une autre voie. Le péché a corrompu non seulement la culture, mais aussi jusqu’au cœur de la nature. Le concordisme (faire des correspondances)  et l’inerrance (l’absence d’erreur) que nous comprenons sont théologiques, pas scientifiques.

 


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