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Pascal Touzet, auteur de cet article, membre de l’équipe Science & foi  est enseignant chercheur en biologie évolutive des plantes et Docteur en génétique. retrouvez sa fiche complète en cliquant ici.

 


 

Voilà ce qui semble-t-il fait le buzz sur certains sites,  souvent créationnistes ou antisystèmes à partir d’une publication der MY Stoeckle et DS Thaler dans la revue Human Evolution*, il indiquerait que (presque) toutes, soit plus de 90% des espèces terrestres ainsi que l’espèce humaine auraient émergé en même temps. De là à conclure que la théorie de l’évolution est à revoir ou qu’on se rapproche des jours de la Genèse…..

 

Que dit l’article vraiment ?

C’est tout d’abord un article qui décrit essentiellement l’apport du barcoding génétique pour estimer la diversité des espèces. En ciblant un gène mitochondrial (la mitochondrie est l’usine électrique de nos cellules) commun à toutes les espèces on peut ainsi construire une base de données de l’arbre du vivant, chaque espèce ayant sa signature génétique, son « barcode ». Et ce que les auteurs constatent c’est que la diversité mitochondriale à ce gène est faible au sein des espèces. L’explication que les auteurs proposent, et je pense qu’en effet c’est la plus parcimonieuse (la plus simple) : une forte réduction des tailles de populations qui conduisent à la perte de la diversité génétique, ce qu’on appelle un goulot d’étranglement en génétique des populations. Pour des raisons que je ne peux développer ici, cette réduction de diversité sera particulièrement marquée au niveau du génome mitochondrial. Ce n’est rien de nouveau : c’est là l’objet de ce qu’on appelle la phylogéographie qui a montré depuis des dizaines d’années que la variation de la diversité génétique suit, par exemple dans l’hémisphère Nord, un gradient sud-nord (la diversité est plus forte dans le sud autour du bassin méditerranéen) dû aux différents épisodes de glaciation-déglaciation qui ont eu lieu entre 2,6 millions d’années et 12 000 ans avant le présent et qui ont affecté aussi bien les espèces végétales qu’animales.

Donc oui, il y a eu des goulots d’étranglement qui ont pu affecté de la même manière un grand nombre d’espèce (dans cette étude 90% des espèces les mieux définies), oui cela a pu favoriser l’émergence de nouvelles espèces mais pas instantanément, sur des périodes qui ont pu être longues.

Attention quand même !

L’histoire déduite à partir d’une séquence de gène mitochondrial est parcellaire : on regarde la diversité d’un gène mitochondrial parmi plusieurs dizaines. D’autre part le génome mitochondrial qui n’est transmis que par la mère ne renseigne pas sur l’histoire des gènes nucléaires et donc sur toute l’histoire des espèces. En gros dans le meilleur des cas, on renseigne sur l’histoire des lignées maternelles.

Enfin, est-il nécessaire de préciser que les auteurs restent dans leur article dans le cadre de la théorie de l’évolution et ne la remettent en aucun cas en question ?

Donc, attention aux buzz, mauvaises interprétations et récupérations diverses…

 

 


* Stoeckle MY, Thaler DS. 2018. Why should mitochondria define species? Human evolution 33 (1-2), 1-30.
Consultable en ligne : www.researchgate.net/publication/325270582_Why_should_mitochondria_define_species