Article 4 sur un total de 4 pour la série :

Noé et le déluge : garder la foi sans perdre la raison ! ♥♥♥


Si nous résumons la situation,

« Nous sommes donc arrivés à la conclusion que le récit du déluge de Noé s’étendait au-delà de la réalité et que l’on pouvait ainsi le faire entrer dans la catégorie de « légende ». Parce que Genèse 6-9 contient une révélation divine profonde, je pense toutefois que le mot « légende » est en réalité inadéquat. Malheureusement, il n’existe pas de mot unique à ma connaissance permettant de qualifier correctement ce récit. Une «  légende parabolique » est ce que je peux faire de mieux, parce que le genre est légendaire et pas parabolique, mais comme une parabole, ce récit raconte cette histoire comme si elle avait eu lieu avec le but de nous apprendre une leçon d’ordre spirituel.

Bien que l’auteur humain ne faisait probablement pas la différence entre la légende et l’histoire, le récit était factuel pour lui. Mais grâce à la lumière que nous avons à partir de la science moderne, il nous faut regarder ce texte comme parabolique. »

Paul Seely

  • Le déluge de Noé, Jésus, Pierre et le Nouveau Testament

Comprendre que le déluge de Noé tel qu’il est décrit dans la Genèse (universel) n’a pas existé est déjà un pas énorme à franchir pour la grande majorité des évangéliques. Les allusions à ce déluge par Jésus lui-même ou par Pierre ne viennent qu’ajouter à la difficulté. Le raisonnement typique est celui-là: « Si Jésus lui-même en a parlé comme d’un événement universel, c’est que ce déluge l’a été, car notre Seigneur dit toujours la vérité! Sinon comment faire la différence entre ce qui est « vrai » de ce qui ne l’est pas? »

Il faut attaquer cette difficulté  sans chercher à l’esquiver. Il s’agit certainement ici d’une façon non intuitive de lire le texte biblique, qui fait appel au principe d’accommodation du Saint Esprit dans le processus d’inspiration. Nous pouvons par exemple nous rappeler que Jésus a qualifié le grain de sénevé de « plus petite graine » sur la terre, alors qu’il en existe de plus petites (l’orchidée par exemple). Mais cela est-il vraiment important quant au message spirituel transmis ? L’analyse de Denis Lamoureux dans Evolutionary Creation nous sera d’un grand secours.

« Jésus lui-même a fait écho dans les Ecritures à l’interprétation littérale traditionnelle du déluge. Le Seigneur avertit :

“ Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul.   Comme aux jours de Noé ainsi en sera-t-il à l’avènement du Fils de l’homme. Car, dans les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ;  et ils ne se doutèrent de rien, jusqu’à ce que le déluge vienne et les emporte tous ; il en sera de même à l’avènement du Fils de l’homme.” (Matthieu 24:36-39)

 

Premièrement, il faut noter que le contexte et l’intention de ce passage n’est pas ici de traiter de l’historicité du déluge de Noé. Jésus enseigne à propos de la fin des temps et de son retour. Deuxièmement, le Seigneur utilise des catégories anciennes dans sa révélation. Il affirme plus tôt dans ce passage que dans les derniers jours, les étoiles tomberont du ciel et les corps célestes seront ébranlés.” (Matthieu 24:29) et que les anges : « rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. » (Matthieu 24:31). Bien entendu, cet événement futur n’aura pas lieu littéralement de cette façon, parce que l’univers n’a pas trois parties. De la même façon, Jésus utilise la notion historique ancienne d’un déluge universel, qui n’a jamais littéralement eu lieu, pour délivrer son message de foi. Le déluge de Noé est ici typologique. En faisant référence au prologue du déluge (Gen 6 :1-6), il révèle que le péché sera rampant dans le monde avant sa deuxième venue, et que l’humanité sera sur le point d’être jugée par Dieu. Les chrétiens peuvent se sentir réconfortés, parce que Noé est l’archétype de la grâce de Dieu qui sauve ce qui sont justes et obéissants. Les croyants seront épargnés de la colère à venir au jugement denier.

L’apôtre Pierre nous donne aussi une preuve biblique persuasive de la vision traditionnelle d’un déluge universel. Dans sa première lettre, il place le récit du déluge à côté de la réalité historique du sacrifice du Christ et de sa résurrection. Il écrit :

 

« En effet, Christ aussi est mort une seule fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de vous amener à Dieu. Mis à mort selon la chair, il a été rendu vivant selon l’Esprit.  Par cet Esprit, il est aussi allé prêcher aux esprits en prison,  qui avaient été rebelles autrefois, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours où Noé construisait l’arche dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est–à–dire huit, furent sauvées à travers l’eau. C’était une figure (grec : antitupos) du baptême qui vous sauve, à présent, et par lequel on ne se débarrasse pas de la souillure de la chair, mais qui est la demande (adressée) à Dieu d’une bonne conscience, par la résurrection de Jésus–Christ  qui, monté au ciel, est à la droite de Dieu et à qui les anges, les pouvoirs et les puissances ont été soumis.” (1 Pierre 3:18-22)

 

Là encore, le contexte de ce passage et l’intention de l’auteur nous montre qu’il ne s’agit pas d’un débat à propos de l’historicité de Noé. Le point concerne la mort de Jésus sur la croix pour vaincre le péché et la mort. De façon subtile, Pierre utilise la notion d’un univers en trois partie pour conceptualiser les événements avant et après la résurrection de Jésus. A partir de cette catégorie ancienne, il envisage que le Seigneur soit descendu dans le monde souterrain pour prêcher avant de monter au ciel pour s’asseoir à la droite de Dieu. Finalement, Pierre utilise le récit du déluge de façon typologique. Il affirme que l’eau du baptême est l’ »antitype » (c’est-à-dire l’accomplissement figuratif) des eaux du déluge. Cela représente symboliquement le jugement duquel les chrétiens sont sauvés.

 

Les références à Noé et au déluge par Pierre et Jésus ne prouvent pas l’historicité de cet homme ou de l’événement destructeur. Pas plus que leur mention dans le NT ne fait de Gen 6-9 des chapitres historiques. L’existence de Noé et la réalité d’un déluge universel étaient des faits de l’histoire pour les juifs et les premiers chrétiens. Mais ces notions faisaient partie d’une compréhension ancienne de l’histoire. L’apparition de Noé et du déluge dans le NT ne confirme pas plus leur réalité ni ne leur confère l’historicité plus que les références à un univers en trois parties par Jésus et Pierre n’établissent ce modèle comme la structure du cosmos. »

 

L’un des arguments favoris des « créationnistes » (au sens le plus fréquent de ce terme, c’est à partisans d’une terre jeune de 6000 environ) en ce qui concerne l’universalité du déluge de Noé est l’existence de récits de déluge dans la mythologie de nombreux peuples. C’est un fait, on retrouve les traces de tels récits sur la planète entière, avec parfois des points communs troublants, mais aussi de grandes différences d’un récit à l’autre.  Est-ce un argument suffisant pour prouver qu’un déluge planétaire a bien eu lieu ? Ce n’est pas l’avis de nombreux spécialistes, des chrétiens convaincus eux aussi !

 

  • Puis-je faire encore confiance à la Bible ?

Est-il légitime de croire que Jésus est vraiment né de la vierge Marie et qu’il est ressuscité des morts si la Bible raconte une histoire du déluge qui n’a pas eu lieu ? La réponse est OUI bien sûr, car la Genèse et les évangiles sont deux livres qui ont été écrits dans des circonstances très différentes. Luc affirmait s’appuyer sur des témoignages oculaires, ce n’est pas le cas pour la Genèse.

Plusieurs principes d’interprétation peuvent nous guider :

Le principe du message véhiculé:

« Cette approche soutient que dans le but de révéler des vérités spirituelles infaillibles le plus efficacement possible aux peuples anciens, le Saint Esprit a utilisé leur perspective phénoménologique de la nature. C’est à dire que plutôt que de distraire ou de produire de la confusion chez les auteurs bibliques et leurs lecteurs avec des concepts scientifiques modernes, Dieu s’est abaissé à leur niveau et a employé la science de l’époque. »

« Le domaine de compétence cognitif »

« Certains chrétiens craignent que de concéder que la Bible a été écrite dans une science ancienne,  cela les placera sur une « pente savonneuse » qui les conduira à une interprétation libérale des Ecritures, et leur fera même perdre la foi. Dit grossièrement, l’argument est le suivant : si les affirmations de la Bible à propos de la nature ne sont pas scientifiquement, historiquement et littéralement exactes, alors les miracles et la résurrection de Jésus ne le sont pas non plus. C’est une préoccupation légitime. Pourtant, le domaine de compétence cognitive agit comme des « freins herméneutiques » sur cette pente fatale. Comme nous l’avons fait remarquer, les individus vivant au premier siècle étaient certainement capables de voir que de l’eau s’était changée en vin ou pas, qu’un paralytique s’était levé et avait marché, qu’un aveugle né pouvait à présent voir.  Pour une génération qui avait connu beaucoup de crucifixions, il était tout à fait dans leur compétence cognitive de savoir qu’un homme : Jésus avait été crucifié et qu’il était ressuscité. Sans aucun doute, être compétent afin de saisir de tels faits est beaucoup plus important pour la foi chrétienne que des faits de nature scientifique à propos de la structure, du fonctionnement et de l’origine du monde. »

 

J’ai compilé sous forme d’une série d’article mes réflexions et mon cheminement concernant les rapports à l’exactitude historique qu’entretient une majorité d’évangéliques, et qui finalement est le nœud du problème évoqué ici.

 

Conclusion:

Je suis très conscient du bouleversement profond dans le théologie de plusieurs que cela provoquera. Il faut se donner le temps de la réflexion. Il est tout à fait normal et sain de remettre en question ce qui est présenté dans cette série d’articles et d’y confronter d’autres points de vue. La bonne nouvelle est que la réception des leçons spirituelles véhiculées par ce récit ne dépend pas du niveau de connaissance scientifique et historique, mais de nos bonnes dispositions intérieures. Pour ma part, je les reçois sans aucune hésitation, et je loue Dieu qui a toujours trouvé le moyen de s’adresser à chacun, quelque soit l’époque, la culture ou le niveau de connaissance. Concluons donc par l’essentiel, quelques leçons spirituelles:

« Plusieurs révélations ressortent plus particulièrement à cause de leur contraste avec les récits mésopotamiens du déluge.

  • La plus évidente d’entre elles est certainement qu’il n’y a qu’un seul Dieu, contrairement au panthéon de dieux. Ainsi, il n’y a aucune possibilité pour que l’acte d’un des dieux soit contrarié par celui d’un autre dieu, comme cela se produit dans le récit mésopotamien. Le Dieu de Genèse 6-9 est souverain sur la création toute entière. Il contrôle toute chose.
  • Deuxièmement, Dieu est juste. Il envoie le déluge comme un juste jugement envers une création qui s’est rebellée contre lui. La raison même du déluge est très différente de la vision babylonienne dans laquelle le déluge a lieu parce que les humains faisaient tant de bruit sur la terre que le dieu en chef ne pouvait pas dormir.
  • Troisièmement, Dieu aime les hommes. Bien qu’il ait à juger leur péché, il envoie le déluge à contre cœur ; et ordonne à Noé et à ses fils de se multiplier et de peupler la terre. Ceci contraste avec la théologie babylonienne dans laquelle le Dieu en chef est en colère que des hommes aient pu échapper au déluge, et il tente sans cesse de limiter la population humaine, avant et après le déluge.
  • Quatrièmement, Dieu sauve certaines personnes dans sa grâce.

Ces révélations sont confirmées par l’enseignement de Jésus et par le reste du N.T. Sur la base de ces révélations du caractère de Dieu, nous pouvons prier avec espérance, lui faire confiance dans les périodes de test, recevoir son aide quand c’est nécessaire, et espérer la délivrance au jugement dernier. Ces révélations de Genèse 6-9 peuvent donc fournir une base à une marche avec Dieu qui lui plaise et qui nous fournit par sa plénitude plus d’assurance à propos de la vérité du Christianisme que beaucoup de motifs plus philosophiques. Comme il est écrit,

“Si quelqu’un est décidé à faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra bien si mon enseignement vient de Dieu ou si je parle de ma propre initiative.” (Jean 7:17) »  Paul Seely

« Je comprends que ceci ne satisfasse pas tout le monde. Certains pensent que si il faut accorder une valeur théologique aux lecteurs d’aujourd’hui, alors ce déluge doit être historique par nature. J’espère que ce n’est pas le cas. Si la valeur théologique de l’histoire du déluge dépend du fait que toute la population terrestre ait été balayée il y a quelques milliers d’années, nous avons un problème. Nous aurons dressé un obstacle infranchissable entre l’état actuel de nos connaissances, scientifiques et bibliques, et tout espoir d’une foi chrétienne viable connectée à la Bible. » Peter Enns


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