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Lettre à un ami athée


Cher Ami,

 

Dans ce billet, je voudrais revenir sur les nombreuses divergences rencontrées au sein du Christianisme, à propos de certaines questions éthiques. Pour les comprendre, il faut se rappeler que dans la révélation biblique – pour peu qu’on lui reconnaisse une autorité divine – la dimension morale est inséparable de la dimension spirituelle. Par ailleurs, on ne peut, sans plus, assimiler l’enseignement du Christ à la loi que Moïse avait donné au peuple d’Israël. Comme partout et toujours dans l’antiquité, la loi de Moïse – la Torah – était celle d’une théocratie : sa vocation n’était pas seulement religieuse ou morale, mais elle avait aussi la valeur d’un « code civil », avec tous les détails de la jurisprudence afférente. A ce légalisme religieux, Jésus va répondre par des principes généraux qui laissent à l’homme la responsabilité de les appliquer à chaque cas particulier… C’est une optique radicalement différente !

 

Hélas, bien peu de croyants ont assimilé ce passage d’un régime légaliste à une économie « responsabilisante », le passage dans la Bible, de l’Ancien Testament au Nouveau Testament… Ou si l’on préfère : tous n’ont pas compris la nécessité de passer de l’enfance de la religion à l’âge adulte de la foi. C’est ainsi que beaucoup ont transformé en « loi des Mèdes et des Perses » leur interprétation particulière des écrits judéo-chrétiens. En fait, quand Jésus affirme qu’il n’est « pas venu abolir la loi, mais l’accomplir », beaucoup de lecteurs ignorent que le verbe « accomplir » est un sémitisme qui ne signifie pas « mettre en œuvre » comme en français, mais « conduire à sa plénitude », c’est-à-dire « donner un sens, révéler la finalité » de la loi que Moïse avait donnée au peuple d’Israël.

 

Cela n’explique pas seulement la multiplicité des dénominations chrétiennes, mais aussi la diversité des positions adoptées en matière d’éthique. Tant et si bien que la plupart des chrétiens ne font pas de distinction entre ce qui relève de la morale et ce qui relève de la religion… et croient de leur devoir d’imposer aux laïcs des principes religieux assimilés à des principes moraux ! On reviendra sur ce point, mais pour l’heure j’aimerais illustrer cette confusion entre la morale et la foi.

 

« Tu ne tueras pas » dit la Bible… notre législation aussi ! Mais la loi de Moïse, comme la nôtre, ne fait pas de cette règle un ordre absolu : la légitime défense, par exemple, y apporte un bémol, aussi bien sur le plan individuel que collectif. Jésus, par contre, va sublimer cette règle, en y introduisant la perspective du sacrifice et du martyre : « Aimez vos ennemis… Rendez le bien pour le mal… Si on vous frappe sur la joue gauche, tendez aussi la droite… ». Il est évident qu’on sort ici du domaine de la morale pour entrer dans celui – légitimement discutable – de la foi. Ces recommandations ne relèvent même pas d’une logique de non-violence tout à fait « morale », mais de principes spirituels n’ayant de signification que pour les chrétiens convaincus.

 

Mais alors, qu’en est-il du suicide, de l’euthanasie et de l’avortement : ces questions relèvent-elles de la morale ou de la religion ?… Des deux, évidemment ! Avec des réponses différentes, sans doute… Réponses que la religion ne pourra imposer à la morale, ni la morale à la religion !… Cela va de soi – ou devrait aller de soi, en tout cas – concernant des questions telles que : « L’homme dispose-t-il de sa vie, ou bien est-ce Dieu ?… Le fœtus est-il un être humain à part entière – et donc un être spirituel – ou n’est-il qu’un « tas de viande », un amas de cellules sans implication morale ? » En réalité, de telles questions n’ont de sens que pour les croyants. Objectivement, un matérialiste athée n’a aucune raison de se poser ce genre de question… Et même s’il le déplore, le chrétien doit pouvoir l’admettre. Mais ce n’est pas facile pour lui : j’y viendrai !…

 

A bientôt !

 

R.L.


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