Article 5 sur un total de 14 pour la série :

Lettre à un ami athée


Cher Ami,

 

Voici la cinquième lettre que je t’écris… et si, une fois encore, tu as l’indulgence de me lire, c’est que tu souhaites vraiment comprendre pourquoi on peut être et rester chrétien. Je t’avais promis d’aborder la question de la morale « chrétienne » et surtout, celle de l’arrogance manifestée par certains croyants à ce propos. Cela explique sans doute la perception négative que bien des athées en ont gardée. Le débat est d’autant plus complexe que tous les croyants ne partagent pas les mêmes opinions en matière d’étique. Aussi, je vais m’y risquer sur la pointe des pieds, en me limitant à l’optique des Evangiles.

 

De ce point de vue – et contrairement à ce que pensent beaucoup de croyants, et donc d’athées – la morale chrétienne ne se définit pas comme l’énoncé de lois arbitraires prononcées par un Dieu étranger au vécu de l’être humain. Au contraire, Jésus lui-même affirme que tous les principes moraux sont contenus en un seul : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » Cette démarche, qui encourage l’homme à se référer à lui-même pour connaître ses devoirs envers autrui, présente une dimension humaniste incontestable. A une époque où plus personne – ou presque – n’accepte la moindre entrave à ses libertés individuelles, ce principe vient même couper l’herbe sous les pieds de tous ceux – croyants ou non – qui ne supportent pas l’idée qu’un Dieu quelconque vienne leur dicter leur conduite.

 

Au contraire, à travers la bouche du Christ, le Dieu de l’Évangile leur dit simplement : « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le de même pour eux. » On ne peut laisser l’homme plus libre de ses actes… ni plus responsable, d’ailleurs !… Précisons tout de même que les croyants et les athées dont je parle ici sont des gens vraiment responsables. Car aujourd’hui, chez les uns comme chez les autres, beaucoup refusent d’admettre que « leur liberté s’arrête où commence celle des autres »… Si bien que leur « morale » n’est faite que d’opportunisme, d’égoïsme et d’égocentrisme. C’est donc de personnes soucieuses d’une vraie vie morale que je parle ici.

 

Mais alors : en quoi la morale chrétienne se distingue-t-elle de la morale athée ?… En peu de chose, en fait, si l’on se limite à en considérer la nature et les enjeux éthiques. Par contre, si l’on envisage les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs que chacun s’est fixés, le chrétien n’est certainement pas le plus démuni. Mais avant d’en parler, reconnaissons que, quelles que soient ses opinions philosophiques, tout être humain lucide et honnête ne peut que partager la déclaration de l’apôtre Paul, désespérant de lui-même : « Misérable que je suis : le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas ; et le mal que je voudrais ne pas faire, c’est ce que je fais ! »

 

 On ne peut exprimer de façon plus sincère le drame moral vécu par l’humanité tout entière… Et l’on demeure à cent lieues du Christianisme triomphant que certains se croient autorisés à revendiquer. Mais on est tout aussi loin de cette confiance aveugle et quelque peu naïve que certains humanistes croient pouvoir placer dans les vertus de la nature humaine. Dans ces conditions : à quoi bon être chrétien ?… J’ai bien une idée sur la question, mais ce sera pour la prochaine fois.

 

A bientôt !

R.L.


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