Cher Xcluzif,

Suite à ta demande amicale de donner mon avis concernant la compréhension des rapports science/Bible chez les témoins de Jehovah, cet article te permettra je l’espère de comparer nos approches respectives et de te faire ta propre opinion.

Je suis sûr que tu connais les divergences profondes entre la compréhension « protestante évangélique » (qui est la nôtre) du message de Jésus et celle des témoins de Jéhovah. Je pense bien sûr en premier lieu à la nature divine de Jésus-Christ. Je considère donc que cette question concernant les interprétations de la Bible en rapport avec la science est quelque peu secondaire pour la foi, mais pas inintéressante pour autant.

En lisant l’article en lien, j’ai trouvé des points d’accord et d’autres de désaccord. Disons qu’en gros, l’approche des témoins de Jéhovah est « concordiste », c’est-à-dire que la Bible répondrait aux attentes modernes de la science, qu’elle est « exacte quand elle parle de sujets scientifiques. »

Cette approche est résumée dans un autre article

  •  » La Bible est scientifiquement exacte. … Bien entendu, la Bible n’est pas un livre de science. Il n’empêche que, lorsqu’elle  aborde des questions scientifiques, elle est exacte. N’est-ce pas ce qu’on attend d’un livre qui vient de Dieu ?
  •  La Bible est également exacte et digne de foi sur le plan historique. Ses récits sont précis. Ils indiquent les noms des personnages, mais aussi ceux de leurs ancêtres . … Dans le livre des Nombres, par exemple, Moïse, le rédacteur, reconnaît la faute grave pour laquelle il a été repris sévèrement (Nombres 20:2-12). Une telle honnêteté est rare dans les autres récits historiques, mais on la trouve dans la Bible, car c’est un livre qui vient de Dieu. « 

Sur ce sujet, on retrouve le même mode de raisonnement dans différentes branches du christianisme, et même chez les évangéliques, c’est le dogme de « l’innerance » ou de « l’infaillibilité » étendu à la science et à l’histoire… L’idée de base est assez simple et parait pleine de bon sens pour qui croit que la Bible « vient de Dieu » : puisqu’elle est inspirée, elle ne peut pas contenir d’ »erreurs scientifiques et/ou historiques ».

J’y reviendrai plus tard mais une simple constatation semble remettre en cause cette démarche : la Bible est-elle en accord avec la connaissance scientifique du 1er, du 8ème, du 16ème, du 19ème, du 21ème ou du 23ème siècle ? Evidemment, l’auteur voit la science du 21ème siècle comme l’aboutissement absolu (bien sûr, il est fort peu probable que certaines avancées soient remises en question comme la rotation de la terre autour du soleil, ou l’évolution…). Mais pourquoi les chrétiens du 12ème siècle n’auraient-ils pas eu le droit d’énoncer une telle doctrine, à la lumière de leur connaissance à eux ? Ils auraient bien entendu été dans l’erreur, parce qu’ils pensaient tous que la terre était au centre de l’univers ! Un dogme doit-il dépendre de l’époque à laquelle il a été énoncé ?

Dieu aurait donc révélé la science moderne aux auteurs inspirés et ils auraient énoncé des vérités scientifiques modernes (sans le savoir ?). Cette approche qui semble faire honneur au texte biblique ne résiste pourtant pas à une analyse fine, à la lumière du contexte culturel et « scientifique » des époques de rédaction.

Nous sommes des « non-concordistes », c’est-à-dire que nous voyons l’inspiration du Saint Esprit dans le message spirituel de la Bible, mais nous ne pensons pas que Dieu a devancé les découvertes de la science par révélation, mais plutôt qu’il a permis sur ce point aux auteurs bibliques de s’exprimer avec leurs connaissances, sans chercher à les modifier. Je vais y revenir.

Il y a toutefois certaines affirmations de l’article cité avec lesquelles je suis en accord, car elles sont avant tout de nature spirituelle et non scientifique :

  •  « Ce sont les lois de la nature qui gouvernent l’univers jour après jour, et pas les caprices de divinités (Job 38:33 ; Jérémie 33:25). Dans le monde entier, des mythes prétendent que les humains ne peuvent échapper aux actes imprévisibles, et parfois cruels, des dieux.
  • Les mesures sanitaires protègent la santé. La Loi reçue par la nation d’Israël comprenait des règles concernant l’hygiène à respecter après avoir touché un cadavre, la mise en quarantaine en cas de maladie contagieuse et l’élimination des excréments humains (Lévitique 11:28 ; 13:1-5 ; Deutéronome 23:13). À l’époque où ces commandements ont été donnés, les Égyptiens utilisaient un remède consistant à appliquer sur une plaie ouverte un mélange composé entre autres d’excréments humains. »

Concernant l’origine de l’univers, la situation est plus complexe qu’il n’y parait. La Bible affirme que Dieu est le créateur de la matière, qu’elle n’est pas co-éternelle avec Lui. On peut considérer que c’est une affirmation de nature théologique qui semble avoir des répercussions sur le plan scientifique (certains scientifiques athées retissant à l’idée du « Big Bang » ne s’y sont pas trompés). Pourtant, il semble que Genèse 1:1 commence avec l’idée d’une terre dans le chaos, comme les récits Babyloniens de création, et que l’intention du texte n’est pas de raconter le « Big Bang ». C’est ce qu’explique en particulier Denis Lamoureux dans cet article.

Donc il y a à prendre et à laisser dans ce paragraphe :

« L’univers a eu un commencement (Genèse 1:1). De nombreux mythes de l’Antiquité ne disent pas que l’univers a été créé, mais qu’il s’est organisé à partir d’un chaos préexistant. Les Babyloniens croyaient que les dieux qui ont fait venir l’univers à l’existence étaient issus de deux océans. D’autres légendes racontent que l’univers est né d’un œuf géant. »

Le problème numéro 1 de cet article est qu’il ne reconnaît pas que la Bible a été écrite avec la perception antique du cosmos : un univers en trois partie (cieux, terre, et monde sous terrain). C’est le point crucial qui permet de dénouer cette discussion, et c’est un point que de nombreux évangéliques ne veulent pas non plus reconnaitre, comme si cela allait affaiblir l’autorité spirituelle de la Bible. Nous avons expliqué cela à partir des Ecritures elles-mêmes, éclairées par les découvertes de l’archéologie dans de nombreux articles, plus ou moins longs, certains faisant référence au texte original.

Il y a donc dans l’article que tu nous proposes de nombreux anachronismes. L’auteur projette ses connaissances modernes sur le texte en pensant que l’auteur voyait les choses comme lui :

  • « La terre est suspendue dans le vide (Job 26:7). »

Réponse : la Bible enseigne-t-elle que la terre est un sphère ? 

  • « La Bible montre que le Soleil, l’une des étoiles qui composent « les cieux », a été créé avant la végétation (Genèse 1:1). Une lumière diffuse provenant du Soleil atteignait la surface de la Terre durant le premier « jour », ou période, de création. Tandis que l’atmosphère s’éclaircissait, au troisième « jour » de création, la lumière a été suffisante pour que la photosynthèse ait lieu (Genèse 1:3-5, 12, 13). Ce n’est que plus tard que le Soleil est devenu visible distinctement depuis la surface de la Terre (Genèse 1:16). »

Réponse : le texte de Genèse 1 n’a aucune vocation chronologique, sa structure est poétique.

  • « La Bible emploie l’expression « l’extrémité de la terre » pour parler de « la région la plus lointaine de la terre » (Actes 1:8 ; note). Elle ne veut pas dire par là que la terre est plate ou qu’elle a un bord. De même, l’expression « quatre extrémités de la terre » est une figure de style qui désigne toute la surface de la terre (Isaïe 11:12 ; Luc 13:29). Aujourd’hui, on pourrait utiliser une image similaire en parlant des quatre coins du globe. »

Réponse : ce n’est pas une figure de style. Pour tous les peuples du POA, la terre a bien des extrémités…et elle est plate.

Voilà, cher Xcluzif quelques pistes de réflexion. Comprends bien l’état d’esprit dans lequel j’ai rédigé cet article. Il ne s’agit pas de diminuer la valeur de la Bible, bien au contraire. C’est en la prenant pour ce qu’elle est que nous pourrons l’apprécier à sa juste valeur : un texte qui a pour vocation de nous faire parvenir à la connaissance de Jésus-Christ. C’est en lui donnant des attributs que Dieu n’a pas jugé utile de lui conférer qu’aujourd’hui beaucoup la rejettent au nom de la connaissance scientifique. Malheureusement, la communauté des chrétiens est en partie responsable de cette situation.

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