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Il y a quelques dizaines d’années, l’industrie du tabac US était en émoi. Voilà-t-y pas que la médecine racontait à qui voulait l’entendre que ses produits étaient cancérigènes. De quoi vous couler une boite ! Le cowboy Malboro et ses amis firent tout leur possible pour le nier, évidemment.  Un memo interne de l’époque porte une formule qui remporterait haut la main l’oscar du cynisme :

le doute est notre produit

Faire croire au public que les médecins ne sont pas d’accords. Que les experts sont divisés. Qu’il reste des doutes. Bref, qu’on n’est pas sûrs. Les fumeurs invétérés seront ravis de l’apprendre. Et les autres en verront leur argumentation fort affaiblie.

 

Les temps ont changé. Les débats ont changé. Mais pas les tactiques.

 

L’immense majorité des experts en science du climat est d’accord que

l’activité humaine provoque actuellement un réchauffement du climat.

Je l’ai constaté personnellement quand j’ai assisté à cette conférence, et les études portant sur ce thème concluent la même chose. Evidemment, ce consensus est l’une des cibles préférées des « sceptiques ». Selon le site skepticalscience.com, qui recense et répond à leurs principaux arguments, le prétendu manque de consensus vient en quatrième position dans l’ordre des erreurs les plus répandues. C’est complétement faux, et pourtant, leurs efforts portent leurs fruits : Une étude publiée en 2014 aux USA a montré que le public pense que le consensus des experts en la matière est au mieux de 70%, tandis qu’en réalité il est supérieur à 97% (ce chiffre vient de cette étude consultable ici).

Les non-spécialistes sous-estiment donc le consensus scientifique en la matière. Et la science du climat n’est pas seule dans ce cas.

 

L’évolution échappe-t-elle à ce genre de travail de sape ?

Que nenni. Aux USA de nouveaux, on a en 2014 posé cette question aux gens :

D’après ce que vous avez entendu ou lu, les scientifiques conviennent-ils généralement que les humains ont évolué au fil du temps ou ne sont-ils en général pas d’accord sur ce sujet ?

Il ne s’agit donc pas de demander aux gens si eux-mêmes sont d’accord avec l’évolution, mais, question bien différente, s’ils pensent que les scientifiques le sont. 29% des sondés ont répondu « non ». 29% pensaient donc que les scientifiques ne sont pas d’accord. Mais si l’on fait un zoom sur les sondés évangéliques, ce sont 49% qui ont répondu « non ». La moitié, donc, des évangéliques américains pensent que les experts ne sont pas d’accord sur l’évolution humaine.

Et les experts, eux, qu’en disent-ils ? Les sondages (ici , ici ou ici, par exemple) sur le sujet montrent toujours un accord bien supérieur à 95%.

 

Pour ce qui est de l’âge de l’univers, même rengaine. Je ne cesse de rencontrer l’argument « y’a débat », tandis que je suis aux premières loges pour savoir que non, y’a pas débat.

 

Les temps ont changé. Les débats ont changé. Mais pas les tactiques. Et le plus triste, c’est qu’elles marchent.

Mais il y a encore plus triste : ici, les semeurs de doutes sont souvent des chrétiens.

 

Cela ne veut pas dire que tous les chrétiens qui sont en conflits dans leurs convictions avec les découvertes de la science moderne tombent dans ce piège, mais il très facile de mordre à l’hameçon. Cet article vise à mettre en lumière les chiffres réels pour éviter de conforter ses convictions sur des rumeurs.

L’autre piège consiste à penser que de toute manière la sphère scientifique est corrompue et qu’un complot anti-Dieu ou anti-Chrétien existe au niveau mondial, c’est oublier que de nombreux croyants travaillent dans le milieu scientifique (les membres de notre association sont bien placés pour le savoir !…). Nous avons traité ce sujet à propos des thèses complotistes dans cet article.

 


PS : Le titre fait échos au très documenté livre de Naomi Oreskes, Les marchands de doute. Elle y développe en profondeur les nombreux parallèles entre l’industrie du tabac autour des années 1960, et les climatosceptiques d’aujourd’hui.