Il est coutumier dans nos milieux chrétiens et évangéliques en particulier d’exercer un rapport de méfiance envers la science. Et ceci d’autant plus que l’on attache une importance fondamentale à lire les récits bibliques littéralement ou comme un livre d’histoire ou de science.

Cette mise en concurrence inutile ne mène-t-elle pas à une impasse ?

Le chrétien ne devrait-il pas plutôt voir la science comme une alliée lui expliquant la grandeur des œuvres de Dieu ?

Prenons un peu de recul et le temps de la réflexion.

Confiance dans les technologies et en la médecine

Bizarrement, les scientifiques seraient compétents pour fabriquer des Iphone ultra perfectionnés ou autres gadgets que nous utilisons avec ferveur au quotidien, poser un robot sur mars, greffer un cœur artificiel au point que nous n’hésitons pas à leur confier nos vies ou celles de nos enfants (et tant pis s’ils exercent une médecine qui repose en partie sur la science de l’évolution…) mais ils  tomberaient sous la coupe du diable dès qu’il s’agit de géologie, d’histoire ou autre matière qui rentre en conflit avec nos préjugés théologiques !..

Le bébé avec l’eau du bain

Une autre attitude consiste à se focaliser sur les dérives de la science pour la rejeter dans son ensemble.

Exemples de raccourcis courants :

  • La génétique c’est mauvais car on peut faire du clonage humain

> C’est comme s’il fallait ignorer la quantité de maladies génétiques maintenant guérissable grâce au progrès de la science

  • La théorie de l’évolution, c’est faux car elle supprime l’idée de création divine

> Il faut différencier la théorie qui offre un modèle de compréhension de l’évolution du monde, de ses extrapolations philosophiques qui élimineraient Dieu de ce processus.

On confond assez facilement la science qui investigue sur les faits et les lois de la nature avec l’usage que l’on en fait et qui dépend de nos intentions :
Le nucléaire en est une bonne illustration, ce n’est ni bon ni mauvais en soi car rien n’est plus naturel !

Mais que de questions éthiques se posent quand il s’agit de l’intégrer dans nos sociétés, on peut se chauffer avec, en faire une arme redoutable, générer des problèmes écologiques difficiles, etc..
(Ce défit du bien et du mal qui colle à la condition humaine n’est-il pas parfaitement illustré en Génèse 3 par le récit d’Adam et Eve ?) En cela on pourrait dire qu’aucune science comme toute entreprise humaine, n’est vraiment neutre, la condition humaine lui colle à la peau.

Et nous devrions remarquer que ce n’est pas parce que les extrapolations philosophiques de certains média ou auteurs à succès font de la science un outil de propagande athée, qu’il en est ainsi !

Dans le même ordre d’idée sur la confusion des genres, les incroyants ne se gênent d’ailleurs pas pour fustiger la Bible autant que certains chrétiens semblent le faire pour la science : N’est-ce pas au nom du Dieu de la Bible que des croisés ont causé tant de massacres ? Donc la Bible n’est pas fiable !…

La course au Nobel

Ne devrait-on pas reconnaître à la science, cette puissante faculté qu’elle a de se remettre en question, de chercher à cerner la vérité ? Son histoire nous monter qu’elle a su et qu’elle sait se remettre en question, revoir, affiner ses modèles pour toujours plus de précision.

Les publications et les expériences ne permettent-elles pas de s’assurer et de valider la rationalité des modèles présentés ?

Et celui qui prouverait une vérité à contre-courant de l’ambiance générale ne risquerait-il pas plutôt le Nobel que le pilori ?

Nous venons de le voir avec le récit de Lemaître publié dans ces colonnes il y a quelques jours : dans un monde scientifique persuadé que l’univers était statique et éternel, il introduit le concept scientifique d’expansion qui relançait le débat sur l’idée d’un commencement, il fut rejoint non sans mal par la communauté des savants de l’époque et même Einstein du s’y résoudre par honnêteté intellectuelle.

Le mode de concurrence entre scientifiques joue plutôt en faveur d’une science véritable que d’une science qui trompe. Sur quelles bases se reposent ceux qui crient sans cesse aux théories du complot en science ?

Des scientifiques chrétiens

Et que dire des nombreux scientifiques chrétiens qui travaillent tout aussi honnêtement dans les laboratoires du monde entier et qui partagent et participent aux mêmes connaissances ?

Nous publions sur ce site les exposés du couple Haarsma (diplômé en science) à propos des origines par exemple. Voir ici leur synthèse sur les découvertes géologiques à la fin de 19e siècle qui militent en faveur d’une terre ancienne (beaucoup d’américains restent persuadés que la Terre est jeune sur la base des généalogies bibliques et d’une interprétation des 6 jours de la création) : https://scienceetfoi.com/ressources/preuves-geologiques-terre-ancienne/

Francis Collins est reconnu comme l’un des plus grands scientifique vivant actuellement, il est aussi un chrétien évangélique fervent. Il soutient sans encombre la théorie de l’évolution dans son registre purement scientifique et montre comment une compréhension de la science et une lecture de la Bible respectueuse de son contexte ne rentrent pas en conflit.

Un livre à lire : De la génétqiue à Dieu.

Cette remarque ne signifie pas qu’il faille attendre que des chrétiens valident les théories scientifiques pour leur faire confiance, mais cela montre que le postulat d’une connivence mondiale contre la Bible ne tient pas. De nombreux chrétiens participent au progrès de la science et cela n’altère en rien leur foi !

Une fois encore, s’il s’agit de découvrir les œuvres de Dieu et que nous y trouvions des conflits entre Bible et science, n’est-ce pas plutôt nos interprétations qui sont à remettre en cause que la science elle même ?

Le consensus existe en science

Celui qui s’intéresse de près à la recherche scientifique remarquera que le consensus scientifique existe. La science travaille, elle progresse. Des modèles, des théorèmes et autres théories scientifiques lui permettent non seulement de mettre au point des technologies formidables mais aussi de reconstruire l’histoire de l’univers et de la vie.

Même si le progrès se fait à tâtons, il saute aux yeux ! La masse de connaissance à acquérir pour tout comprendre ce que la monde connait aujourd’hui est telle, qu’une vie ne suffirait pas à tout ingurgiter à ne faire que ça. C’est donc en quelque sorte par « la foi » que nous faisions confiance à telle ou telle déclaration… C’est là que la notion de consensus (d’autres plus compétents que nous ont fait les vérifications) devrait rassurer les plus méfiants, le système de concurrence, la pluralité des cultures et des nations permet un autocontrôle de la science.

Gare à la pseudo science

Si le lecteur attentif de la Bible a bien noté de ne pas « donner foi à tout esprit », il faut remarquer que la science n’est pas épargnée non plus par un certains nombre d’agitateurs sans scrupules déguisés non pas en anges de lumière mais en blouses blanches…
Il n’y a qu’à voir le nombre de revues « scientifiques » destinées au grand public qui ont fleuri ces dernières années en kiosque… Les titres oscillent entre le racolage et l’ésotérisme à peine voilé, mais la demande crée l’offre de l’inculture et de la tromperie abusive ! Est-ce à dire qu’il faut tout mettre dans le même sac et rejeter la vraie science au prétexte des dérapages de telles publications ou autres émissions douteuses ?

Certes, celui qui n’a pas les bases pour juger du bien fondé d’une approche réellement scientifique peut se sentir perdu dans cette jungle du savoir, mais est-ce un argument recevable pour tout rejeter en bloc ? cf le § du bébé et de l’eau du bain.

Dans le registre des pseudosciences, on nous rétorque souvent que de nombreux milieux créationnistes sont dotés de scientifiques authentiques et démontrent que la Bible donne la seule explication scientifique et historique recevable.

A y regarder de plus près on sera surpris par plusieurs constats :

  • Aucune de ces recherches ne franchie jamais les portes des publications à comité de lecture, (on crie à la censure mais est-ce réellement un argument valable ?)
  • Les démonstrations fascinent les non-initiés mais reposent la plupart du temps sur des inepties scientifiques (vitesse de la lumière non constante par exemple), on parle ici plus de pseudoscience que de science véritable
  • on joue avec les difficultés de conceptualisation de certains principes pour en déduire des affirmations fausses. Exemple :  la Terre est au centre de l’univers car depuis ce point, on voit toutes les galaxies s’éloigner de nous en toutes directions où que l’on regarde. Mais la géométrie de l’univers et telle dans son expansion qu’en tout point en son sein, on voit les galaxies s’éloigner les une des autres, c’est vrai depuis la terre, comme depuis n’importe quel autre point de l’univers…
  • Le nombre de variantes du créationnisme est assez varié, ce qui montre que les débats sont plus philosophiques (ou théologiques) que scientifiques , par exemple, le mouvement le plus dur prône le géocentrisme, sur la base du récit de Josué (qui arrête la course du soleil) ce n’est pas la terre qui tourne autour du soleil mais le contraire…

Les plus grands problèmes soulevés par le créationnisme ne sont pas d’ordre scientifique comme il prétend à le montrer mais bel et bien théologique, ne nous y trompons pas.

conclusion

Si donc on note une différence entre les récits bibliques et les découvertes de la science comme c’est le cas avec le récit du déluge de Noé, Est-ce à dire que la science se trompe ? N’est-ce pas plutôt une invitation à revoir nos interprétations du texte ?

Quel est l’intention du Saint-Esprit dans ces récits ? Faire un cours de géologie au peuple d’Israël et aussi aux chrétiens et aux mécréants du XXIe siècle, ou instruire toutes les générations sur un sens plus profond de la justice de Dieu et de la responsabilité humaine du mal sur Terre ?

Beaucoup de personnes sont davantage promptes à faire confiance aux rumeurs et à ce qu’ils croient être la vérité plutôt qu’à la vraie science (au sens de connaissance) qui demande beaucoup d’efforts pour être comprise, c’est ce qu’explique ce sociologue dans une conférence très intéressante qui devrait nous faire réfléchir sur notre manière de croire les choses.

Certes, pour cet orateur la foi reste une croyance au même niveau que les autres et il exclut toute notion de vérité transcendante (voir la séance des questions) mais cela n’enlève rien à la pertinence de ses propos et à l’intérêt de son étude.

 http://www.canal-u.tv/video/cerimes/la_democratie_des_credules.14459