L’article d’aujourd’hui a été écrit par David Kerk et Darrel Falk. David Kerk est professeur de biologie à l’Université Nazarene Point Loma. David Kerk a obtenu sa thèse en anatomie à UCLA (Université de Californie) et il poursuit des recherches en bioinformatique à l’Université de Calgary. Il habite au Canada.

Darrel Falk est un professeur de biologie à l’Université Nazarene Point Loma, où il enseigne depuis 1988. Il est aussi le président de la fondation BioLogos. Il donne fréquemment des conférences dans les universités à propos des relations entre la foi et la science. Il est l’auteur de Coming to Peace with Science.

A cause de leur lecture littérale de la Genèse, certains évangéliques croient que la terre a moins de 10 000 ans, et que l’évolution est un mensonge. C’est ce qu’un million de visiteurs ont pu voir en visitant le musée créationniste de la jeune terre qui a ouvert il y a deux ans aux Etats-Unis. En tant qu’évangéliques, nous croyons que cette branche du christianisme a raison sur tant d’autres points importants, alors comment pouvons nous être si sûrs que ces croyants se trompent sur cette question ? Si vous lisez cet article, envoyez un lien à un ami créationniste de la jeune terre ou à un pasteur. Rien n’est plus fort que la vérité.

La beauté de la démarche scientifique réside dans son scepticisme initial. S’il n’existe qu’une seule façon de prouver quelque chose, un scientifique doit rester très septique envers cette conclusion. Les seules conclusions qui sont acceptées par le plus grand nombre sont celles qui sont soutenues par de multiples lignes de preuves se renforçant les unes les autres- « tous les chemins mènent à Rome ». S’il existe même une seule route scientifique qui semble conduire clairement à Péoria au lieu de Rome (pour utiliser une analogie récente de Francisco Ayala), la démarche scientifique exige que les scientifiques trouvent pourquoi. Le scientifique qui ne demeure pas septique lorsqu’il n’existe qu’une seule ligne de preuve, en particulier une qui ignore toutes les autres qui s’opposent à celles-ci, est sur une trajectoire solitaire entêtée- une route vers l’échec.

Si la seule raison de suivre des directions qui « conduisent loin de Rome » est une interprétation particulière de l’Ecriture, alors il est important d’envisager la possibilité d’une erreur humaine. Après tout, l’interprétation biblique est une entreprise humaine, y compris celle de la Genèse.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à suivre Jésus. En faisant ainsi, Jésus dit que nous devons aimer le Seigneur Dieu de tout notre cœur, notre âme et notre pensée- pas seulement notre cœur et notre âme. En effet, si nous fermons nos esprits, nous désobéissons à ce que Jésus a affirmé être le plus grand commandement de tous. Alors, ne soyons pas timides dans l’utilisation de notre intelligence. Existe-t-il des façons indépendantes de dater la terre depuis sa création ? Si oui, ces différentes lignes de preuves indiquent-elles toutes la même chose ?

La meilleure méthode connue pour calculer l’âge des matériaux terrestres est basée sur le fait bien connu que certains éléments de la croûte terrestre sont instables et décroissent à un rythme constant que l’on peut mesurer. Cette instabilité fonctionne comme une série d’horloges indépendantes qui tournent depuis très longtemps. Il y a en effet beaucoup d’éléments instables, et le « battement » de chacun d’entre eux a une durée différente. Ce battement peut être calibré pour chacun d’entre eux. Et avec une très grande précision, toutes ces “horloges” indiquent un même point de départ : une terre ancienne avec des roches qui sont âgées de centaines de millions et même de milliards d’années. Cette méthode s’appelle la radiométrie (datation par la radioactivité).

Il y a d’autres méthodes totalement indépendantes pour estimer l’âge de la terre. Pour comprendre comment cela fonctionne, nous devrions peut-être commencer par des périodes de temps plus courtes, qui sont beaucoup plus appréhendables par l’homme. Par exemple, les anneaux de croissance des arbres en réponse aux différences de température et de précipitation. Les différences de  taux de croissance saisonniers s’accumulent. Il est ainsi possible de remonter le temps sur quelques milliers d’années. 3

Les processus de croissance en couches ne se trouvent pas que dans les arbres. Beaucoup d’espèces marines invertébrées accumulent du carbonate de calcium à partir de leur environnement sous marin et l’incorporent sous forme de coquille. Il s’agit par exemple des clams et du corail. En fait, pour ces espèces, les variations dans la formation des coquillages apparaissent à l’échelle d’une journée mais aussi d’une année. On peut donc accéder au compte de très petites périodes de temps.4

Tout comme il est possible de compter les anneaux des arbres et de faire le lien entre leur âge et des événements historiques connus dans le passé, il est aussi possible de compter les schémas en bande préservés dans les fossiles des organismes marins, et d’utiliser cette méthode pour estimer leurs âges. Regardons comment cela fonctionne.

Les données astronomiques développées et analysées aux cours des deux siècles passés ont révélé que la rotation de la terre  ralentit lentement. Ceci est du aux frottements quotidiens créés par le mouvement des marées sur la surface de la terre, produits par l’attraction gravitationnelle du soleil et de la lune. De plus, au fur et à mesure que la terre ralentit, une partie de son énergie rotationnelle est transmise à la lune, ce qui modifie faiblement sa trajectoire (la lune s’éloigne progressivement de la terre). Les données qui conduisent à de telles conclusions proviennent de l’analyse d’éclipses anciennes du soleil (dont la datation nous permet de connaître la position précise de la terre, du soleil et de la lune)  grâce à des faisceaux laser réfléchis par des miroirs placés sur la lune par les astronautes d’Apollo. En ce qui nous concerne ici, ce qui nous importe est le ralentissement de la rotation quotidienne de la terre. Ceci nous permet de prédire que la durée des jours s’est lentement accrue depuis la formation du système terre/lune. L’augmentation de la durée d’une journée est estimée à 2.3 millisecondes (0.0023 seconde) par siècle.5,6 Donc quand nous regardons à des événements dans le passé, les jours étaient plus courts, et on peut calculer de combien. Il y a dix mille ans, un jour était 0.23 seconde plus court qu’aujourd’hui. Si on arrive à mesurer expérimentalement la durée d’une journée, on aura alors accès à une estimation de l’âge d’un matériau.

L’une des façons d’obtenir de telles estimations expérimentales de la durée des journées est d’observer les anneaux de croissance périodiques dans les coquilles d’organismes marins invertébrés. Prenez l’exemple d’un clam dans un environnement sujet aux marées. Si la marée est haute, le coquillage est ouvert et peut absorber l’oxygène dissout dans l’eau, et en utilisant son métabolisme anaérobique, le clam peut incorporer du carbonate de calcium dans le coquillage. Mais lorsque la mer s’est retirée, le coquillage se referme, et peu d’oxygène peut être absorbé, et lorsque le métabolisme anaérobique se met en route, la décalcification du coquillage se produit, et des matériaux riches en matière organique s’accumulent dans le coquillage. Cette succession de dépôts dans le coquillage se produit tous les jours, et on peut l’observer clairement au microscope, à la fois chez des coquilles fossilisées et aussi vivantes. De plus, les coquilles contiennent un marqueur identifiable résultant des premières gelées de l’hiver, et des premières grosses chaleurs de l’été. Ainsi, on peut véritablement établir la durée d’une année dans le passé…7

Lorsque de telles données sont analysées sur de nombreuses espèces fossiles, il est évident que le nombre de journées en une année était plus élevé qu’aujourd’hui. Ainsi, nous disposons d’une autre horloge- une méthode totalement indépendante de mesurer l’âge de certains fossiles. Alors, les résultats donnés par les horloges « radiométriques » (basées sur la radioactivité) s’accordent-elles avec celles basées sur le comptage des anneaux de croissance de certains coquillages marins?

Comme nous l’avons déjà mentionné, les organismes vivant il y a 10 000 ans auraient expérimenté des journées plus courtes, mais seulement de 0.2 seconde. Les organismes vivant il y a 1 million d’années auraient connus des journées plus courtes de 20 secondes. Et si la terre est très, très ancienne, les organismes vivant il y a 465 millions d’années par exemple auraient connus des années de 416 journées de 21 heures chacune environ.7 De façon tout à fait étonnante, les fossiles de coquillages datés par la radioactivité vivant il y a 465 millions d’années, ont vécu des journées 3 heures plus courtes ! C’est ce qu’on peut voir grâce à leur schéma en bande. En fait, les deux horloges s’accordent à moins de 1% près.

Une autre façon d’estimer la durée des journées dans le passé est d’observer les schémas périodiques formés dans les fines couches sédimentaires dans d’anciens estuaires de rivières. La marée quotidienne produit des traces dans la boue, laissant derrière elle une fine couche, que l’on peut observer dans les roches aujourd’hui formées de ses sédiments. On peut aussi observer des variations dans les anciens dépôts de  boue sur des périodes plus longues, les saisons et les années. En comptant le nombre de couches quotidiennes déposées chaque année, d’une façon tout à fait comparable avec ce que nous avons fait avec les coquillages, on peut estimer la durée d’une journée. L’un des avantages de cette méthode est qu’elle nous permet de remonter le temps dans l’histoire de la terre à des périodes où les coquillages analysables étaient rares voire non existant. Par exemple, on a daté par la radioactivité certaines roches d’Australie à 620 millions d’années. Sur cette base, on peut prévoir qu’une journée durait 20 heures à cette époque. Si on confronte cette estimation à ce que qu’on observe sur les dépôts de boue, on arrive à un accord à 10% près (estimation de 22 heures). Ceci nous montre bien que ces dépôts sont anciens de plusieurs centaines de millions d’années comme prévu par la radioactivité.8

En conclusion, des données de trois sources indépendantes: la décroissance radioactive, les schémas de croissance enregistrés dans les coquillages marins fossilisés, et les roches contenant des dépôts sédimentaires dans les estuaires de rivières nous montrent toutes que la terre est très ancienne. De plus, il est possible de mesurer l’âge de l’univers dans son ensemble par d’autres méthodes totalement indépendantes, et il s’agit de milliards d’années, et pas de milliers d’années.

Tous les chemins du livre des oeuvres de Dieu “conduisent à Rome” (c’est à dire à une terre ancienne) – Les interprétations humaines erronées de l’Ecriture sont la seule raison pour laquelle tant de précieux frères et sœurs en Christ sont conduits à Péoria.

Références

1: Elementary principles of radiometric dating are discussed by Richard Dawkins. Dawkins, R. 2009. The Greatest Show on Earth: The Evidence for Evolution. Free Press, New York Pgs. 91-98.

2: Wiens, R.C. 2002. Radiometric Dating: A Christian Perspective. This is a more detailed but still highly readable account of radiometric dating, written by a well-qualified physicist who is also a professing Christian. It can be obtained from the web site of the American Scientific Affiliation: http://www.asa3.org/ASA/resources/Wiens.html

3: Tree ring dating (“dendrochronology”) is discussed by Dawkins, pgs. 88-91.

4: Dating using coral skeletal deposition is discussed by Jerry Coyne: Coyne, J.A. 2009. Why Evolution is True. Viking Penguin, New York. Pgs. 24-25.

5: “Tidal Acceleration”, Wikipedia: http://en.wikipedia.org/wiki/Tidal_acceleration

6: Stephenson, F.R. 2003. Historical Eclipses and Earth’s Rotation. Astronomy and Geophysics 44:2.22-2.27.

7: Zhenyu, Z., Yaoqi Z., Guosheng J. 2007. The periodic growth increments of biological shells and the orbital parameters of Earth-Moon system. Environmental Geology 51: 1271–1277.

8: Williams, G.E. 2000. Geological constraints on the Precambrian history of Earth’s rotation and the Moon’s orbit. Reviews of Geophysics 38(1):37-59.