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discussion à propos du péché originel


9782873566654Nous poursuivons notre série d’articles concernant le « péché originel ». Dans son livre En finir avec le « péché originel ? , Michel Salamolard explique pourquoi historiquement,  théologiquement et scientifiquement la version catholique de ce dogme devrait selon lui être révisée. Nous n’abordons qu’un petit aspect de la question dans cet article.

Les évangéliques seront probablement en accord avec son analyse sur certains points, le seront-ils sur tous ?

L’un des arguments clés de M.S. réside dans la signification ultime du salut et des buts de l’incarnation de Jésus-Christ, Dieu fait homme pour nous sauver.

M.S. reconnaît parfaitement l’universalité du péché : »refus délibéré de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Le péché ne nous met pas seulement en contradiction avec la loi, un commandement », et la nécessité pour l’homme d’être « sauvé » : »la réalisation stupéfiante de notre vocation d’hommes et de femmes à devenir comme Dieu, à participer réellement à sa vie, à sa béatitude, à son immortalité. »

Il considère que la doctrine catholique du péché originel constitue dans la tradition latine le « revers » de la Bonne Nouvelle.

« N’insinue-t-on pas que sans le « péché originel », le Fils de Dieu ne serait pas devenu homme, qu’il n’aurait pas donné sa vie pour nous, en tout cas pas en mourant sur une croix? »

Le catéchisme de l’église catholique avance quatre motifs « dont on peut penser qu’ils sont classés par ordre d’importance » pour lesquels Jésus s’est incarné :

  1. Pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu : notre nature malade et déchue devait être relevée.
  2. Pour que nous connaissions l’amour de Dieu.
  3. Pour que le Christ soit notre modèle de sainteté.
  4. Pour nous rendre participant à la nature divine.

Chacun de ses points est bien entendu soutenu par de nombreuses références bibliques et aucun n’est remis en cause par M.S.

En s’appuyant sur la tradition des Pères grecs (Isaac le Syrien, Grégoire de Nysse, Clément d’Alexandrie, Athanase), M.S. souligne que la tradition orientale a placé ces mêmes motifs dans un ordre quelque peu différent : 4 et 2 d’abord, 1 et 3 ensuite.

« Le Verbe de Dieu est devenu homme, afin que tu apprennes encore par un homme comment un homme peut devenir Dieu. (Clément d’Alexandrie, IIème siècle) »

M.S. souligne « qu’au contraire, dans la tradition latine, le motif principal de l’Incarnation est le pardon des péchés » (Anselme de Canterbéry (1033-1109), Thomas d’Aquin (1224-1274).

« Sois attentif à ce que dit l’évangile : le Fils de Dieu est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Si l’homme ne s’était pas perdu (= si Adam n’avait pas péché), le Fils de l’homme ne serait pas venu. »Thomas d’Aquin (1224-1274).

M.S. considère que si on se place dans la perspective grecque, « on parviendrait alors peut-être à détacher notre salut dans le Christ du « péché originel ». Le mystère n’aurait plus de « revers ».

Plus loin dans son livre (p. 227), M.S. évoque deux perspectives concernant le péché. « La notion de péché nous entraîne sur deux lignes de sens, de plus en plus divergentes, selon que nous la situons dans une perspective plutôt juridique ou une perspective plutôt existentielle. »

M.S. privilégie la dimension existentielle ou spirituelle, sans rejeter la conception juridique du péché.

M.S. cherche un équilibre entre responsabilité, culpabilité personnelle et état du pécheur comme personne en souffrance, malade qui a besoin d’une guérison. Il s’appuie sur l’annonce de la Nouvelle Alliance par Ezékiel ou Jérémie décrite comme la « réparation, la recréation du cœur ». Irénée de Lyon considérait qu’Adam et Eve « n’étaient que des enfants en humanité », qu’ils manquaient de maturité et avaient besoin de croissance.

« Si tout se passe entre Dieu et nous exclusivement sur le fond d’une relation d’amour, dont Dieu a pris l’initiative et dont il est le garant absolu, nous devons non seulement écarter la vision d’un Dieu arbitre ou juge de nos comportements, sans être affectés par eux. Nous devons aussi écarter la vision d’un Dieu qui guérirait à l’instar d’un médecin humain sans être lui-même affecté par nos maladies ou nos accidents spirituels. »

Après avoir exposé les arguments mis en avant par M.S. sur une piste qui permettrait aux catholiques de se passer du dogme du « péché originel » tel qu’élaboré par Augustin et décrit dans notre premier article, je me pose un certain nombre de questions en tant qu’évangélique :

Questions

  • Si l’annonce du salut aux non chrétiens s’accompagne de l’annonce d’une culpabilité en Adam, c’est certainement un « revers »  à la Bonne Nouvelle ;  la problématique est-elle exactement la même pour les évangéliques qui ne croient pas au partage de cette culpabilité originelle ?

  • L’annonce de l’évangile ne s’accompagne-t-elle pas obligatoirement d’un « revers » qui ne fait pas plaisir à l’homme , celui de la prise de conscience de son péché ? Chercher à atténuer cette responsabilité,  n’est-ce pas minimiser la signification de la croix ?

  • La Bible affirme-t-elle que sans le péché d’Adam, Jésus ne serait pas venu, ou bien suggère-t-elle le contraire ? La croix est-elle pour Dieu un plan B ou un plan A ?

  • Est-ce nécessaire de hiérarchiser les motifs de l’incarnation par ordre importance ?

  • La vision du péché comme une maladie est-elle bibliquement fondée ? Est-ce compatible avec la vision « juridique »?

  • La tradition catholique et protestante- évangélique a-t-elle  trop mis l’accent sur  l’aspect juridique du salut ?

  • Les évangéliques ont-ils assez mis l’accent sur le salut comme une union du croyant à la nature divine, au lieu de mettre l’accent sur le fait d’échapper au jugement divin ?

  • Bref, les évangéliques, comme les catholiques, ont-ils besoin, sans renoncer à l’aspect juridique de l’expiation, d’un rééquilibrage « à la grecque »?


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