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Cet article est une traduction dont la version originale se trouve sur le site de la fondation BiloLogos.


Evolution et création de l’homme

La raison pour laquelle les gens rejettent l’évolution comme moyen par lequel Dieu aurait pu créer l’homme tient souvent au fait qu’ils interprètent Genèse 2.7 comme un acte de Dieu qui, selon leur définition, exclut ou contourne tout processus naturel. Ils en concluent que, malgré des similarités génétiques avec d’autres animaux, les êtres humains ne peuvent avoir évolué à partir d’une forme de vie antérieure.

 

Contexte de Génèse 2

Ce raisonnement part du principe que, si la Bible dit que Dieu agissait, il n’est pas possible que son action ait été accomplie par ce qu’on appelle un processus « naturel ». Je voudrais suggérer que cette distinction entre « le naturel » et « le surnaturel » est étrangère du point de vue des anciens exprimé dans la Genèse. Puisque nous devons considérer les intentions initiales de l’auteur comme reflétant l’autorité de Dieu dans le texte, nous ne pouvons pas affirmer que la Bible dit une chose qui n’a pas de sens dans le contexte d’origine.

Quand aujourd’hui les gens affirment que l’action créatrice de Dieu dans Genèse 2 outrepasse tout processus naturel, ils considèrent que les intérêts, le langage et/ou les idées des auteurs israélites anciens étayent le principe d’une division entre le « naturel » et le « surnaturel ». Cependant, les Israélites de l’époque croyaient que Dieu est toujours actif dans le monde de bien des manières souvent indécelables. Ils ne distinguaient pas les catégories « naturel » et « surnaturel », alors inexistantes. Le fonctionnement du monde, que nous voyons comme habituel et prévisible, et qui peut être décrit en termes scientifiques, aurait été considéré, dans l’ancien monde, comme rien de moins que l’œuvre de Dieu. Les anciens Israélites croyaient que, lorsqu’ils semaient un grain de blé, le blé pousserait. Dieu n’aurait pas été moins impliqué dans ce processus que si de l’orge avait poussé à la place. De la même manière, nous ne pouvons pas déduire de la Genèse que Dieu créa les humains d’une manière naturelle (scientifiquement descriptible) ou d’une manière surnaturelle (au-delà des processus de cause à effet habituels et prévisibles) par le seul fait que Dieu joua un rôle actif. Les anciens croyaient que Dieu jouait toujours un rôle actif. Comme la langue hébraïque ne possède pas de mots pour classer les degrés de causalité tels que nous le faisons aujourd’hui, le langage de l’Ancien Testament ne peut être utilisé pour confirmer ou réfuter notre manière d’assigner aux causes et aux effets un processus naturel ou résultant de l’action divine.

 

Contexte de l’Ancien Testament

Quand l’Ancien Testament décrit l’intervention de Dieu dans le monde, ce n’est pas pour mettre en évidence un événement « surnaturel » distinct de la façon dont les choses fonctionnent normalement ou distinct d’un événement scientifiquement explicable. Généralement, son intérêt est d’identifier les événements comme autant « de signes et de miracles ». Ils valent démonstration de la puissance de Dieu pour délivrer son peuple et de l’alliance d’amour qu’il scelle avec lui. Parfois, le texte insiste sur le fait que le Dieu d’Israël, et aucun autre dieu, a le contrôle des événements. Pensez aux plaies d’Égypte. Elles démontrent que la puissance de Dieu était supérieure à celle des dieux d’Égypte. L’Ancien Testament met l’accent sur le fait que Dieu pouvait accomplir ce qu’aucun autre dieu ne pouvait réaliser. Cela ne veut nullement dire qu’il y ait une distinction entre les événements « surnaturels » (Dieu passant outre les processus scientifiquement explicables) et les événements « naturels » (Dieu agissant à travers les processus naturels).

 

Adam apparaît-il comme une création miraculeuse ?

Dieu peut, sans nul doute, passer outre les causes normales, mais il n’est pas prudent d’en conclure qu’il l’ait fait simplement parce que l’Ancien Testament rapporte son action. Seul le déroulement logistique du scénario pourrait nous mener à cette conclusion. Par exemple, dans le Nouveau Testament, quand Jésus change l’eau en vin, il a de toute évidence passé outre tout processus naturel. Le vin avait assurément une structure chimique semblable à celle du vin « naturel », mais l’action de Jésus procédait d’un phénomène non naturel. Certains insistent sur le fait que nous devrions aussi croire que Dieu a ignoré tout processus naturel lors de la création d’Adam. Nous le pourrions si le texte ou le scénario nous y invitait. Aux noces de Cana, il n’y avait clairement pas le temps pour que prenne place un processus naturel. Dans ce cas, c’est le scénario plus que le texte lui-même qui nous impose de comprendre que les processus normaux ont été outrepassés. Dans Genèse 2, ni l’existence d’un langage distinctif, ni le déroulement du scénario ne permettent d’écarter l’hypothèse selon laquelle la création des êtres humains relève d’un processus scientifiquement explicable.

De nos jours, quand nous établissons une distinction dans les Écritures entre actions naturelles et actions surnaturelles, non seulement nous introduisons nos catégories modernes dans la Bible, mais nous limitons aussi l’action de Dieu. Dès lors que nous cataloguons certaines actions comme « spéciales » ou « surnaturelles », nous sous-entendons que d’autres événements, explicables par des relations normales de cause à effet, ne sont pas des actions de Dieu. En suggérant ainsi que Dieu n’agit que de façon épisodique, cette ligne de pensée entraîne une dérive vers le déisme (qui introduit une distance entre Dieu et les transformations dans le cosmos). Ce mode de pensée est, au moins en partie, responsable du clivage entre la science et la Bible.

L’origine biologique des êtres humains n’était pas une préoccupation pour les Israélites d’autrefois, ni pour les peuples voisins. Ils n’avaient pas de catégories de causalité pour différencier le niveau de l’action de Dieu dans sa création d’Adam et celui inhérent à notre propre création. Dieu fit Adam ; Dieu nous a tous faits. Dans la langue hébraïque, le même verbe est employé dans les deux cas, et Dieu n’est pas moins impliqué dans un cas que dans l’autre. Certains peuvent arguer qu’il y a une différence parce que nous avons été conçus et sommes nés après neuf mois de gestation, tandis qu’Adam est décrit comme ayant été formé à partir de la poussière. Cependant, la Bible affirme que Dieu est pareillement impliqué dans chacune de ces naissances (Psaume 139.13). Et, avant de conclure qu’une distinction intentionnelle est établie entre la substance d’origine d’Adam et celle nous concernant, nous devons d’abord déterminer si, à dessein, le texte désigne spécifiquement l’origine matérielle d’Adam.

Le texte affirme-t-il qu’Adam a été formé de la main même de Dieu à partir de la poussière alors que nous sommes nés d’une femme après neuf mois de gestation ? Beaucoup soutiennent que c’est le cas. Mais une telle position implique que le texte fait valoir une théorie surnaturelle des origines humaines pour laquelle il n’y a aucune explication naturelle ni processus impliqué. Encore une fois, le texte ne peut établir une telle distinction car les Israélites ne raisonnaient pas en termes de catégories concurrentes.

Je suggère plutôt une interprétation différente : de même qu’Adam nous est présenté comme étant formé à partir de la poussière, nous sommes tous constitués à partir de la poussière, conçus comme des êtres mortels et fragiles (Psaume 103.14 ; 1 Corinthiens 15.47-48). Le texte n’essaie pas de nous dire en quoi Adam est différent, mais plutôt combien nous sommes tous semblables. La Genèse ne nous apprend pas que la création d’Adam était surnaturelle et qu’à l’inverse nous sommes nés à travers un processus naturel. Elle nous dit que le genre humain, dès le commencement, fut créé avec des corps mortels, mais que Dieu allait pourvoir un antidote. Plus de détails sur cette interprétation se trouvent dans mon livre : « The Lost World of Adam and Eve » (Le monde perdu d’Adam et Eve).

 

Création évolutive

Si la Bible ne soutient pas que Dieu ait outrepassé des processus scientifiquement descriptibles dans la création matérielle des êtres humains (ses auteurs et les lecteurs visés ne possédaient pas ces catégories), cet argument ne devrait pas être utilisé pour exclure des explications scientifiques sur les origines humaines matérielles (telle que l’évolution). La Bible et la théologie s’accordent sur le fait que Dieu est impliqué de manière omniprésente sans son monde, quel que soit le degré scientifique de cause à effet que nous pouvons y déceler. Il n’est donc pas contradictoire avec le texte biblique de suggérer que, sur une longue période, Dieu créa les êtres humains à partir d’un mode opératoire basé sur des relations de cause à effet identifiables. Ainsi présenté, la création évolutive serait une approche parfaitement acceptable aux yeux des chrétiens qui prennent au sérieux à la fois la Bible et la science. L’action de Dieu n’est pas limitée à l’inexplicable, à savoir les relations de cause à effet scientifiquement indéchiffrables ; Dieu œuvre pleinement dans tous les processus.

Dans le même temps, tout chrétien devrait affirmer que les êtres humains ne sont pas purement le résultat de processus scientifiquement identifiables. Dieu a fait de nous des êtres ontologiquement distincts, indépendamment des processus matériels impliqués. Nous sommes plus que de la poussière et nous sommes plus que tout autre ancêtre phylogénétique. De plus, cette singularité ontologique ne peut être réduite à l’attribution d’une âme ou au fait d’être à l’image de Dieu. L’ontologie de l’être humain unique ne peut être confinée à des composantes anthropologiques parce qu’elle porte sur la nature fondamentale de notre être. Nous sommes plus que ce dont nous sommes faits, et Dieu en est le responsable.

 

Quand BioLogos promeut la création évolutive, il n’est fait aucune place à ceux qui exploitent la science aux fins de défendre une vision de l’humanité vide de sens. La création évolutive n’invoque pas une attention divine qui serait minimale ou occasionnelle. Il n’a pas l’intention de retirer à Dieu son rôle dans la création. Elle ne remplace pas Dieu par la science. Prendre la Bible au sérieux implique de ne pas lui imposer nos catégories modernes, lesquelles seraient susceptibles de conduire à une conception erronée de son message qui fait autorité. La Bible ne peut être interprétée pour préciser des distinctions catégorielles qu’elle n’a jamais eues, car elle ne peut être interprétée dans le but de dire ce qu’elle n’a jamais dit.

 

A propos de l’auteur :

John Walton est professeur d’Ancien Testament à Wheaton College dans l’Illinois. Il est éditeur et auteur d’études comparatives et de commentaires sur l’Ancien Testament. Tout au long de ses recherches, Walton s’est concentré sur la comparaison entre la culture et la littérature de la Bible et celle du Proche Orient Ancien. Il a publié des dizaines de livres, d’articles et de traductions, en tant qu’auteur et éditeur, dont notamment son dernier ouvrage, « The Lost World of Genesis One » (le monde perdu de Génèse Un).