Nous publions aujourd’hui un article de Pete Enns à propos de la signification du « raqia » ou firmament ( http://biologos.org/blog/the-firmament-of-genesis-1-is-solid-but-thats-not-the-point/

Cette question peut paraître secondaire, mais à partir du moment où j’ai compris la signification du raqia dans la vision cosmologique des anciens Hébreux, j’ai été libéré de tout concordisme scientifique en matière d’interprétation biblique. Cela a été un véritable élément déclancheur de ma réflexion théologique. La démonstration de Pete Enns est brêve (format d’un blog), celle de Denis Lamoureux dans Evolutionary Creation est magistrale . Il a également écrit un article (en anglais) excellent sur le sujet où il montre le lien entre cette question et l’acceptation de l’évolution pour les croyants : http://www.asa3.org/aSA/PSCF/2008/PSCF3-08Lamoureux.pdf

 

Genèse 1:6-7 dans différentes traductions…de nombreux spécialistes pensent bien que le raqia était solide!

Dieu dit : Qu’il y ait une voûte (raqia) au milieu des eaux pour séparer les eaux des eaux !Dieu fit la voûte (raqia) ; il sépara les eaux qui sont au–dessous de la voûte et les eaux qui sont au–dessus de la voûte. Il en fut ainsi. (Nouvelle Bible Segond)

Dieu dit encore : Qu’il y ait une voûte, pour séparer les eaux en deux masses ! Et cela se réalisa. Dieu fit ainsi la voûte qui sépare les eaux d’en bas de celles d’en haut. (Bible en Français courant)

Dieu dit : « Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux ! »Dieu fit le firmament et il sépara les eaux inférieures au firmament d’avec les eaux supérieures. Il en fut ainsi. Dieu appela le firmament « ciel ». Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour. (version TOB)

 

 

Le firmament de Genèse 1 est solide, mais la vraie question n’est pas là

Genèse 1 et 2 raconte l’histoire de la création, et ces chapitres nous disent des choses différentes de ce que nous connaissons aujourd’hui du monde et de l’univers qui nous entoure.

L’une de ces questions concerne le deuxième jour de la création (Genèse 1 :6-8) ; quand Dieu a fait l’ « étendue » ou le « firmament ». Le mot Hébreux pour ceci est raqia (prononcé ra-KEE-ah). Les spécialistes de la Bible pensent que le raqia était une structure solide ressemblant à un dôme. Celui-ci séparait l’eau en deux parties, il y a ainsi les eaux au-dessus du raqia (les eaux d’en haut), et celles en dessous (les eaux d’en bas (v.7)). Ces eaux d’en haut sont ainsi maintenues en suspension et le monde est donc habitable. Le troisième jour (vv.9-10), les eaux d’en bas sont rassemblées en un lieu pour former la mer et permettre à la terre sèche d’apparaître.

Les anciens Hébreux « voyaient » cette frontière lorsqu’ils regardaient vers le ciel. Il n’y avait aucun télescope, pas d’exploration spatiale ou de moyen de tester l’atmosphère. Ils ne pouvaient se fier qu’à leur sens. Encore aujourd’hui, lorsque nous regardons le ciel clair dans un paysage dégagé, le ciel semble « commencer » à l’horizon et atteindre des altitudes élevées ! Les anciens Israélites et leur voisins pensaient que le monde était plat, et ainsi il leur semblait que la terre était surmontée d’un dôme, et le « ciel bleu » était les « eaux d’en haut » retenue par le raqia. La traduction « firmament » (c’est-à-dire « ferme ») traduit  cette idée d’une structure solide.

Les spécialistes de la Bible s’accordent sur cette compréhension du mot raqia. Ceci est pourtant perturbant pour certains croyants,. Comment la Bible inspirée, la parole révélée de Dieu, peut-elle contenir un tel non sens ancien ? Ainsi, certains investissent beaucoup de temps et d’énergie pour montrer que le raqia n’est pas solide mais ressemble plutôt à l’atmosphère. Souvent, on préfère utiliser le mot « étendue » plutôt que « firmament » parce que ce dernier décrit une structure nécessairement solide.

Prétendre que le raqia de la Genèse n’est pas solide est extrêmement problématique pour deux raisons. Premièrement, les données bibliques et extra bibliques nous montrent que le mot raqia décrit effectivement une structure solide. Le second problème est un problème théologique beaucoup plus large, et beaucoup plus fondamental. Indépendamment de ce que chacun peut penser du raqia, pour quelle raison devrions nous supposer a priori que la cosmologie ancienne de la Genèse devrait obligatoirement être en harmonie avec la science moderne ?

Cette seconde question crée un conflit qui n’a pas lieu d’être. Le débat à propos du  raqia n’est pas dû au fait que nous ayons eu des informations supplémentaires. Notre compréhension  des perceptions anciennes du cosmos n’a pas changé. Ce débat est le résultat du fait que certains chrétiens croient que les descriptions bibliques du cosmos doivent être compatibles à un niveau scientifique avec ce que nous connaissons aujourd’hui.

La Genèse et la science moderne ne sont ni des ennemies ni des amies, mais deux manières différentes de décrire le monde selon les moyens disponibles aux personnes vivant à des époques différentes. Insister pour que la description du ciel de Genèse 1 soit obligatoirement conforme à la science contemporaine est un gros problème théologique. Il est important de reconnaître que Dieu s’adresse toujours aux gens d’une manière qu’ils peuvent comprendre. Dans le monde antique, les gens avaient certaines convictions à propos du monde qui les entourait. La Genèse est aussi le reflet de cette façon de voir. Si nous gardons ceci bien en mémoire, le conflit s’évapore de lui-même.

Résumons les principaux arguments avancés pour lesquels les spécialistes contemporains de la Bible pensent que le raqia est une structure solide :

  •  Les cosmologies des autres peuples anciens (égyptiens, babyloniens) décrivent aussi le ciel comme un dôme solide. L’explication la plus naturelle du mot raqia est que celui reflète également cette compréhension.
  •  A peu près toutes les descriptions du raqia de l’antiquité à la Renaissance le décrivent comme solide. Le contraire est donc une nouveauté.
  • Selon l’histoire du déluge dans Genèse 7 :11 et 8 :2, les eaux d’en haut étaient retenues pour être déversées au travers des « écluses des cieux » (littéralement des « fenêtres à treillis ».)
  •  D’autres passages de l’Ancien Testament sont cohérents avec un raqia solide (Ezéchiel 1 :22 ; Job 37 :18 ; Psaumes 148 :4)
  •  Selon Genèse 1 :20, les oiseaux volent devant le raqia (dans l’air), pas dans le raqia.
  •  Le nom raqia est dérivé d’un verbe signifiant frapper, marteler du métal pour en faire des plats fins (Exode 39 :3). Cela suggère que le nom associé est probablement relié à quelque chose de solide.
  •   Parler du ciel comme étant étalé comme une tente ou une canopée (Esaïe 40 :22) ou dire qu’il sera roulé comme un manteau (34 :4) sont encore des indications qui vont à l’encontre d’un raqia de Genèse 1 qui ne serait pas solide.

La nature solide du raqia est donc bien établie. Il ne s’agit pas d’une conspiration anti-chrétienne pour trouver des erreurs dans la Bible, mais le résultat « solide » de spécialistes faisant leur travail. Cela ne signifie pas qu’il ne puisse pas y avoir de discussion ou de débat. Cependant, introduire une nouvelle interprétation du raqia demanderait de nouvelles preuves ou au moins une remise en question des preuves à notre disposition qui ont été jugées convaincantes à ceux qui n’avaient aucun intérêt religieux particulier à choisir une traduction plutôt qu’une autre.

Il existe une autre approche pour tenter de réconcilier la Genèse et la science moderne. Dans cette approche, on fait la distinction entre ce que les auteurs anciens décrivaient et ce qu’ils pensaient effectivement. On appelle parfois ce point de vue « phénoménologique ». On reconnaît que le raqia de Genèse 1 est solide, mais les Israélites décrivaient simplement ce qu’ils voyaient sans forcément croire que ce qu’ils percevaient était  bien réel ?

Des figures de style modernes sont souvent invoquées pour soutenir cette argumentation. Par exemple, lorsque nous disons « le soleil se lève », nous décrivons ce que nous percevons sans qu’aucun d’entre nous ne croient véritablement que le soleil se lève. Nous savons que ce n’est pas le cas, mais nous en parlons comme si c’était le cas. Les Israélites auraient donc probablement décrit ce qu’ils voyaient dans le ciel, sans toutefois croire véritablement à ce qu’ils disaient.

Faire la distinction entre ce que dit un texte ancien et ce qu’on suppose que les gens en pensaient vraiment est difficilement justifiable. La seule justification d’un tel argument est la supposition a priori que la description biblique du ciel ne peut pas être en contradiction avec les observations modernes.

Mais cette logique devient rapidement intenable, même dans Genèse 1. Par exemple, devrions-nous dire que les Israélites en savaient vraiment davantage pour penser que la Lune était un « petit luminaire pour gouverner la nuit » (v. 16), correspondant au soleil « le grand luminaire pour gouverner le jour » ? Est-ce qu’ils regardaient en l’air et se disaient : « Eh bien, il semble que la lune soit un luminaire qui donne moins de lumière que le soleil, mais un autre phénomène est certainement à l’origine de cette différence. Appelons simplement la lune un « petit luminaire » sans nous prononcer davantage sur cette réalité.

Il n’est pas raisonnable de croire que Genèse 1 décrive volontairement seulement ce que les Israélites percevaient, tout en rejetant toute considération sur ce qu’ils pensaient être vrai de cette réalité. La signification de raqia est probablement une description non seulement de ce que les Israélites voyaient mais aussi de ce qu’ils pensaient exister vraiment. Ils étaient en bonne compagnie, car leur compréhension de ce qui était « là haut » était en harmonie avec ce que les peuples anciens croyaient généralement. Dieu a parlé aux Israélites d’une façon qu’ils pouvaient comprendre.

Les arguments contre la solidité du raqia ne peuvent être avancés qu’en nageant à contre courant des connaissances que nous avons du monde ancien. Mais le problème n’est pas que dans les arguments en eux-mêmes. Il est dans le fait que ces arguments sont avancés en premier lieu. Ressentir ce besoin d’avancer ces arguments, c’est demander à la Genèse d’être impliquée dans une discussion qui ne la concerne pas.

Il est important de savoir ce que nous sommes en droit d’attendre de la Genèse. C’est là un point central pour progresser dans la conversation entre la science et la foi. C’est une attente illégitime que s’attendre à ce que la Genèse contribue à des débats brûlants à propos de choses telles que la description du cosmos dans la Genèse.

Le débat à propos de la nature du raqia n’est pas un problème majeur. C’est le symptôme d’une divergence plus fondamentale et plus profonde à propos de ce qu’est la Genèse, de sa signification véritable. C’est à ce niveau là que la discussion vraiment importante doit se situer.


En vidéo

Interprétations non conflictuelles de Genèse 1 avec la science
Dieu a-t-il révélé la science dans la Bible ?
La science conduit-elle forcément à l’athéisme ?

Pour en savoir plus:

Un article de Paul Seely (en anglais) à propos du raqia :

http://faculty.gordon.edu/hu/bi/Ted_Hildebrandt/OTeSources/01-Genesis/Text/Articles-Books/Seely-Firmament-WTJ.pdf