Johannes Kepler 

Faraday Paper 21

Dans l’esprit de beaucoup, les relations entre la religion et la science moderne pourraient se résumer à l’affaire Galilée et au procès du singe de 1925 aux Etats-Unis  opposant la théorie darwinienne  de l’évolution aux fondamentalistes américains rompus à une lecture littérale de la Bible.  Or l’histoire est éminemment plus complexe, et plusieurs historiens et philosophes des sciences se sont penchés sur une question importante liée à l’histoire de la science moderne, c’est celle de son avènement même.

Quelles ont été les conditions qui ont favorisé son éclosion ? Pourquoi-celle-ci s’est développée en Europe au XVI-XVIIe siècle et pas ailleurs, en Chine par exemple alors qu’elle disposait déjà d’innombrables innovations technologiques ?[1] Des sociologues se sont également invités dans ces discussions. Il n’y a pas à ce jour de consensus à ce sujet.

Ce qui semble réunir un grand nombre d’avis est le fait de reconnaitre la coïncidence de l’avènement de la science moderne avec le renouveau religieux qui a suivi le concile de Trente au XVIe siècle.

L’apparition de la science moderne coïncide effectivement avec l’apogée du renouveau religieux post-tridentin[2]

Cependant, selon les analystes, les avis divergent sur l’influence réelle qu’auraient pu exercer les idées religieuses sur l’émergence de la science expérimentale.

Pour l’historien Georges Minois qui vient d’être cité par exemple,

Il fallait bien que la science moderne naquît quelque part; si elle vint au monde dans l’Europe chrétienne, c’est parce que la technique et les mathématiques y étaient plus avancées qu’ailleurs.

Dans son ouvrage, il s’attache à montrer les rapports difficiles entre l’Eglise et la science, bien qu’il rende justice aux efforts de certains acteurs majeurs de l’Eglise catholique, il affirme qu’à partir de la 2e moitié du XVIIe siècle, c’est en pays protestant que la science va se développer à pas de géant (Newton, Halley, Boyle, Leibniz…)[3]

Reste à voir si cette analyse, malgré les contestations de G. Minois n’est pas compatible avec d’autres propositions. En effet plusieurs ont suggéré que la doctrine de la création, la manière de penser les lois de la nature ont eu un impact important sur l’accompagnement de la mutation scientifique vers son ère moderne. Ainsi, comme vous pourrez le lire sous la plume de Peter Harrison dans son article La religion et l’avènement de la science, il faut s’éloigner du stéréotype qui voudrait voir la religion et la science comme deux ennemis historiques, pour l’auteur,  il y a fort à penser aujourd’hui pour que

la science s’appuie tacitement sur des présupposés religieux implicites et fonctionne sur une légitimité lui ayant été initialement conférée par la théologie

La religion et l’avènement de la science

Faraday paper 21 du Faraday Institute for Science and Religion

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A propos de  l’auteur

Peter Harrison est professeur chargé de recherche et directeur de l’Institute for Advanced Studies in the Humanities de l’Université du Queensland. Il était auparavant professeur de sciences et de religions à Idreos et directeur du Ian Ramsey Centre à l’Université d’Oxford. Il travaille dans le domaine de l’histoire intellectuelle et s’intéresse particulièrement aux relations historiques et contemporaines entre la science et la religion.

Merci à Elodie Meribault pour la traduction.

Pour aller plus loin

Origines science moderneEglise et science

  • Rémi Sentis, Docteur ès Sciences, directeur de recherche émérite,  propose une thèse assez semblable à celle de l’article de Peter Harrison et reprend les travaux de différents historiens et philosophes des science. J’aurai le plaisir de  l’interviewer à ce sujet à l’occasion de mon stage pratique en théologie que j’effectuerai chez Campus protestant en novembre prochain.
  • Georges Minois, historien, refuse de voir une influence des idées religieuses sur l’avènement de la science moderne, bien qu’il  s’accorde sur la coïncidence de la période. Il insiste plutôt sur le rôle de frein qu’à joué l’Eglise catholique jusqu’au début du XXe siècle dans ses instances officielles et veut voir les critères des scientifiques croyants ailleurs. Il n’évoque que de loin le protestantisme dans sa conclusion.

Cela montre les débats qui existent pour interpréter les faits historiques et notamment en histoire et philosophie des sciences.  En tant qu’individu et non spécialiste, il est très difficile de juger ces faits en faisant abstraction de la distance qui nous en sépare, du contexte qui est le nôtre, voire de nos expériences personnelles, à savoir notre rapport à la science et à la religion. Les articles pourront éveiller notre curiosité, mais il faudra certainement aller puiser dans les sources (notes) pour pouvoir aller plus loin dans notre enquête. C’est l’intérêt des ouvrages cités en annexe car les sources de l’article sont pour  la plupart en langue anglaise.

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Notes

[1] Question qu’aborde Rémi Sentis dans son ouvrage Aux origines de la science moderne, l’Eglise est-elle contre la science, Cerf, 2020.

[2] Georges Minois, L’Eglise et la science : Histoire d’un malentendu. De saint Augustin à Galilée, Fayard. Édition du Kindle, empl 8590.

[3] Ibid. empl 8607.