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La foi est-elle naturelle ?


Reprenons là où nous l’avons laissée l’analyse des sciences cognitives des religions (SCR) faite par Justin Barrett, spécialiste de cette discipline académique récente à l’Université d’Oxford.

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Justin Barrett

Voir ici sa fiche Wikipédia.

 

« Je crois qu’il y a des points de concordance et de convergence intéressants que l’on mentionne rarement entre le Christianisme et les SCR. Je n’en mentionnerai que quelques-uns ici.

Le « réalisme humble »

Malgré quelques rares exceptions, les penseurs chrétiens ont la plupart du temps été réalistes dans leur métaphysique : il y a un monde réel-incluant Dieu- et on peut dire certaines choses de cette réalité. La doctrine de la création, soulignant que les hommes sont des créatures et non des dieux, mais des créatures très particulières, avec la capacité de chercher et de rassembler des vérités à propos de leur monde- et la doctrine de la chute- le fait que les capacités rationnelles de l’homme sont affectées par le péché- a conduit beaucoup de chrétiens à adopter un « réalisme humble » : il y a bien un monde dont nous faisons partie, et nous pouvons savoir des choses, mais l’une des choses que nous savons est que nous sommes limités. Donc notre recherche de la vérité doit être vérifiée, revérifiée, avec les autres et avec la révélation divine.

D’une façon parallèle, la science moderne affirme la réalité du monde et de la connaissance, mais agit de manière à vérifier et corriger systématiquement les erreurs humaines. La science est une activité « répartie socialement »- c’est l’activité d’une communauté- parce que la répartition des tâches réduit le risque d’erreur individuelle.

Dans un sens, les présupposés de la science moderne concernant la connaissance humaine rejoignent les opinions chrétiennes communes concernant la connaissance humaine.

La contingence de la création et la volonté divine

Les chrétiens affirment aussi que le cosmos a été créé par la volonté divine et est contingent, comportant des lois et des caractéristiques qui auraient pu être tout autres. Donc il n’est pas possible d’atteindre des vérités prouvées sur le monde uniquement par réflexion et déduction. Les preuves empiriques, l’expérience, sont nécessaires pour apprendre et connaître dans une perspective chrétienne. De même, la science moderne est basée sur l’observation et pas juste l’analyse.

Le « nativisme tempéré »

Il me semble que la foi chrétienne affirme une certaine vision de l’homme qui est quelque part entre l’idée empirique que nous sommes une feuille blanche qui peut devenir n’importe quoi en réponse à notre expérience, et l’idée « nativiste » qui affirme que notre caractère est fixé d’avance. J’appellerai cette position un « nativisme tempéré ». L’anthropologie chrétienne reconnait typiquement que les hommes ont certaines capacités qui les mettent à part des autres espèces pour un rôle et un but spécial. Il y a des raisons bibliques pour croire que nous avons un appel divin et que chaque homme a une identité individuelle. Mais la théologie chrétienne souligne aussi la flexibilité des hommes à transcender leur état naturel, leur croissance et leur développement.

Dans la même idée, la SCR tire des sciences psychologiques l’emphase sur le fait que l’homme est distinct des animaux, avec un regard nativiste modeste en ce qui concerne le développement : certains traits vont apparaître naturellement simplement dans le fait d’être des hommes vivant dans un environnement humain ; certaines façons de penser et de se comporter sont plus naturellement humaines que d’autres, et même une intervention sociale ne réussira pas à modifier ces tendances. Ces tendances naturelles encouragent des façons de penser et d’agir qui exprime la foi religieuse.

 

J’ai discuté des suppositions « métathéoriques », mais en ce qui concerne les découvertes, la SCR et le christianisme convergent également.

Pour certains, le fait d’être une personne religieuse ou pas pourrait être un héritage biologique seulement, ou bien le fruit d’une révélation spéciale ou d’une sélection spéciale seulement, ou bien encore un conditionnement culturel seulement. La SCR et le christianisme rejettent ces trois options. Beaucoup dans la SCR disent que la plupart des hommes ont des prédispositions naturelles qui dans des circonstances normales les conduiront à la croyance religieuse, mais que les particularités de ces croyances dépendront de chaque individu ainsi que du milieu culturel. Il semble que le christianisme rejoigne ces notions en mettant l’accent sur la grâce commune et aussi la révélation spéciale ainsi que la valeur de l’Ecriture et la contribution de la communauté au développement de la foi.

La foi est naturelle, mais elle n’est pas fixée ou prédéterminée à l’avance chez l’être humain.

Pour moi, il n’y a pas de nécessité d’un conflit entre la SCR et le christianisme, mais plutôt une concordance. Pourtant, la possibilité de coexistence ne motive pas forcément une relation de travail étroite. Pourquoi les chrétiens devraient-ils s’y invertir ? Je conclurai mon propos en donnant simplement quelques raisons pour lesquelles je crois que ce devrait être le cas d’une façon mature. »

 


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