L’article original peut être consulté sur le site de la fondation BioLogos

 

NOTE DE L’ÉDITEUR : à Biologos, un de nos buts premiers est d’accueillir et présenter les discussions bienveillantes et réfléchies sur des questions controversées auxquelles l’Église est confrontée. Une de ces questions touche à l’autorité biblique. Que signifie le fait que la Bible soit la Parole inspirée de Dieu ? Comment cette conviction devrait-elle être exprimée et défendue ? Cet article fait partie d’un débat que Biologos a engagé sur ce sujet.

 

« Croyez-vous que la Bible comporte des erreurs ? »

Ce type de question m’est souvent adressé par des chrétiens qui souhaitent savoir si, comme eux, j’ai foi dans la véracité de l’Écriture. Il s’agit là d’une foi essentielle, partagée par la majorité des chrétiens, et ce pour des raisons valables.

Premièrement, la Bible vient de Dieu et nous ne nous attendons pas à ce que Dieu proclame un message erroné. Deuxièmement, sans une telle conviction, il serait difficile de faire confiance à la Bible en tant que source de nos convictions théologiques.

Cependant, toute personne qui veut prendre la Bible au sérieux doit trouver un langage qui rend compte de sa véracité et de sa fiabilité, et doit comprendre comment appliquer ce langage à la Bible d’une façon cohérente – il s’agit d’un défi de taille. Qu’est-ce qui pourrait constituer une erreur ? Y-a-t-il des erreurs qui importent peu ? Y-a-t-il en la matière une échelle d’importance ?

Différentes traditions ont choisi des voies distinctes pour exprimer cette doctrine. Certaines parlent de la Bible comme d’un guide infaillible de la vérité ; d’autres se chamaillent pour savoir si la Bible est la vérité ou contient la vérité.

 

Qu’est-ce que l’infaillibilité de la Bible ?

D’autres, comme moi, emploient le mot « infaillibilité » pour rendre compte de leur conviction. Je fais partie d’une tradition évangélique fortement influencée par la déclaration de Chicago sur l’infaillibilité, déclaration rédigée par un groupe de spécialistes dans les années 1970 afin de fournir aux chrétiens un langage pour exprimer leur foi dans la vérité biblique. Cette déclaration est devenue un modèle de référence, même pour ceux qui ne l’approuvent pas en tous points. C’est à ce stade que la discussion s’engage, même si elle ne s’arrête pas là. Voici quelques formules clés que l’introduction à cette déclaration utilise pour définir « l’infaillibilité » :

Extrait de l’article II : « L’Écriture Sainte, qui est la Parole même de Dieu, écrite par des hommes préparés et contrôlés par son Esprit, est d’une autorité divine infaillible dans tous les sujets auxquels elle touche : conformément à l’instruction de Dieu, elle doit être crue en tout ce qu’elle affirme ; obéie comme à un commandement de Dieu en tout ce qu’elle demande ; accueillie comme l’engagement de Dieu en tout ce qu’elle promet. »

Extrait de l’article IV : « Étant intégralement et verbalement le don de Dieu, l’Écriture est sans erreur ni faute dans tout son enseignement, tout autant à propos de son affirmation des actions de Dieu dans la création, des événements de l’histoire du monde et de sa propre origine littéraire sous l’égide de Dieu, qu’à propos de son témoignage de la grâce salvatrice de Dieu dans les vies individuelles. »

Dans ces extraits, l’infaillibilité est définie comme une caractéristique propre à ce que la Bible soutient dans tout de son enseignement. De nombreuses personnes, chrétiennes et non chrétiennes, semblent concevoir l’infaillibilité de telle sorte que tout ce qu’elles lisent dans la Bible devrait être dépourvu d’erreurs et conforme à ce que son contenu donne à voir au premier coup d’œil. Mais comprendre ce que la Bible affirme requiert une démarche attentive d’interprétation. L’infaillibilité ne nous dit pas, elle-même, ce que la Bible atteste vraiment. Elle indique seulement que, quel que soit ce que la Bible affirme, cela est entièrement vrai et exempt d’erreurs.

 

Quel est le rôle du contexte dans lequel la Bible a été écrite ?

Depuis les premières discussions théologiques sur la nature de l’Écriture dans les premiers siècles de l’histoire de l’Église et tout au long de la Réforme engagée dans les temps modernes, les théologiens ont reconnu le besoin de distinguer le message infaillible de l’Écriture et le caractère limité du contexte culturel humain dans lequel l’Écriture fut rédigée. Ce paramètre est souvent appelé « accommodation ».

Considérons par exemple le Psaume 16.7b qui, s’il est traduit littéralement, s’énonce ainsi : « Mes reins m’instruisent pendant la nuit ». Tous les anciens croyaient que l’ensemble des processus cognitifs avait pour sièges le cœur, le foie, les reins et d’autres organes internes (ils ne connaissaient pas la physiologie du cerveau). Il apparaît que le psalmiste n’avait aucune connaissance poussée de la manière dont la cognition fonctionne à un niveau scientifique. La Bible est-elle pour autant dans l’erreur ? Non, parce que ce passage n’essaie pas de montrer comment le corps humain fonctionne. Il n’entérine pas un point de vue d’ordre physiologique. Le Saint-Esprit adapta le message divin de la fidélité de Dieu au vocabulaire culturel de l’époque de David.

Cet exemple n’est pas isolé. Dans toute la Bible, nous trouvons une adaptation constante à la manière de penser des hommes de l’ancien monde. Dans le domaine de la science, la Bible n’énonce rien qui va au-delà de l’entendement ou de la foi des personnes de l’ancien monde. Celles-ci croyaient en un univers géocentrique avec une Terre plate en son centre, et c’est en ces termes que la Bible s’exprime. La Bible ne décrète pas pour autant que la Terre possède cette géographie cosmique.

Les déclarations de la Bible sur le monde naturel relèvent de la notion d’agent, à savoir le fait que Dieu est l’agent de la création à tous les niveaux et de toutes les manières. Tout a été créé par lui. À contrario, la science ne peut pas se prévaloir d’être un agent. Ses allégations concernent les mécanismes à l’œuvre, domaine dans lequel la Bible ne s’avance pas. Si la Bible ne fait pas d’affirmations contraires à celles de la science, elle est alors compatible avec la science. Si la Bible est compatible avec la science, les réserves émises sur les idées scientifiques modernes devraient être fondées sur une critique de la science et non sur une contradiction inhérente à l’Écriture. Les déclarations de l’Écriture ne peuvent être jugées comme véridiques ou erronées à l’aune des outils de la science, utilisés isolément.

 

Comparer la Bible aux découvertes de la science ?

Il est fréquent que les chrétiens croisent les affirmations bibliques et celles de la science. Certains estiment que, pour honorer l’infaillibilité de la Bible, ils se doivent de la lire d’une manière littérale. Cette lecture « littérale » les conduit à conclure que la Bible enseigne un déluge global et une jeune terre ; et, si tel est le cas, les déclarations bibliques sont en conflit avec celles avancées par la science dominante. L’écueil potentiel de ce raisonnement tient au fait que de telles conclusions ne sont tirées qu’à partir d’interprétations particulières de passages bibliques. Ces interprétations ne correspondent pas à des déclarations irréfutables du texte biblique lui-même et, par conséquent, elles ne peuvent revendiquer l’appui de l’argument d’infaillibilité. Le principe d’accommodation propre au texte biblique ne doit pas être tenu comme une erreur.

D’autres croient que les auteurs bibliques firent des « prophéties » divinement inspirées sur les découvertes futures de la science et que, par conséquent, l’autorité biblique s’étend à ces domaines. Dans ce cas, l’affirmation traditionnelle selon laquelle Dieu étend les cieux peut être interprétée comme une révélation surnaturelle du concept moderne de l’expansion de l’univers. Ceux qui établissent une telle interprétation savent bien que l’auteur biblique ne pouvait pas consciemment raisonner ainsi, mais ils soutiennent cette idée en invoquant l’œuvre anticipée du Saint-Esprit qui transcende les intentions de l’auteur humain. Quels que soient les mérites d’une telle approche, ces « prophéties » ne peuvent pas être interprétées comme des affirmations infaillibles de l’Écriture. Quand les positions scientifiques changent, ces commentateurs doivent alors modifier leurs interprétations.

 

Bible ou tradition ?

Les chrétiens doivent également être attentifs à établir une distinction entre les traditions théologiques et les déclarations clairement bibliques. Un bon exemple se trouve dans l’affirmation, prêtée à la Bible, selon laquelle les humains furent créés immortels et devinrent mortels après la chute. Bien que de nombreux chrétiens le croient, il est difficile d’étayer ce point de vue en prenant appui sur la Bible. Dans Romains 5.12, Paul indique que les hommes sont soumis à la mort à cause du péché. Cependant, l’existence d’un arbre de vie dans le jardin, dont Paul est bien conscient, laisse entendre que les humains étaient déjà mortels et avaient besoin d’un remède. Il est donc vraisemblable que, dans Romains 5, Paul remarque simplement ceci :  puisque le péché provoqua la perte du remède (arbre de vie), nous sommes sujets à la mort à cause du péché. Que l’on accepte ou pas cette interprétation de Romains 5.10, le fait est que la Bible ne dit pas clairement et explicitement que les hommes aient été créés immortels. Il s’agit plutôt d’une tradition théologique. Et dans les cas où la Bible n’enseigne pas une chose clairement, nous ne devrions pas corréler l’autorité de la Bible à la vérité de cette tradition.

 

Le principe d’accommodation  en matière d’interprétation biblique

L’infaillibilité est liée à l’intention de l’écrivain humain et il doit en être ainsi. Dieu œuvra à travers les auteurs humains et les investit de son autorité. Mais leurs affirmations doivent être appréhendées en gardant à l’esprit le principe d’accommodation, car Dieu n’améliora pas leur niveau de science afin de les utiliser comme son porte-parole en la matière. D’autre part, les intentions des auteurs prennent forme dans le contexte de leur culture et s’appuient sur un langage dont le niveau de compréhension était le leur et celui de leur auditoire. Cette approche interprétative est essentielle pour comprendre les affirmations de la Bible, qui sont infaillibles et font autorité.