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Barth et l'évolution


 

En interrompant provisoirement notre série d’articles concernant l’inerrance biblique en matière de science et d’histoire, évoquons la façon dont beaucoup de théologiens interprètent ou ont interprété le récit de la Genèse, comment ils ont envisagé le rapport de ces textes à l’histoire.

Karl Barth est un théologien assez peu connu du grand public  évangélique. C’est un des théologiens protestants les plus influents du XXème siècle, qui s’est notamment opposé au « libéralisme » théologique, même s’il ne faisait pas partie de la communauté évangélique.

Dans un premier article, nous évoquerons la façon dont Barth concevait le genre « saga » de Genèse 1-11, ni mythe, ni histoire au sens moderne. Il est en cela proche de l’analyse du théologien évangélique Denis Lamoureux bien connu des lecteurs de ce site, ou de Paul Seely.

Pour Barth, les récits bibliques de la création ne sont ni de la mythologie, ni de la littérature scientifique, ils sont du genre « saga » qu’il définit comme une « réalité pré-historique de l’histoire. » Qualifier les histoires bibliques de saga signifie qu’ils sont basés sur des événements réels de l’histoire, et qu’il s’est réellement passé quelque chose, et donc le terme de « mythe » ou de « légende » n’est pas vraiment adapté (ou tout au moins source de confusion, étant l’usage courant de ces termes). Pourtant, la proto-histoire dans Genèse 1-11 est différente de l’histoire moderne et ne nous communique pas des faits bruts vérifiables qui pourraient être utilisés pour établir l’âge de la Terre, son passé géologique ou pour réfuter des théories scientifiques établies comme les origines évolutives de l’homme ou des autres animaux.

Voici la définition du genre « saga » :

J’utilise le mot « saga » dans le sens d’une image intuitive et poétique d’une réalité pré-historique de l’histoire qui est placée une fois pour toute dans le temps et dans l’espace à un moment donné, dans un endroit donné. Les légendes et les anecdotes doivent être considérées comme des formes dégénérées du genre « saga » : la légende est une évocation dans la forme d’une saga d’une personnalité individuelle concrète, et l’anecdote comme l’illumination dans la forme de la saga d’une personnalité ou d’une situation historique concrète. Si le concept de mythe est inadéquat- comme il faut encore le montrer- il est évident que le seul concept permettant de décrire l’histoire biblique de la création est la saga.

Selon Barth, les histoires babyloniennes de création comme Enûma Eliš sont aussi du genre saga, et partagent une « connexion critique » avec la Genèse.  La Genèse avait une certaine forme de dépendance vis à vis  de ces histoires, même si la nature directe ou indirecte de cette relation est incertaine. Les histoires babyloniennes de création sont antérieures à la Genèse, mais la Genèse partage la même cosmologie du Proche Orient Ancien (POA). Cela signifie que la Genèse est née du POA et qu’elle adaptait les histoires de création au vocabulaire culturel de l’époque. Toutefois, nous ne partageons plus la cosmologie du POA, il nous faut donc « démythologiser » la Genèse pour la comprendre, ce qui veut dire que nous ne devons pas utiliser la Genèse comme une cosmologie scientifique moderne ou comme des sciences naturelles. Cette perspective est très proche d’interprétations non concordistes récentes comme celle de John Walton, auteur du monde perdu de Genèse 1.

Nous lisons en Genèse 1 et 2 d’authentiques histoires de la création. Si ce texte est en lien avec des mythes babyloniens ou leurs sources plus anciennes, c’est pour les critiquer. Tout est si différent que nous ne pouvons qu’y voir une caricature juive complète des textes babyloniens, ou dans les textes babyloniens une caricature totale des textes juifs, selon le point de vue adopté.

Barth affirme que la Parole de Dieu partage le même genre « saga » que les récits babyloniens, mais ces récits antiques ne révèlent pas la Parole de Dieu comme le fait la Bible.

Dans un prochain article, nous évoquerons la figure d’Adam qui pour Barth est chacun d’entre nous.

Cet article est librement traduit et adapté d’un article de Wyatt Houst paru sur le site de la fondation BioLogos.

 

 

Crédit illustration : http://fr.123rf.com/profile_sedmak


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