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C’est Jules César qu’a tué Napoléon

Et si vous n’êtes pas d’accord, c’est que l’histoire officielle vous a lavé le cerveau.

Agaçant, non ?

Voyons donc pourquoi c’est agaçant. Pour commencer, ça n’agacerait pas tout le monde. Cette phrase laisserait par exemple de marbre un enfant de 5 ans. Sauf précocité extrême, il n’a aucune idée de l’histoire du monde et peut tout à fait gober sans sourciller que Jules César a tué Napoléon. Idem pour l’indien Yanomami d’Amérique du Sud qui n’a sans doute pas beaucoup d’idées sur l’histoire de l’Europe. Le même Indien rigolerait bien en revanche en me voyant confondre deux oiseaux ou deux plantes qui sont pour lui comme le jour et la nuit.

Autre exemple, que je copie/colle de la conclusion d’un article récent sur la « cosmologie » du créationniste jeune terre (CJT) Russel Humphreys : Imaginez que Google Maps n’existe pas et que je dise qu’à Madrid, la rue du Général Moscardo a changé de nom et s’appelle maintenant rue de l’Aviateur Zorita. Vous me croiriez sur parole. Pourtant, ceux qui connaissent mon quartier sauraient bien que je dis n’importe quoi. La rue du Général Moscardo a certes changé de nom, mais elle ne s’appelle pas du tout désormais rue de l’Aviateur Zorita. Mais comme 99,99% de mes lecteurs ne savent probablement rien de mon quartier Madrilène, mon erreur passerait sûrement inaperçue. Les 0,01% restant s’exclameraient en revanche, « mais qu’est-ce qu’il raconte l’Antoine ? ».

 

Certitude vs vérité

Où veux-je en venir ? Certaines assertions sont clairement vraies ou fausses, mais il faut être un tantinet « initié » pour s’en rendre compte. Quelques connaissances d’histoire suffisent pour savoir que César n’a pas tué Napoléon (tout le monde sait que c’est le Général de Gaulle). Quelques connaissances Madrilènes suffisent pour savoir, sans l’ombre d’un doute, que la rue du Général Moscardo ne s’appelle pas désormais rue de l’Aviateur Zorita. Et quelques connaissances de Relativité Générale suffisent pour savoir que la métrique de Minkowski n’est pas la FLRW, qui n’est pas celle de Schwarzschild, et que le temps et la lumière de s’arrêtent pas quand le coefficient de dt2 dans une métrique change de signe (comme le prétend notre ami CJT).

Seulement voilà, si l’immense majorité des adultes connait assez l’histoire pour hausser les épaules, ou appeler un médecin, en entendant quelqu’un prétendre que Jules César a tué Napoléon, peu en savent assez sur mon quartier Madrilène pour détecter mon erreur dans le nom des rues, et peu connaissent suffisamment la Relativité Générale pour détecter les énormités proférées par notre ami CJT.

 

Impact sur le témoignage chrétien

Quelle leçon tirer de tout cela ? Soyons prudents quand nous défendons la foi avec la science. Entraîné par le zèle apologétique, il est très facile de se retrouver en train de dire que Jules César a tué Napoléon. Il y a 1600 ans déjà, Augustin mettait en garde contre la même erreur,

 

Rien ne serait plus honteux, plus déplorable et plus dangereux que la situation d’un chrétien, qui traitant de ces matières, devant les infidèles, comme s’il leur exposait les vérités chrétiennes, débiterait tant d’absurdités, qu’en le voyant avancer des erreurs grosses comme des montagnes, ils pourraient à peine s’empêcher de rire… Comment en effet, après avoir vu un chrétien se tromper sur des vérités qui leur sont familières, et attribuer à nos saints Livres ses fausses opinions, comment, dis-je, pourraient-ils embrasser, sur l’autorité de ces mêmes livres, les dogmes de la résurrection des corps, de la vie éternelle, du royaume des cieux, quand ils s’imaginent y découvrir des erreurs sur des vérités démontrées par le raisonnement et l’expérience ? On ne saurait dire l’embarras et le chagrin où ces téméraires ergoteurs jettent les chrétiens éclairés.

Augustin, De la Genèse au sens littéral, Livre I, 19.39 (an 383).