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Aujourd’hui, le 25 décembre est sans aucun doute dans le monde une des dates les plus festives. Pour beaucoup, ce jour est synonyme de fête, de cadeaux, de repas en famille. Mais pour d’autres, il est aussi l’occasion de controverses. En effet, même si cela est parfois oublié, cette fête est à l’origine une commémoration religieuse, puisque les chrétiens célèbrent la naissance de Jésus de Nazareth.

 

L’origine de Noël

Mais est-ce vraiment là l’origine de cette fête ? A chaque fois que nous approchons du 25 décembre, il ne manque pas en effet de personnes pour faire remarquer que cette date correspondait, ou correspondrait, à d’anciennes solennités païennes, l’exemple le plus connu étant la naissance de Sol Invictus.

La question qui se pose est donc de savoir si cette date de Noël représente réellement la naissance du Christ ou si elle a été choisie pour d’autres motifs ?

Trois hypothèses peuvent être retenues :

  1. Les chrétiens ont choisi cette date car ils pensaient qu’elle correspondait réellement à la naissance de Jésus. Notons bien que cette hypothèse n’implique pas qu’ils aient eu raison.
  2. Les chrétiens ont choisi cette date pour des raisons symboliques, liées à des considérations astronomiques traditionnelles (« solstice d’hiver » qui tombe fin décembre)
  3. Les chrétiens ont choisi cette date pour remplacer une ancienne fête païenne

 

Fête païenne ou fête chrétienne ?

Dans ce cas-là, une question complémentaire se pose : cette fête est-elle réellement chrétienne ? Dans ce premier article, je n’aborderai que la question sous l’angle historique. Jésus est-il né un 25 décembre ? Dans un second article, disponible sur mon blog personnel, je proposerai quelques réflexions sur le versant théologique.

 

Les données des évangiles

Les évangiles ne nous donnent aucune information précise sur le jour de la naissance de Jésus, ni même sur le mois. Il y a bien des éléments internes qui permettraient une éventuelle datation, mais ils nécessitent, pour être interprétés, des connaissances que nous n’avons pas. Il n’est cependant pas exclu qu’une éventuelle découverte archéologique puisse apporter des informations complémentaires.

 

Les premiers Pères de l’Église

Si nous passons aux Pères de l’Église, nous pouvons constater que, durant les premiers siècles, cette question ne suscite pas un grand intérêt, même si certains chrétiens se la sont effectivement posée. A ce sujet, le témoignage le plus important est celui de Clément d’Alexandrie. Dans le premier livre de ses Stromates, au chapitre 21, §145-146, celui-ci présente les différentes dates qui circulaient à son époque. Après avoir évoqué l’année de naissance de Jésus, il ajoute :

Certains, avec plus de minutie encore, assignent à la naissance de Notre Sauveur non seulement une année, mais un jour : ce fut, disent-ils, l’an 28 d’Auguste, le 25e jour du mois Pachon.

Les adeptes de Basilide fêtent aussi le jour du baptême de Jésus, et passent toute la nuit précédente en lectures. Selon eux, ce fut l’an 15 de Tibère, le 15 – ou selon d’autres le 11 – du mois Tubi. En calculant de très près la date de la Passion, ils la rapportent à l’an 16 de Tibère, le 25 du mois de Phaménoth, d’autres le 25 du mois Pharmouthi. Et certains disent même qu’il est né le 25 ou le 24 Pharmouthi.

 

Ces dates, données dans l’ancien calendrier alexandrin, correspondent en fait à la fin avril ou à la fin mai. Nous sommes donc loin du 25 décembre.

 

Christianisation du temps et de l’espace

Les choses changent cependant au 4e siècle. A mesure que le christianisme progresse, les chrétiens cherchent à christianiser le temps et l’espace. Cela passe notamment par la construction de lieux saints, mais aussi le développement d’un calendrier liturgique.

La date du 25 décembre pour la fête de Noël est attestée à Rome dans les années 330. De là, elle s’étendra progressivement aux autres Églises, non sans rencontrer certaines résistances. Avant la fin du 4e siècle, elle s’impose à Antioche grâce à l’action de Jean Chrysostome et à Constantinople grâce à celle de Grégoire de Nazianze. L’Église d’Alexandrie l’adopte au début du 5e siècle, probablement dans les années 430 et celle-ci finit par s’imposer progressivement dans toutes les Églises.

Toutes ? Pas exactement, car comme le petit village gaulois d’une célèbre BD, une Église résiste toujours et encore à l’envahisseur. Cette Église, c’est l’Église arménienne qui célèbre Noël le 6 janvier. Cette date correspond en fait à l’ancienne célébration des Églises orientales, partagée aussi par certaines Églises occidentales.

Il faut aussi préciser qu’aujourd’hui un certain nombre d’autres Églises célèbrent Noël le 7 janvier, mais cela n’est pas dû à une différence de date, mais de calendrier. En effet, certaines Églises orthodoxes utilisent comme calendrier liturgique le calendrier julien, alors même que les autorités civiles utilisent le calendrier grégorien. Par conséquent, le 7 janvier de l’année civile correspond en fait au 25 décembre de l’année religieuse. C’est aussi à cause de cette différence de calendrier que la fameuse révolution russe d’octobre a en fait eu lieu … en novembre.

 

Le 25 décembre : une date historique ?

La question qui se pose est la suivante : cette date correspond-t-elle à une réalité historique ou est-elle purement symbolique ? Certains Pères considéraient sans aucun doute que Jésus était bien né un 25 décembre. Nous pouvons par exemple citer le témoignage de Jean Chrysostome ou Jérôme. Jean Chrysostome, dans une de ses homélies sur la Nativité, a même entrepris une démonstration biblique pour justifier cette date du 25 décembre. Celle-ci n’est cependant pas entièrement convaincante, mais j’y reviendrai dans un autre article.

 

Fête juive ou fête païenne ?

Toutefois, les faits que nous avons relevés précédemment nous invitent plutôt à la prudence. Si une telle date avait été connue des premiers chrétiens, on expliquerait difficilement la remarque de Clément d’Alexandrie.

Au 18e et 19e siècles, certains savants ont proposé de faire dériver la fête de Noël de la fête de Hannouca, qui est aussi célébré le 25, du mois de Kislev. Toutefois, cette hypothèse paraît aujourd’hui assez peu probable.

En revanche, on insiste aujourd’hui beaucoup plus sur le lien avec la fête de la naissance de Sol Invictus. Ce rapprochement est d’ailleurs explicitement fait par plusieurs Père, comme Ambroise et Augustin, et il est d’autant plus facile que Jésus est couramment assimilé au « Soleil de justice » dans la théologie des premiers siècles.

 

Une question plus complexe

Pour autant, la date du 25 décembre a-t-elle simplement été choisie pour remplacer la fête païenne de Sol Invictus ? Les choses sont peut-être en réalité un peu plus complexes, et ce pour trois raisons.

Premièrement, nous avons des témoignages anciens qui nous montrent l’importance du 25 mars, qui était considéré comme la date de l’Incarnation, c’est-à-dire de la conception de Jésus. Or, si on ajoute 9 mois au 25 mars, on tombe alors sur le 25 décembre. Il n’est donc pas impossible, et même plus probable, que le 25 décembre soit une conséquence du 25 mars.

Deuxièmement, l’origine et la popularité de la fête de Sol Invictus sont sujettes à caution. Nous n’avons que peu d’informations à ce sujet. Pour que Noël ait été volontairement choisi pour remplacer l’ancienne fête, il faudrait que celle-ci soit à la fois ancienne et populaire. Or, actuellement, rien ne permet réellement de le démontrer.

Enfin, ce remplacement est souvent associé à l’empereur Constantin (1) qui aurait voulu remplacer l’ancienne fête par une nouvelle pour créer une sorte de culte syncrétiste. A priori, la date d’apparition pourrait appuyer cette idée, mais une difficulté majeure se pose. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’Église de Constantinople, la capitale fondée par Constantin, n’a adopté cette date que 40 ans après la mort de Constantin. Or, on imagine mal que Constantin ait pu décider d’établir cette fête dans son Empire sans l’imposer à l’Église de sa nouvelle capitale, qui devait être la ville chrétienne par excellence.

 

Conclusion

En conclusion, nous pouvons dire que la date du 25 décembre a peu de chance d’être historique. 1 chance sur 365 pourrait-on dire. Les dates avancées par les premiers chrétiens, fin avril ou fin mai, sont d’ailleurs peut-être plus proches de la vérité.

Pour autant, contrairement à ce que l’on entend souvent, il ne semble pas que l’instauration de cette fête ait eu pour but de remplacer une ancienne fête païenne.

Au vu des données que nous possédons actuellement, il est plus probable que le choix du 25 décembre soit lié à une réflexion interne basée sur date de l’incarnation, fixée au 25 mars.

Bien entendu, certaines découvertes historiques pourront toujours confirmer ou nuancer cette hypothèse.

 


Note

 

Version vidéo de cet article

https://www.youtube.com/watch?v=2IVYLJJ6IqM

 

Bibliographie

Bonaccorsi, J. (1903). Noël. Notes d’exégèse et d’histoire. Paris : Charles Amat.

 

Cullmann, O. (1949). Noël dans l’Église ancienne. Neuchâtel & Paris : Delachaux & Niestlé.