L’actualité récente nous a démontré que l’homme peut avoir un comportement sexuel assez proche sous certains aspects de celui d’un de ses cousins biologiques : le fameux bonobo réputé pour sa sexualité « débridée ».

Hommes et bonobos sont tous deux issus d’un processus évolutif. Pour quelle raison Dieu le Créateur ne considérerait-il pas de la même façon le comportement de l’homme et celui de ces grands singes ?

 

La Bible nous apprend que l’homme est la seule créature faite à l’ « image de Dieu »  et que Dieu a inscrit dans son cœur et sa conscience une loi morale. Ainsi, toutes les sociétés reconnaissent que le bien et le mal existent (même si elles ne sont pas toujours d’accord entre elles à propos de ce qu’il faut mettre dans chaque catégorie), et elles ont construit des systèmes juridiques indispensables à leur bon fonctionnement sur cette conviction. Au fond, si Dieu n’existe pas, on ne voit pas bien sur quel fondement moral on pourrait poursuivre un homme parce qu’il exploite le genre féminin pour assouvir ses fantasmes, surtout si les dames en question sont plus ou moins « consentantes » !

 

Certains théologiens chrétiens (évangéliques en particulier) rejettent l’évolution en bloc. Penser que l’homme est issu d’un processus évolutif est inenvisageable pour eux. Ils s’attachent à une lecture littérale du texte de la création d’Adam et Eve et y voient les géniteurs de l’humanité. La plupart ont adopté la vision d’Augustin du péché originel. L’homme a été créé directement par Dieu dans un état d’innocence paradisiaque, et Adam a désobéi. A cause de lui, nous naissons avec une nature pécheresse…Pour ces croyants, les bonobos et les hommes ne sont pas des cousins, la question que je pose est donc un faux problème, voire une insulte au genre humain !

 

Cette lecture a satisfait un grand nombre de générations de chrétiens dans les siècles passés, mais elle est intellectuellement intenable aujourd’hui. La génétique a confirmé que le chimpanzé est notre cousin biologique le plus proche, les bonobos des cousins plus éloignés et que l’humanité, comme toutes les autres espèces vivantes, est le fruit de l’évolution et n’est pas issue d’un couple unique.

 

Comment alors comprendre que seule l’espèce humaine soit moralement redevable envers le Créateur ?

 

D’autres théologiens chrétiens (y compris évangéliques) ont pleinement accepté l’évolution. L’un des précurseurs dans ce domaine a été le prêtre catholique Theilhard de Chardin. Très visionnaire, voici ce qu’il écrivait :

 

« Il me paraît essentiel que les perspectives chrétiennes puissent être présentées enfin sous forme (d’une vision du monde) organisée, cohérente avec le monde moderne. Comment, sans cela, équilibrer la puissance des solutions communistes et fascistes de la Terre […] Trop de gens dans l’Eglise conservent le secret espoir que le XIXème siècle sera effacé et que nous nous retrouverons bientôt à la bonne époque d’avant la Science et la Révolution. Que cet esprit prévale et se serait le désastre final, le schisme consommé avec l’humanité. »

 

« Il est vain […] il est injuste d’opposer la science et le Christ ou de les séparer comme deux domaines étrangers l’un à l’autre. La science, seule, ne peut découvrir le Christ, mais le Christ comble les vœux qui naissent dans notre cœur à l’école de la science […] Oui je voudrais réconcilier avec Dieu ce qu’il y a de bon dans le monde moderne : ses intuitions scientifiques, ses appétits sociaux, sa critique légitime. »

 

Réalisant que la conception d’Augustin était devenue intenable à cause des découvertes de la science, il a jugé utile de réfléchir sur la signification du péché originel. Il a considéré que ce péché faisait en quelque sorte partie de l’ordre créé, un péché « coextensif à l’Histoire et l’Univers :

 

« Il y a partout dans le Monde un Péché Originel, il ne peut y être que partout et depuis toujours, depuis la première formée jusqu’à la plus lointaine  des nébuleuses. Voilà ce dont nous avertit la science. Et voilà ce que, par une pure coïncidence bien rassurante, viennent tout juste de confirmer, si nous les poussons jusqu’au bout, les exigences les plus orthodoxes de la Christologie. » (Comment je crois, Seuil, p. 222) »

 

Je souscris pleinement à la position des auteurs de Pour lire la création, l’évolution aux éditions du Cerf.

 

« Depuis bien des études théologiques de gens compétents plus ou moins influencés par les idées Theilhard de Chardin vont tenter de revisiter ce dogme du péché originel pour en comprendre le véritable sens et le rendre compréhensible à une mentalité moderne façonnée par la paléontologie. Tout en les écoutant avec respect nous préférons prendre nos distances avec cette ligne theilhardienne et les disciples qu’elle a engendrés.

 

Nous avons notre méthodologie propre […] et tenons à marquer l’importance de l’acte créateur de Dieu qui ne peut créer des êtres pécheurs et par conséquent nous ne pensons pas que l’intelligence moderne est incapable de remonter à un événement de rupture entre Dieu et les hommes du fait des hommes et non de Dieu, situé dans l’histoire réelle des débuts de l’humanité. Le nier ou l’escamoter conduit à des difficultés intellectuelles et théologiques qui nous paraissent insolubles. »

 

Et à moi aussi !

 

Cette position théologique étant prise, reste alors le plus difficile, concevoir un modèle scientifiquement plausible qui explique pourquoi l’homme peut être considéré comme responsable de son comportement moral, et pas le reste du monde animal. Ce modèle fait appel à des notions comme le comportement inné, le comportement acquis chez l’animal et chez l’homme, la psychologie évolutive, la sociobiologie, le rôle tout particulier de la culture chez l’homme et sa liberté comportementale. Là encore, les auteurs de Pour lire la création, l’évolution aux éditions du Cerf m’ont été d’une aide précieuse. J’essaierai de synthétiser leur conception des choses dans un prochain article.