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Le hasard et l’évolution ♥♥♥


Le hasard et l’évolution – Partie 3

Tout d’abord, nous devons reconnaître que la Nature délivre un message qui est ambigu sur Dieu et la manière dont il agit dans le monde1. Ceci est dû en partie au fait que nous ne comprenons que de manière partielle ce qu’est la réalité et la manière dont le monde matériel fonctionne. Par conséquent, nous sommes plutôt dans la position de proposer la meilleure explication possible avec les faits dont nous disposons ! Dans ce cadre de « meilleure explication possible », nous avons vu que le hasard joue un rôle important dans l’évolution : c’est une source d’innovation et de diversification qui génère in fine des espèces. En fonction de de nos présupposés philosophiques ou métaphysiques, nous verrons la Nature soit comme le résultat du hasard et d’une « liberté aveugle », pour citer Jacques Monod, ou nous serons peut-être invités à réviser notre conception de l’action créatrice de Dieu. Considérant la proéminence d’un hasard objectif dans  l’histoire de l’évolution de la vie, comment mettre ceci  en relation voire  adéquation avec ce que les Ecritures nous disent sur un Dieu bienveillant qui est au contrôle, alors que la notion même de hasard semble renvoyer à l’arbitraire et l’imprévisible ?

 

Pourquoi Dieu aurait-il utilisé le hasard pour créer ?

Il me semble que Dieu a donné au matériel vivant un moyen de s’adapter à un environnement qui est en perpétuel changement. L’absence de variation conduit à l’extinction. Ce qui est surprenant, c’est que même des mutations délétères, défavorables peuvent avoir un effet positif à long terme pour une espèce donnée, car elles pourront servir de substrat dans l’émergence de nouvelles propriétés, ce que montrent les expériences d’évolution expérimentale (en tube) sur des bactéries ou des levures. Le hasard est en effet un moyen très efficace d’ajustement au changement et pour explorer de nouveaux paysages adaptatifs.  Les méthodes aléatoires sont en fait couramment utilisées par les scientifiques pour tester via l’informatique un grand nombre de solutions possibles ! Mais tout ne se résume pas à une quelconque adaptation. Une tendance, qui se retrouve aussi dans la communauté scientifique, est d’interpréter toute propriété au niveau de l’ADN ou des organes, comme devant être reliée à une adaptation, et donc à une certaine utilité. En sciences  de l’évolution, un processus aléatoire qui peut ensuite interagir avec la sélection naturelle est souvent la meilleure explication possible. J’aime cette idée de ne pas réduire tout phénomène à une quelconque utilité. J’oserais même proposer de voir cette « débauche » de couleurs et de formes des créatures vivantes, comme le signe d’un Artiste formidable, dont la créativité débordante et bienveillante génère de la beauté.

 

Est-ce que cela veut dire que tout est hors de contrôle?

La liberté dont jouit la matière vivante est contrainte. Tout d’abord parce que toutes les options ne sont pas viables, certaines d’entre elles conduisent à des « culs de sacs » (les mutations létales sont éliminées par la sélection naturelle) mais aussi car le chemin évolutif lui-même est sous contrainte : il se dessine à partir des étapes précédentes et repose sur un nombre limité de gènes, réduisant l’espace des possibles. C’est ainsi que l’on interprète l’existence de convergence, c’est-à-dire le fait que des espèces aient acquis de manière indépendante  des caractères similaires: par exemple, les ailes chez les oiseaux et les chauves-souris, la forme hydrodynamique des poissons et des mammifères marins. Ce qui est intéressant dans ces cas de convergence, c’est que les chemins génétiques parcourus peuvent être différents du fait de mutations aléatoires indépendantes tout en aboutissant à des caractères similaires.

Singe cool

Pour finir, qu’en est-il de l’idée de contingence soulevée par Stephen Jay Gould, à savoir que si un événement du passé avait été différent, si nous pouvions rejouer le film de l’évolution, le résultat aurait-il été complètement différent, et donc l’évolution est-elle imprévisible par essence ? Il faut tout d’abord indiquer que cette idée ne fait pas consensus dans la communauté scientifique. Quoiqu’il en soit, je pense que l’humanité aurait émergé de toute manière (peut-être avec une forme différente !), car Dieu nous voulait, c’est-à-dire des créatures avec une conscience et la capacité d’entrer en relation avec Lui. Dans sa sagesse infinie, Dieu a créé un monde vivant qui évolue; par le hasard il a mis en place un moyen efficace d’auto-diversification et d’auto-adaptation dans un monde en perpétuel mouvement qui a permis l’émergence de l’humanité au sein de toute la diversité des espèces. Le hasard n’est pas un démiurge aveugle hors de contrôle, mais bien plutôt le moyen que Dieu a choisi pour nous créer nous et le monde splendide dans lequel nous vivons et dont nous dépendons. L’action créatrice de Dieu était intentionnelle et non accidentelle, nous ne sommes donc pas le fruit d’un hasard aveugle et sans dessein.

 

 

 


 

1 Mc Grath A E. 2011. Darwinism and the divine. Evolutionary thought and natural theology. Wiley-Blackwell.

 


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