Sciuenceetviejuin14iUn pas décisif a-t-il été franchi vers l’unification de la physique quantique et de la relativité générale ?

Bon, la publication liée à cet article date déjà d’un an, mais Science et Vie remet le couvert ce mois-ci avec un dossier très bien construit et au titre accrocheur :

AU-DELA DU REEL
Les physiciens ouvrent les portes de l’espace-temps.

La découverte

Au travers de l’égalité ER=EPR, 2 scientifiques américains Juan Maldacena et Leonard Susskind proposent de relier deux phénomènes jusque-là enfermés dans deux domaines séparés de la physique : l’intrication quantique de la physique du même nom et les trous de ver décrits par la relativité générale d’Einstein.

Une des conséquence serait une revisitation complète de notre modèle d’univers dont la trame serait en fait truffée de tunnels spatio-temporels…

Quelques détails

Avant de sombrer dans les scénarios plus ou moins tirés par les cheveux de la science-fiction et déjà bien exploités par le cinéma hollywoodien (Star Treck, Stargate, sliders) avec des extrapolations appliquées à la télépoprtation et autres voyages intergalactiques voire inter-univers, voyons ce que les physiciens avec leurs deux pieds sur terre en pensent.

Pour rappel, la physique moderne décrit de manière distincte deux mondes irréconciliables par nos équations actuelles :

  • La physique quantique dédiée au monde des particules, de l’infiniment petit et très puissante pour proposer en particulier un modèle des tout-premiers instants de l’univers
  • La relativité générale qui basée sur la gravité permet d’expliquer le comportement de notre univers à l’échelle macroscopique (formation des étoiles, galaxies, etc..)

 L’étrange physique quantique et le phénomène d’intrication

Einstein qui venait de détrôner Newton en proposant un modèle plus large de la gravité et perçant le mystère de l’espace-temps, n’était pas à l’aise avec la physique quantique régie par l’aléatoire. Tout le monde connait sa célèbre réplique « Dieu ne joue pas aux dés ! »

Dans une non moins célèbre expérience (théorique) il veut démontrer par un paradoxe l’absurdité de cette théorie promue par Niels Bohr.
Avec deux de ses étudiants,  Boris Podoslky et Nathan Rosen, il conduit avec succès une démonstration connue sous le nom de lien – ou paradoxe – EPR (des initiales des protagonistes Einstein, Podoslky, Rosen) qui décrit un phénomène étrange si on suit les équations de la physique quantique :

EPR

Par un phénomène nommé intrication, 2 particules distinctes pourraient être liées l’une à l’autre de manière à ce que même éloignées de distances incommensurables, toute action touchant l’une des particules se répercute immédiatement sur l’autre !
Or Einstein avait déjà montré que dans notre univers aucune information physique ne peut se transmettre plus vite que la vitesse de la lumière. Cela reviendrait à avoir un monde où les conséquences précèdent les causes : un sol mouillé avant qu’il pleuve par exemple.
Pour montrer les limites de la physique quantique, le grand Einstein parlera de ce lien comme un « lien fantôme à distance ».

Mais le plus étonnant est que ce phénomène d’intrication des particules est bel et bien réel ! Le français Alain Aspect en a fait la démonstration en 1982 lors d’une expérience avec du matériel indisponible à l’époque du débat Einstein / Bohr. Comment l’information se transmet-elle ?  Cela reste encore un mystère, mais ce phénomène physique est tellement réel qu’on sait maintenant l’utiliser pour transmettre de l’information cryptée via fibre optique d’une manière totalement inviolable. Certaines banques l’utilisent pour protéger des transactions critiques.

La puissante relativité générale et ses mystères liés aux trous de ver

wormzaEn poussant ses équations de la théorie de la relativité générale, Einstein et son complice Rosen, parviennent à modéliser un autre phénomène étrange baptisé pont ER puis très vite  trou de ver.

En imaginant un objet très massif tel qu’un trou noir (dont la première observation ne remonte qu’en 1971 soit presque 60 ans après l’hypothèse d’Einstein) on pourrait imaginer que la trame de l’univers soit tellement déformée qu’un tunnel se forme entre deux régions d’espace-temps différentes.
Un même objet apparaîtrait ainsi à 2 endroits différents de l’univers comme un ver aux deux extrémités d’un tunnel creusé dans une pomme !…

 

Proposition d’unification

Aucun lien n’est fait à cette époque ni pendant près de 80 ans sur ces 2 phénomènes hormis les extrapolations cinématographiques évoquées en introduction…

C’est là que la publication de Juan Maldacena et Leonard Susskind intervient en juin 2013 :

Nous avons cherché à savoir si on intriquait quantiquement 2 trous noirs, ils se connecteraient spaciotemporellement par un trou de ver

Et la réponse est oui !

ER=EPR.

En partant des équations de l’intrication quantique, ils sont parvenus à retomber sur celles régissant les trous de ver.

Seul bémol avant de crier à la révolution : ces équations ont été traitées dans le cadre d’un modèle d’univers simplifié où ce n’est pas la matière mais l’univers lui-même qui produit la gravitation et donne naissance aux trous noirs.
Il faudra donc encore patienter que divers travaux viennent corroborer cette orientation prometteuse.

D’autant plus que d’autres équipes de chercheurs en prenant le problème « à l’envers » arrivent aux mêmes conclusions, ils démontrent que l’intrication quantique de deux quarks peut aussi bien être décrite par les équations de l’intrication (physique quantique) que par celles régissant les trous de ver (relativité générale), les 2 phénomènes que l’on croyait distincts décriraient en fait une seule et même réalité !

Les conséquences de ER=EPR

La mécanique quantique par ses équations probabilistes et ses principes contre-intuitifs – comme celui de la non-localité pour n’en citer qu’un –  marque habituellement une rupture assez nette (et déstabilisante) avec les observations du monde macroscopique.  Elle prend ici une allure soudainement plus concrète.

Comme le souligne l’article de S&V : « Lintrication pourrait en effet être décrite de manière réaliste, simplement comme un tunnel spatio-temporel : un chemin dans une cinquième dimension qui relie deux points de l’univers. […] deux particules intriquées ne seraient en réalité qu’un seul grain de matière situé sur le pas d’une porte spacio-temporelle qui le fait apparaître à 2 endroits distincts ».

les implications d’une telle découverte ouvre la porte sur une nouvelle vision de notre univers :

  • Notre univers pourrait se modéliser sous une forme qui ressemble à une énorme boule de papier chiffonnée où chaque particule intriquée relierait 2 pliures éloignées de l’espace-temps par des tunnels spacio-temporels ‘Chaque particule de l’univers étant intriquée du fait de la cohésion originelle du big bang, génère un minuscule trou de ver dans l’univers)
  • Est-elle un pas important vers une théorie du TOUT capable de décrire dans les mêmes équations le comportement des particules et de la gravitation ?
  • la déformation de l’espace-temps par le phénomène d’intrication serait-il à l’origine de la gravité dont le mystère du fonctionnement n’est toujours pas percé à ce jour ?
  • Et bien sûr les voyages dans le temps !
    Et bien non ! Le soufflé retombe, désolé de décevoir nos lecteurs férus de science-fiction, mais la physique reste catégorique sur ce point, le principe de causalité et la flèche du temps ont mis fin à ce doux rêve de l’humanité.
    Peut-être l’occasion d’un prochain article !..

 


 

En savoir plus

 

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Si vous êtes Docteur en Physique échoué sur ces pages, voici le lien vers la publication officielle des 2 découvreurs américains :

 

Illustrations

  1. http://www.science-et-vie.com/
  2. http://journals.aps.org/rmp/abstract/10.1103/RevModPhys.81.1727
  3. http://www.zamandayolculuk.com/cetinbal/stepworm.htm

 

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