Article 1 sur un total de 3 pour la série :

discussion à propos du péché originel


 

La question du « péché originel » est l’un des enjeux théologiques les plus brûlants en ce qui concerne les rapports science/foi. C’est un sujet actuellement débattu par de nombreux théologiens évangéliques, mais aussi dans d’autres branches du christianisme. La réflexion est par exemple très avancée chez beaucoup de penseurs catholiques, comme Michel Salamolard qui a publié en août 2015 un livre intitulé « En finir avec le « péché originel »?  » Exploration théologique et pastorale.

9782873566654

Le titre du livre est quelque peu provocateur, et même si son auteur écrit de façon très humble, il se fait l’écho d’une réflexion bouillonnante chez un certains nombre de catholiques pour qui le dogme catholique du « péché originel », s’il a eu son utilité, nécessite pour le moins une très sérieuse révision. Les catholiques disposent d’un « Magistère » fixant la « doctrine officielle » de l’église catholique. Ce n’est pas le cas chez les évangéliques. Pourtant, dans les deux cas, les opinions théologiques concernant ce dogme diffèrent énormément d’un croyant à l’autre. A part Henri Blocher, je ne connais pas de théologien évangélique francophone qui se soit penché longuement sur cette question difficile.

Bien entendu, c’est avec un regard évangélique que j’ai lu ce livre passionnant. L’auteur traite de la doctrine catholique du péché originel, doctrine avec laquelle la plupart des évangéliques ont déjà pris quelques distances puisqu’elle est directement liée au baptême des enfants. Malgré quelques différences importantes, il existe toujours un certain nombre de points communs entre la compréhension catholique traditionnelle et la compréhension évangélique de ce dogme. L’idée de la série d’articles que je propose est d’ouvrir la discussion dans un contexte évangélique, à partir des réflexions sur la doctrine catholique.

Dans un chapitre intitulé « une doctrine devenue problématique », voici l’état des lieux fait par M. Salamolard

La doctrine du « péché originel » a rempli une fonction bien utile, plus ou moins bien comprise, durant des siècles. Aujourd’hui, elle est devenue problématique. Que s’est-il donc passé? Il s’est produit, au XVI ème siècle, un bouleversement culturel immense, dans tous les domaines, notamment en sciences naturelles, mais aussi en sciences bibliques, historiques et théologiques. Dans la mesure où le « péché originel » était lié par toutes ses fibres à un autre état de la culture, ce qui est indubitable, la mutation profonde, relativement récente, qui s’est opérée dans nos connaissances, dans nos visions du monde et de l’homme entraîne forcément une rupture de liens qui ont permis jadis à la doctrine augustinienne de s’inscrire de façon crédible dans un autre univers culturel. (p53)

Mais précisons de quoi il s’agit quand l’auteur évoque le « péché originel » dans la doctrine catholique « officielle ». Voici en résumé les principaux points, issus de différents conciles ( choisis et extraits du livre)

  • Adam est un personnage historique, le premier homme et non symbolique
  • Le récit de Genèse 3 est celui d’événements historiques (non symboliques)
  • Adam jouit de l’immortalité et de la justice, dans l’amitié de Dieu
  • Il trahit son statut et offense Dieu (« péché originel originant »)
  • Il perd alors ce statut privilégié, et encourt la colère de Dieu
  • Son châtiment est la mort et l’asservissement au diable. Il a tout perdu, c’est la « chute originelle »

 

Conséquences pour les hommes :

  • Adam a entraîné toute l’humanité dans sa chute, y compris les « nouveaux-nés »
  • Adam transmet -par « propagation héréditaire »- la souffrance, la mort et le péché.
  • Affectés du « péché originel originé », tous les hommes sont condamnés à l’enfer éternel, à moins d’être sauvés par le baptême. D’où la nécessité de baptiser les tous petits au plus vite.

Le évangéliques n’adhèrent pas à tous ces points mais à plusieurs d’entre eux. Ils ne croient pas par exemple que les nouveaux nés soient « damnés » dés la naissance et ils ne baptisent que des personnes adultes désireuses d’obéir au commandement de Jésus et conscientes de leur engagement après une « conversion personnelle ». Néanmoins, la plupart croient en un Adam historique, souvent père biologique de l’humanité, et ils croient aussi que la chute d’Adam les a entraînés dans le péché, sans qu’ils aient eu le choix!

Pour aborder ce sujet ultra sensible, M. Salamolard a écrit 6 chapitres

  1. Le « péché originel » est-il un dogme?
  2. Genèse, fonction et « poids » du « péché originel »
  3. Doctrine devenue problématique
  4. Le dossier biblique : étude de Genèse 2-3, de Romains 5, et perspective biblique globale
  5. Evolution récente
  6. Interprétation renouvelée du péché originel.

Même s’il la juge caduque en l’état, M. Salamolard salue les fonctions positives et protectrices qu’a eu cette doctrine catholique pour la foi chrétienne (p.48). Voici quelques vérités protégées par le dogme établi par Augustin :

  • L’unité solidaire de tout le genre humain
  • L’universalité du péché
  • La nécessité du salut divin
  • La liberté humaine et la souveraineté de Dieu agissant mystérieusement ensemble
  • L’accomplissement du projet divin en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, donnant sa vie et sa mort pour le salut de tous, sans exception.

 

Malgré tout, l’église catholique n’a pas adopté toutes les opinions d’Augustin, quand elle a accueilli favorablement sa vision du « péché originel ». Elle a rejeté (p.49) :

  • La double prédestination, au salut et à l’enfer
  • L’humanité, masse de boue, damnée à cause d’Adam
  • L’enfer pour les non baptisés, y compris les nouveaux nés
  • La propagation de péché d’Adam par l’union charnelle de l’homme et de la femme
  • La nature humaine totalement corrompue et viciée par Adam
  • La liberté humaine entièrement captive du péché.

 

Avant d’aller plus loin dans la discussion, voici quelques questions :

1Les évangéliques ont-ils une « doctrine du péché originel » unanimement admise ? Ont-ils dans leur ensemble réfléchi à cette question en profondeur? Sont-ils conscients des enjeux, des conséquences de cette doctrine sur leur théologie ?

2Les évangéliques considèrent-ils que cette doctrine est devenue aujourd’hui problématique, par exemple pour l’évangélisation ? Considèrent-ils que les nouvelles connaissances scientifiques, historiques et bibliques devraient influencer leur théologie en la matière ? Considèrent-ils que ce dogme a été établi en partie sous influence « culturelle » par Augustin ?

3Quels sont les points communs et les points de divergences entre catholiques et évangéliques sur ce sujet ?

4Certains protestants/évangéliques ont-ils adopté certaines opinions d’Augustin, alors que celles-ci étaient rejetées par les catholiques? Etait-ce une bonne idée 😉 ?

 


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