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"création, chute, rédemption" revisitées ♥♥♥


Partie 2 : Une création évolutive

La doctrine de la création est l’un des fondements théologiques les plus importants de la Bible, énoncée clairement par l’AT et reprise par le NT. Sur elle repose l’incarnation de Christ et la doctrine de la rédemption. Elle enseigne que le monde a été pensé et créé par Dieu. Il y a deux implications majeures : la première étant la bonté intrinsèque de la création. Le monde est bon parce qu’il vient de Dieu.

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Il n’y a dans la Révélation biblique aucun dualisme de type gnostique qui sous-tendrait la réalité. Exit toute idée que le monde où la chair est mauvaise et que l’esprit/âme soit une étincelle divine en l’homme. La seconde est que cette création n’est pas d’essence divine, Dieu ne se dupliquant pas. La création est infiniment moindre que son créateur qui lui seul est parfait et infaillible. La création est finie dans l’espace et le temps. Elle a un début et une fin. Elle n’est pas éternelle et subsiste par la volonté de son créateur.

Que signifie donc que le qualificatif « très bon » attribué à la création dans le premier récit de la Genèse ? Cela ne signifie pas qu’elle soit exempte de toute souffrance, d’épreuve ni même de la mort. Cela est clairement illustré dans le récit de la création par la présence du serpent. Le qualificatif « très bon » renvoie au fait qu’elle est capable d’atteindre les espérances de son créateur.

En d’autres termes, elle a tout le potentiel d’atteindre le but voulu par Dieu, même si cette potentialité implique la contingence, la nécessité de la compétition, de la prédation et la souffrance. Ces éléments dérangeants, dirons-nous, ne sont pas des défectuosités intrinsèques à la matière, mais des nécessités au développement de toutes formes de vie terrestre.

Nous avons dit qu’une des implications de la doctrine de la création du monde par Dieu est que celle-ci soit marquée par la finitude, qu’elle est un mélange d’être et de non-être, elle est en devenir, en mouvement, en évolution tandis que Dieu, qui est au fondement de l’être et de la vie, « est ce qui est ». Il est l’être en soi, l’alpha et l’omega. Il y a une césure irréconciliable entre Dieu et sa création. La création tire son existence de Dieu, se maintient par lui. Elle tend vers « plus », et ce plus s’accomplit en Dieu.

On ne soulignera jamais assez le caractère de finitude de l’existence avec ce que ça implique d’angoisse et d’incertitude. La création est faite d’être en devenir, en développement et donc de non-être. Je le répète: cela ne met aucunement en question le caractère fondamentalement bon de la création.

Cela implique que le point de départ de la création est un état d’inachèvement. Jean-Claude Barreau propose une analogie sur l’inachèvement qu’il appelle la « parabole de la maison de jeune inachevée »[1]. Un père décide de construire une cabane dans un arbre pour ses enfants. Deux possibilités s’offrent à lui. La première consiste de tout faire lui-même pour éviter des accidents. Une fois le projet terminé, il offre la cabane achevée dans les moindres détails, y compris les belles poignées de porte chromées. Or qu’arrive-t-il ? Les enfants, bien qu’heureux, ne se sentent pas trop chez eux dans la cabane. Ils abîment les poignées de porte et font quelques trous dans les murs, tout anxieux qu’ils sont d’ajouter leur touche d’enfant. L’autre manière, plus risquée, est de faire participer les enfants à la construction de la cabane. Le père communique des règles de sécurité, guide les enfants dans le maniement des outils car, de fait, la tâche excède la capacité des enfants. L’inachèvement de la cabane est effectivement source de fatigue, de doute, voire parfois d’angoisse. Elle peut même être source de rébellion vis-à-vis l’autorité du père – le contremaître – qui donne les règles. Mais la joie de voir le projet s’achever avec le père ne dépasse-t-elle pas largement celle de recevoir une maison toute faite ?

La potentialité. On entend souvent dire : « cette personne a du potentiel ». Quelque chose à l’état brut se discerne : des qualités, des possibilités, mais qui n’est pas encore réalisé. Sans être quelque chose en soi, le non-être est présent partout pour « faire de l’espace » aux devenir, comme un puzzle en jouet avec un carré manquant. Tout ce qui a du potentiel a du non-être, sinon il est statique, immobile.

Lorsque l’on parle de la création, il faut tenir compte de cela que la science a mis en évidence: le caractère dynamique, contingent et évolutif de l’univers. Il a été observé qu’il possède une capacité d’adaptation par un mécanisme de sélection naturelle et de mutations génétiques. Il est capable de se diversifier, de s’adapter voire de autogérer en fonction des divers facteurs environnementaux présents.

Une création bonne est une conception dynamique, continue, et évolutive. Un monde statique, lui, ne pourrait qu’inévitablement s’appauvrir. Un monde en processus d’évolution est donc meilleur qu’un monde fixe. C’est la défense du processus libre de Polkinghorne[2]. Il est possible de détecter le caractère « libre » dirons-nous de la création. Dans la Bible, est présenté comme un témoin de l’alliance (Dt 4.26; 30, 19) et un partenaire à qui Dieu parle et donne des ordres :

Que la terre produise de la verdure

ou

Que l’eau pullule d’animaux vivants.

Il n’est plus possible d’imaginer le jardin d’Éden comme un jardin paradisiaque avec un couple achevé et en état de sainteté. La science prouve le contraire. Et non seulement la science, mais la Bible elle-même, si on accepte pour quelques instants de ne plus lire les premiers récits de création à travers les lunettes augustiniennes.

 

 


Notes

[1] Jean-Claude Barreau (1969) Où est le mal?, p.51

[2] The « Free-process defense » est une théodicée qui explique le mal physique en relation avec le processus évolutif qui génère inévitablement de la souffrance. Polkingkorne (2010) The Polkinghorne Reader, Templeton Press, p. 73


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