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Certains chrétiens acceptent globalement l’idée d’une évolution des espèces, tout en maintenant des interventions ponctuelles du Créateur au niveau des étapes déterminantes de l’évolution :

  • pour le passage du néant à la matière,
  • pour l’apparition de la vie, le passage de la matière minérale à la matière vivante,
  • pour la distinction de la vie végétale statique et de la vie animale « animée »,
  • pour l’émergence de la dimension psychoaffective au sein du monde animale,
  • pour l’émergence de la conscience morale qui définit l’humanité.

 

Il existe des variantes de cette approche, mais en gros, l’idée retenue, c’est que certaines étapes de l’évolution n’ont pas pu se faire « toutes seules » et qu’elles ont nécessité une intervention directe de Dieu pour passer d’un état à un autre. C’est ce que pensent les partisans du dessein intelligent, et qui les distinguent des partisans d’une création évolutive, dont je fais partie.

 

Beaucoup de croyants font souvent une sorte de fixation autour des premiers homo-sapiens, c’est-à-dire des premiers humains, dans le sens biblique de ce mot. Mais comment expliquer leur coexistence, et surtout leur interfécondité avec d’autres membres du groupe homo, tels que l’homme de Neandertal qui a transmis une part de son bagage chromosomique aux européens. Ce lointain ancêtre a disparu depuis longtemps, mais nous a laissé des tombes dont le contenu prouve clairement qu’il croyait à une vie après la mort. C’est troublant, car alors, au cours de l’évolution, nous n’aurions pas été les seuls à disposer d’une croyance dans l’au-delà, croyance qui implique l’existence d’une conscience morale. Or, si tel est le cas, et tout semble le prouver, la conscience morale ne serait pas seulement le propre des homo-sapiens ; ce qui suppose qu’elle aussi soit apparue progressivement. Voilà qui témoignerait en faveur d’un continuum évolutif depuis l’origine de la vie jusqu’à nous !

 

Mais alors, cela nous renvoie au problème de l’émergence de la vie au sein d’un monde inanimé : une question tout aussi difficile, sinon plus, que l’émergence de la conscience morale au sein du monde animal. En d’autres mots, la vie fut-elle aussi l’objet d’une émergence progressive hors de l’univers inanimé et apparemment stérile qu’est le monde minéral ? À cette question, il semblait que Louis Pasteur avait apporté une réponse définitivement négative en prouvant que la génération spontanée n’existait pas. Mais rien n’est jamais définitif en science, puisque par définition, elle évolue elle-même de façon continuée. Dès lors, faut-il s’étonner de ce qu’aujourd’hui, certains chercheurs semblent sur le point de percer le mystère de l’apparition de la vie sur notre planète ; une vie qui, peut-être sous d’autres formes, existe aussi ailleurs dans l’univers.

 

Dans le mensuel « Science et Vie » de mars 2019, Émilie Rauscher a mené une enquête sur les « presque-vivants » qui nous font progresser vers de « nouvelles frontières de la vie ». Évidemment, il ne faut pas attendre d’un tabloïd aux titres aguicheurs, la rigueur d’une publication scientifique. Mais sans se laisser leurrer par le marketing journalistique, on peut relever quelques références aux travaux de vrais scientifiques œuvrant dans la recherche fondamentale. En fait cet article avait attiré mon attention du fait qu’il met aussi en évidence un « continuum entre ce qui est inerte et ce qui est vivant », par le biais de diverses manifestations de vie qui viennent s’intercaler entre les étapes attestées depuis longtemps à propos de l’évolution.

 

En quelques mots – dans le langage journalistique – voici de quelles expressions du vivant il s’agit :

– des pré-vivants : des vésicules lipidiques appelées composomes, c’est-à-dire des entités chimiques dynamiques capables de grandir, de se reproduire et d’évoluer ;

– des para-vivants : des virus géants qui produisent des particules virales qui libèrent leur ADN (des pseudo-gènes où il ne manque que le ribosome) dans la cellule infectée qu’ils vont épuiser ;

– des post-vivants : les organelles ou mitochondries, nées de la rencontre d’une bactérie (une rickettsie ?) et une archée (un procaryote) il y a plus de deux milliards d’années, et qui, intriquées l’une dans l’autre, sont devenues des mitochondries : les centrales énergétiques de nos cellules.

 

Voici comment ces manifestations de vie s’inscrivent dans la chronologique conventionnelle en milliards d’années :

-4,56  Formation de la terre

-4,5    Impact et formation de la lune

>>>   Pré-vivants : les vésicules lipidiques

-4.2    Refroidissement des océans >> la vie devient possible

>>>   Para-vivants : les virus géants

-3,7    Apparition des premiers procaryotes (des cellules simples)

>>>   Post-vivants : les mitochondries

-2,3    Apparition des eucaryotes (des cellules plus grandes pourvues d’un noyau)

-1,9    Apparition des organismes pluricellulaires

 

Certes, il serait prématuré de chanter la victoire de l’évolutionnisme et de pousser des cocoricos retentissants destinés à réveiller les créationnistes censés dormir sur leurs certitudes. Mais ceci s’ajoutant à cela, on peut déjà entrevoir une création conforme au programme d’un continuum ininterrompu partant de l’origine de l’univers pour arriver aux êtres doués de conscience morale que nous sommes devenus il y a quelque 250 mille ans. Autrement dit, nous nous trouvons clairement devant des avancées conformes au schéma proposé dans la « création évolutive » – ou « évolution théiste » – défendue en francophonie entre autres par les chrétiens évangéliques de Science & Foi.