Article 1 sur un total de 3 pour la série :

Concordisme et approche biblique alternative ♥♥♥


Introduction (Science & Foi)

Cet article est issu de la base mise en ligne par l’ASA (American Scientific Affiliation, une association qui rassemble plus de 2000 scientifiques chrétiens américains).
Traduit avec autorisation par Hélène Mayhew pour Science & Foi.

l’article original est consultable ici.

Nous le publions en trois parties sous la forme d’une série  Concordisme* et approche biblique alternative

* Pour une définition du concordisme scientifique dans la Bible  et de ses difficultés voir ici

 


 

Résumé

À la différence de nombreux textes qui s’intéressent avant tout au premier chapitre de la Genèse, le livre de Hugh Ross, The Genesis Question, examine l’ensemble des onze premiers chapitres de la Bible et nous donne une occasion rare de découvrir le regard d’un éminent concordiste* sur les conflits opposant ces chapitres à la science moderne. Les tentatives d’harmonisation de ces passages bibliques avec la science moderne sont ici examinées et se révèlent peu concluantes. Après avoir montré en quoi les explications de Ross, typiques de l’approche concordiste, échouent à concilier la création, Adam, le déluge et la tour de Babel avec les découvertes de la science moderne, l’auteur nous propose une approche alternative, mais tout à fait biblique, de la question.  

 

 

 

Hugh Ross, président de l’association Reasons to Believe, s’est appuyé sur ses connaissances professionnelles en astronomie pour écrire des livres d’apologétique estimables en faveur du christianisme biblique, centrés tout particulièrement sur les thèmes du Big Bang et du principe anthropique[i]. Ross soutient le créationnisme Vieille-Terre et exerce un ministère d’évangélisation dont l’approche tourne autour des questions de la science et de la Bible.

Parce que certains des conflits les plus importants entre la science et la Bible ont pour origine les onze premiers chapitres de la Genèse, il écrivit The Genesis Question (La question de la Genèse) afin de montrer en quoi ces chapitres peuvent s’accorder avec la science moderne. Le livre réfute, avec pertinence, de nombreux arguments du créationnisme Jeune-Terre, mais comme Ross se situe, en la matière, hors de son domaine de compétences, il n’est pas étonnant que ce qu’il écrit sur Genèse 1-11 ne résiste pas à un examen approfondi[ii]. Après avoir examiné la manière dont il s’efforce de concilier les principaux événements bibliques de ces chapitres avec la science, je présenterai une approche alternative, et à mes yeux plus biblique, de la science et des Écritures.

 

 

Ross et Genèse 1

Dans un article passé, j’avais écrit que Ross et d’autres concordistes ont sorti Genèse 1 de son contexte historique et biblique, et l’ont en fait réécrit à dessein de l’accorder à la cosmologie moderne. Cet article, titré « The First Four Days of Genesis in Concordist Theory and in Biblical Context » (Les quatre premiers jours de la Genèse dans la théorie concordiste et le contexte biblique) peut être consulté sur le site web de l’ASA[iii]. Je ne vais donc pas rappeler ici l’interprétation que Ross fait de Genèse 1. Il suffit ici de souligner que les spécialistes de l’Ancien Testament sont quasi-unanimes pour affirmer que le soleil, la lune et les étoiles ont été créés le quatrième jour, et qu’ils ne sont pas seulement apparus comme le voudrait l’interprétation concordiste[iv]. Ainsi, au cœur de l’interprétation concordiste de Genèse 1 se déploie une interprétation personnelle. Et comme l’a mis en évidence mon article, le concordisme tire également hors de leur contexte d’autres versets de Genèse 1 et les réinterprète à sa manière. L’approche concordiste de Genèse 1 repose donc sur des fondements qui ne sont pas plus solides que ceux de la science créationniste, laquelle s’appuie sur des interprétations tout aussi singulières des données scientifiques.

 

 

Ross et Adam

Doss reconnaît que, dans la Bible, Adam est le premier être vivant sur terre et, contrairement à certains concordistes, il n’essaie pas d’élaborer une théorie préadamiste. Il admet que les hominidés remontent à plus d’un million d’années et que les hommes de Néandertal existaient à l’époque habituellement admise, mais il soutient que ceux-ci n’étaient pas de réels êtres humains, ni des ancêtres d’Adam.

Ross considère à juste titre que la différence entre les animaux, y compris les hominidés bipèdes, et Adam tient au fait que ce dernier a la capacité spirituelle d’être conscient de la présence de Dieu et de converser avec lui. Pour dater Adam, il cite deux journaux scientifiques, publiés en 1981 et 1986, affirmant que des reliques religieuses et des autels, qui indiqueraient la présence d’êtres véritablement spirituels, remontent à « vingt-quatre mille ans tout au plus ».

Le problème est que, depuis 1986, d’autres autels ont été découverts, dont deux érigés par des hommes de Néandertal. L’un a été trouvé à Bruniquel, en France, et date d’au moins 47 600 ans[v]. D’autre part, des preuves solides de sacrifice de cerf accompli par des hommes de Néandertal ont été repérés dans une grotte moustérienne au Liban[vi]. Si les autels attestent de la présence d’êtres véritablement spirituels, les hommes de Néandertal doivent alors être considérés comme de vrais humains, qu’ils soient ou non les ancêtres de l’Homo sapiens sapiens.

Ross examina aussi des recherches effectuées sur le chromosome Y et en conclut que les Homo sapiens sapiens ont un ancêtre mâle commun datant de 35 000 à 47 000 ans. Se basant sur l’ADN mitochondrial, il conclut que les Homo sapiens sapiens ont un ancêtre commun femelle remontant à quelques milliers d’années plus tôt – jusqu’à peut-être dix mille ans. En fin de compte, Ross ne date pas clairement Adam dans son livre, mais compte tenu des données mentionnées ci-dessus et du fait que les Homo sapiens sapiens ont des ancêtres en Europe apparus il y a 30 000 ans, il en tire certainement la conclusion que l’existence d’Adam date d’au moins 35 000 ans. Il semble même admettre une datation d’au moins 50 000 ans. Son site internet comporte d’ailleurs une rubrique d’information indiquant que l’origine humaine remonte à 50 000 ans[vii].

Du point de vue anatomique, l’origine des Homo sapiens sapiens est estimée à 100 000 ans ou plus, mais il se peut que le premier être véritablement humain correspondant à Adam ne soit pas apparu avant 50 000 ans. Or, comme nous le verrons plus loin, cette date donne à la généalogie de Genèse 5 des dimensions irréalistes. Son ancienneté pose un problème sérieux au regard de l’activité agricole d’Adam. Adam est clairement décrit comme un fermier pratiquant des cultures domestiquées (Gen. 2:5, 15 ; 3:23). En outre, les deux premiers versets de Genèse 4 révèlent, à la lumière de Genèse 4:25, que l’existence de Caïn et Abel est contemporaine de celle d’Adam. L’un récoltait des cultures domestiquées, l’autre élevait du bétail. Les cultures d’Adam étaient donc assurément néolithiques.

Les activités humaines il y a 50 000 ou même 35 000 ans étaient, quant à elles, clairement paléolithiques puisque ni les cultures ni le bétail n’avaient été domestiqués. En effet, leur domestication n’apparaît pas, dans les données archéologiques, avant 9000 ou 10 000 ans avant J.-C. Les humains de l’ère paléolithique n’avaient pas non plus construit de villes, même au sens restreint du terme. Or Caïn en avait construit une (Gen. 4:17). Par conséquent, si la Genèse nous livre une description exacte de l’activité agricole d’Adam, son existence ne peut absolument pas être datée de plus de 12 000 ans. Les cultures pratiquées par Adam excluent une datation à 50 000 ou même à 35 000 ans, condition pourtant requise pour faire concorder le récit biblique avec les preuves scientifiques.

Dans un court article, un des collaborateurs de Ross, Fazale Rana, se confronte à ce problème, mais avance l’idée que

« des pratiques agricoles existaient bien à petite échelle avant la révolution néolithique »[viii].

Il fonde son affirmation sur des excavations réalisées près de la mer de Galilée qui ont permis de découvrir qu’il y a 23 500 ans, des humains récoltaient en priorité des herbes sauvages à grosses graines. Ils les moulaient aussi pour en faire de la farine. Nul doute que l’agriculture est apparue avec la récolte d’herbes sauvages, mais les preuves citées étayent uniquement la présence d’herbes sauvages, non celles d’herbes domestiquées. Comme le précisent les auteurs de l’article scientifique d’origine, ces preuves attestent d’une pratique de la chasse et de la cueillette, et non de celle de cultures domestiquées comme le suggère le récit biblique d’Adam et de Caïn[ix]. De plus, la date estimée des vestiges découverts est d’environ 12 000 ans plus récente que la date la plus tardive avancée par Ross à propos d’Adam. Ces découvertes ne concordent pas non plus avec la description biblique puisqu’à cette date, on ne trouve preuve ni de l’existence d’arbres fruitiers cultivés, ni de celle d’une ville, comme l’entend le récit biblique.

Ross pourrait rétorquer, comme d’autres l’ont fait, que la culture néolithique d’Adam fut provisoirement perdue et céda la place à la culture paléolithique qui prévalut jusqu’à environ 9000 ou 10 000 ans avant J.-C., date à laquelle la culture néolithique fut réinventée. L’existence d’Adam pourrait de la sorte remonter à 50 000 ans. Certaines cultures peuvent régresser, admettons-le, mais le scénario suggéré semble ici ad hoc, parce qu’aucune trace de culture néolithique précédant le paléolithique n’a jamais été repérée. De surcroît, ce scénario ne concorde pas avec les données bibliques. Dans la généalogie de Genèse 5, les deux premières personnes, Adam et Seth, sont manifestement contemporaines (Gen. 4:25) et les deux dernières, Lémek et Noé, le sont aussi (Gen. 5:29) et datent de 5000 avant J.-C. (voir ci-dessous). Cela ne laisse que sept générations pour couvrir environ 40 000 ans de culture paléolithique.

De façon tout à fait erronée, ce point de vue suppose l’idée de lacunes dans les généalogies, mais aussi celle qu’une généalogie ait pu s’étendre sur une durée exceptionnelle et inégalée. De plus, comme l’écriture n’avait pas encore été inventée, il faudrait alors admettre que cette généalogie a été conservée intacte pendant des dizaines de milliers d’années, par transmission orale. Cela me paraît très improbable, surtout quand nous constatons que Lémek se souvient non seulement du nom d’Adam mais aussi des paroles que Dieu adressa à Adam, supposément 45 000 ans auparavant (Gen. 3:17 ; 5:29). D’autre part, la généalogie de Genèse 4 est généralement considérée comme étant parallèle à celle de Genèse 5. Pourtant, comme Enoch se situe au début du néolithique et Lémek à la fin de cette même ère, il ne resterait alors que quatre générations (Gen. 4:18) pour couvrir 40 000 années de culture paléolithique. Lémek, une nouvelle fois, serait cet homme qui, par la seule transmission orale, se souviendrait avec précision des paroles de Dieu adressées à Caïn 45 000 ans plus tôt ! Je pense que nous devons conclure qu’une telle approche est dénuée de preuve empirique, contraire à toute probabilité et très vraisemblablement ad hoc.

Si les chapitres 2 à 4 de la Genèse possèdent l’exactitude littérale que Ross leur prête en interprétant ces chapitres, l’Adam biblique néolithique est, du point de vue chronologique, en sérieuse contradiction avec le premier homo sapiens paléolithique de l’anthropologie moderne[x].

 

 

La suite de l’article traitera du déluge et de la tour de Babel.

 

A lire également

 

 


Notes

[i] Note de Science & Foi : en Français on trouve traduit par exemple, l’ouvrage Dieu et le cosmos, Edition, la clairière, Canada, 1998

[ii] Bien que j’expose l’insuffisance des arguments avancés dans le livre de Hugh Ross, The Genesis Question (Colorado Springs, CO : Nav Press, 2001), c’est au concordisme en général que je m’oppose et non à Ross ou à son ministère qui, mises à part certaines déviations hors de son champ d’expertise, apporte une réelle contribution au christianisme. De plus, Ross a constamment fait montre d’un admirable caractère chrétien, en particulier à travers son refus de vitupérer ceux qui l’ont critiqué. Cette attitude, qui s’inspire de celle du Christ, est la preuve précieuse d’un christianisme authentique, qui m’amène à le considérer avec la plus haute estime.

[iii] Paul H. Seely, « The First Four Days of Genesis in Concordist Theory and in Biblical Context », PSCF 49, n° 2 (juin 1997) : 85-95 et www.asa3.org/ASA/PSCF/199è/PSCF6-97Seely.html.

[iv] Pour ne citer que les experts évangéliques de l’Ancien Testament : Keil and Delitzsch, Biblical Commentary on the OT 1 (réédition, Grand Rapids, MI : Zondervan, 1951), 51 ; H. C. Leupold, Exposition of Genesis (Grand Rapids, MI : Baker, 1950), 52 ; John Walton, Genesis (Grand Rapids, MI : Zondervan, 2001), 79 ; Victor Hamilton, The Book of Genesis Chapters 1-17 (Grand Rapids, MI : Eerdmans, 1990), 121 ; Bruce Waltke, Genesis (Grand Rapids, MI : Zondervan, 2001), 61 ; Kenneth Mathews, Genesis 1-11 : 26 (Nashville, TN: Broadman et Holman, 1996), 145, 153 ; Gordon Wenham, Genesis 1-15 (Waco, TX : Word, 1987), 18.

[v] G. Bednarick, « Neandertal News », The Artefact 19 (1996) : 104.

[vi] Alexander Marshack, « Early Hominid Symbol and Evolution of the Human Capacity », in Paul Mellars, The Emergence of Modern Humans (Ithaca, NY : Cornell University Press, 1990), 481.

[vii] Fuz Rana, « New Y Chromosome Studies Continue to Support a Recent Origin and Spread of Humanity », www. reasonstobelieve.org. Last accessed January 2007.

[viii] Fazale Rana, « Agriculture’s Origin Fits RTB Human Origins Model », Connections 7, no. 2 (2005) : 2-3.

[ix] Dolores R. Piperno, et. al., « Processing of Wild Cereal Grains in the Upper Paleolithic Revealed by Starch Grain Analysis », Nature 430 (2004) : 670-3.

[x] John Jefferson Davis comprend l’histoire d’Adam non comme vrai au sens littéral, mais vraie par analogie. Voir son article sur Adam dans Inerrancy and Common Sense, éd. Roger R. Nicole et J. Ramsey Michaels (Grand Rapids, MI : Baker, 1980). Comme je l’ai affirmé à propos de certaines questions dans Genèse 1, je pense que la révélation dans Genèse 2-4 s’harmonise bien avec le savoir scientifique de l’époque. En ce qui concerne Genèse 1, voir Paul H. Seely, « The firmament and the Water Above, Part I : The Meaning of Raqia in Gen. 1:6-8 », Westminster Theological Journal 53 (1991) : 227-40 ; « The firmament and the Water Above, Part II The Meaning of ‘The Water above the Firmament’ in Gen. 1:6-8 », Westminster Theological Journal 54 (1992) : 31-46 ; Paul H. Seely, « The Geographical Meaning of ‘Earth’ and ‘Seas’ in Gen. 1:10 », Westminster Theological Journal 59 (1997) : 231-55.

 

 

Crédit illustration : https://fr.123rf.com/profile_pakhay 


3 Articles pour la série :

Concordisme et approche biblique alternative ♥♥♥