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Complot or not complot ?


 

Je partage ici en toute simplicité quelques réflexions concernant les rapports entre « créationnisme scientifique », c’est-à-dire l’ensemble des théories « scientifiques » alternatives à la science « officielle » développées dans les milieux chrétiens évangéliques concernant les origines physiques du monde et des êtres vivants, et la « théorie du complot ». Ces quelques réflexions m’ont été inspirée par la découverte du site gouvernemental « On te manipule » ainsi que par les nombreux échanges sur ce blog ou ailleurs.

Un constat :

le sentiment d’être victime d’un « complot » anti-créationniste est une réalité chez beaucoup de chrétiens de sensibilité évangélique.

Ce sentiment est partagé par de nombreux chrétiens évangéliques qui n’ont pas de véritable formation scientifique, mais aussi par des personnes éduquées, voire éduquées dans les sciences.

Voici un commentaire représentatif publié sur ce blog

« Lafosse : pensez vous que les revues accréditées par les commissions scientifiques vont publier ce qui est contraire à leur idéologie. C’est le Dr Emil Silvestru qui avant d’être chrétien créationniste, mentionne cet état de fait concernant le rejet des résultats non conformes à l’évolutionnisme. »

 

Le succès d’un certain nombre d’articles publiés sur des sites populaires chez les évangéliques et auxquels nous avons apporté des réponses démontre la réalité de ce sentiment. Tous ces articles rejettent d’une manière ou d’une autre les découvertes de la science enseignées à un niveau aussi élémentaire que le collège ou le Lycée, sans parler de l’université. Ils entretiennent donc le sentiment d’une « paranoïa scientifique » chez certains évangéliques :

 

La théorie du « complot » rencontre donc un écho certain chez de nombreux chrétiens évangéliques. Pourquoi ? J’y vois deux raisons principales :

  • 1. Une réaction face au scientisme
  • 2. Une interprétation littérale de la Bible

 

La campagne « anti-complotiste » risque fort d’être inefficace en matière de science si elle n’aborde pas ces deux aspects

S’il paraît inapproprié de parler de complot,  notre société est bel et bien parcourue par des luttes d’influence idéologiques et religieuses.

C’est que rappelait Roger Lefebvre dans un article récent :

« Dans cet article publié dans LE MONDE le 28 janvier dernier, François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, nous propose une tribune où il remet clairement les pendules à l’heure. Il le fait en rappelant que la laïcité n’est pas synonyme d’athéisme, et qu’en conséquence, on peut parfaitement être laïc et croyant… On devrait l’être même, du moins en ce qui concerne les croyants soucieux de rappeler par l’exemple aux athées militants leur devoir de neutralité laïque. »

Est-il exagéré de dire que certains ont bien l’intention d’instrumentaliser l’ « école laïque et républicaine »  pour en faire le terrain d’action de « hussards de la République », chargé de prêcher la Bonne Parole du positivisme ?

Comment alors s’étonner des réactions parfois maladroites ou mal informées de croyants sincères qui perçoivent bien les véritables intentions de ceux qui se cachent derrière les déclarations des défenseurs de la science ?

 

Pour lutter de façon efficace contre la désinformation « pseudo-scientifique » qui est abondante dans certains milieux évangéliques,

 

quelle stratégie adopter ?

Les outils « anti-complotistes » développés par le site gouvernemental français sont intellectuellement intéressants, même si, sans surprise et « laïcité oblige », ils ne peuvent aborder les enjeux plus profonds de ce débat.

Illustrons ici leur pertinence par quelques situations concrètes :

 

« L’esprit critique tu auras… mais pas pour tout. Le vrai et le faux tu mélangeras.

La théorie du complot a le doute sélectif : elle critique systématiquement l’information émanant des autorités publiques ou scientifiques, tout en s’appuyant sur des certitudes ou des paroles « d’experts » qu’elle refuse de questionner. »

Combien de fois a-t-on pu lire des propos « créationnistes » critiquant la science officielle, tout en s’appuyant sur la reconnaissance académique pour le faire, en citant des articles scientifiques complètement hors contexte. La tactique classique consiste aussi à faire valoir un doctorat, parfois dans un domaine qui n’a rien à voir, pour faire valoir des opinions personnelles qui ne passeraient jamais le test d’un comité de lecture.

C’est donc une technique redoutable pour qui n’a pas les connaissances nécessaires pour démêler le vrai du faux.

 

« Le « millefeuille argumentatif » tu pratiqueras.

C’est une technique rhétorique qui vise à intimider celui qui y est confronté : il s’agit de le submerger par une série d’arguments empruntés à des champs très diversifiés de la connaissance, pour remplacer la qualité de l’argumentation par la quantité des (fausses) preuves. Histoire, géopolitique, physique, biologie… toutes les sciences sont convoquées – bien entendu, jamais de façon rigoureuse. Il s’agit de créer l’impression que, parmi tous les arguments avancés, « tout ne peut pas être faux », qu’ »il n’y a pas de fumée sans feu ». »

Stratégie très classique liée au point précédent. Nous en avons donné un exemple en répondant à cet article qui prétend citer 101 preuves de la jeunesse de la terre !

 

« La cohérence tu oublieras

A force de multiplier les procédés expliqués ci-dessus, les théories du complot peuvent être totalement incohérentes, recourant à des arguments qui ne peuvent tenir ensemble dans un même cadre logique, qui s’excluent mutuellement. »

Ceci est tout à fait caractéristiques de la stratégie du « Discovery Institute », fer de lance du mouvement anti-évolution de l’ »Intelligent Design », dont le but est de démontrer « scientifiquement » l’impossibilité de l’évolution. Sans aucun scrupule intellectuel, des personnes pensant des choses complètement différentes et contradictoires (Terre jeune/Terre ancienne par exemple) se sont unies dans cet objectif, ayant recours à des contre-arguments qui s’excluent ainsi mutuellement les uns des autres.

 

Conclusion :

En matière de science, il est donc triste de constater que pour certains chrétiens, la fin justifie les moyens. La plupart le font sans maîtriser les arguments qu’ils avancent, dans le but de défendre leur interprétation de la Bible et en réaction par rapport au rationalisme « scientifique ».

Pour être efficace dans le grand travail d’éducation qui reste à accomplir, il faudra donc

  •  dénoncer l’instrumentalisation scientiste, et présenter les preuves scientifiques dans un contexte rassurant pour la foi.
  •  fournir aux chrétiens les outils théologiques qui leur permettront de ne pas mettre en compétition une interprétation littérale de la Bible et les découvertes de la science est également essentiel.

Ces deux axes sont la vocation de ce site et de l’équipe Science & Foi.


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