Le site http://www.scibel.com/scibel/index.html est une initiative britannique. Ce site a été créé par des scientifiques et des théologiens de confession évangélique, et il est soutenu par plusieurs organisations évangéliques telles que l’armée du salut, l’église méthodiste, les baptistes, l’american scientific affiliation (ASA), l’alliance évangélique…

Ce site s’adresse en priorité aux étudiants cherchant des réponses à propos des rapports entre l’enseignement de la Bible et les découvertes de la science. On y trouve des articles de grande qualité qui combattent bon nombre d’idées reçues comme:

« Vous ne pouvez pas être un chrétien véritable et accepter l’évolution »

ou bien

« La science finira par tout expliquer »

Sur ce site, vous trouverez aussi des articles passionnants sur des sujets brûlants:

« Peut-on interpréter toute la Bible de manière littérale? »

« Un scientifique peut-il aujourd’hui accepter que Jésus soit ressuscité des morts? »

On y trouve aussi un article passionant sur Adam et Eve écrit par le docteur Paul Marston.

Cet article a été traduit par Christophe Crussière pour le blog création et évolution.

Adam, Eve et le serpent ont-ils vraiment existé ?

Culture Populaire et but de la Bible

Malheureusement, beaucoup de gens tirent l’idée qu’ils ont d’Adam et Eve de la culture populaire plutôt que de ce que dit vraiment la Bible. De plus, il nous faut noter que pour les chrétiens : « Toute écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit adapté et préparé à toute œuvre bonne ». (2 Timothée 3:16). L’Écriture ne sert pas à enseigner la cosmologie, la géologie ou l’anthropologie. Ni Jésus ni ses apôtres ne l’utilisent ainsi. Il y a deux récits de la création dans la Genèse, l’un au chapitre 1 et l’autre aux chapitres 2 et 3 ; les deux font référence à “ādām” mais l’ordre des événements est différent dans les deux. Jésus croyait simplement que les deux étaient inspirés et donnés par Dieu, et il utilisa des citations des deux passages dans Matthieu 19 où il enseigna que Dieu voulait que le mariage soit l’union loyale et pour la vie entre deux personnes de sexes différents. Il ne les utilisa pas pour enseigner la cosmologie ou l’anthropologie. Mais regardons d’un peu plus près aux autres références de Jésus à ces passages.

Tout le monde connaît l’histoire d’Eve tentée par le « serpent » dans le jardin d’Eden. Après cela, Dieu dit au « serpent » : « je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci t’écrasera la tête et tu lui viseras le talon » (Genèse 3:15). Mais Jésus ne vit pas en cela littéralement des serpents. Ce sont ses ennemis humains qu’il appelait «une race de vipères » (Mathieu 12:34 ; 23:33, etc.) et dont il disait qu’ils avaient pour père le « diable », qui fut « depuis le commencement » le « père de tous les mensonges » (Jean 8:44). Le serpent dans Genèse 3 est le symbole d’un être spirituel, le diable ou Satan, et non pas un serpent biologique. Cette identification est expressément confirmée dans Apocalypse 12:9 et 20:2. D’aucuns pourraient suggérer que le serpent de la Genèse était peut-être à la fois littéralement un serpent et le symbole de Satan. Mais le récit fait référence seulement à un serpent, et pas à deux, et il serait étrange d’attribuer à un serpent biologique toutes les caractéristiques (l’intelligence, le langage relationnel, et la responsabilité morale) qui sont propres à des hommes faits à l’image de Dieu. Outre le serpent, le livre de l’Apocalypse parle aussi de l’ « arbre de vie » (Apocalypse 22:2,14,19) – le juxtaposant aux symboles du fleuve de la vie (Apocalypse 22:1-2, comparer à Jean 4:10-14) et de la cité céleste qui symbolise l’église. Le Nouveau Testament montre donc que l’essentiel de Genèse 2 et 3 est écrit dans un langage symbolique.

Mais qu’en est-il d’ « Adam et Eve » ? Beaucoup de gens ne se rendent pas compte que le mot Hébreu “ādām” utilisé dans Genèse 1 à 3 n’est pas un nom : il signifie « l’humanité » ou « l’homme ».

Il signifie « humanité » quand Genèse 1:27 dit que Dieu créa ādām – homme et femme. Cela est répété en Genèse 5:2 où il est ajouté que Dieu nomma ādām la création de l’homme et de la femme – c’est à vrai dire le seul endroit où Dieu « nomme » quelque chose ādām. Ce n’est tout simplement pas un nom de personne ici.

Le mot ādām peut aussi signifier “l’homme”, tout particulièrement s’il est précédé de l’article défini (le) ou d’une préposition. On trouve l’un ou l’autre de ces deux cas tout au long de Genèse 2 et 3, ce qui explique que la plupart des traductions modernes le traduisent simplement par « l’homme ». Quant à « Eve », le mot apparaît seulement en [Genèse] 3:20 où l’ādām appelle sa femme  “Eve” que les Juifs traduisirent dans la version grecque que Paul utilisa comme « la vie », parce qu’il est question d’une fonction et pas d’un nouveau nom de personne.

Le premier passage où on pourrait voir « Adam » ou « Eve » comme des noms d’individus est Genèse 4:1 : « Adam connut Eve, sa femme ; elle devint enceinte ».

Genèse 3 décrit Dieu en train de créer l’ ādām”, puis les différents animaux pour tester potentiellement leur compagnie. Ne trouvant pas (littéralement) un « allié qui lui correspondait », la Genèse dit que de l’ ādām Dieu prit le sēlā‘ =côte/côté pour créer la îššâ (femme, femelle), laissant l’’îš (l’homme, mâle). C’est pourquoi (comme Jésus le confirma dans Matthieu 19), l’union homme-femme dans le mariage était voulue par Dieu pour former l’unité de base de l’humanité – reflétant l’image du Dieu Trois-en-Un, qui a le type de relation le plus profond qui soit en lui-même. Des penseurs Juifs du premier siècle tels Philo [1], et certains des premiers conducteurs chrétiens tels Chrysostome [2], tout en partageant la vue la plus haute de l’inspiration divine des passages de la Genèse, ne prirent pas l’histoire de la côte/du côté au sens propre. Plutôt, ils la prirent comme voulant véhiculer l’égalité et la compagnie de l’homme et de la femme dans le mariage.

Adam et Eve dans le Nouveau Testament

Jésus et le Nouveau Testament nous montrent que le serpent et l’arbre sont symboliques, mais qu’en est-il de l’homme ādām et de la femme îššâ ? Jésus croyait clairement que les deux récits de la création de la Genèse étaient d’inspiration divine, mais il croyait qu’ils devaient nous enseigner les intentions de Dieu pour l’humanité, et non la cosmologie, la biologie et l’anthropologie. Ensuite, dans Matthieu 19, Jésus fait référence à Genèse 1:26-27 pour l’élément homme-femme du mariage, et à Genèse 2:24 pour montrer que quitter ses parents et fusionner pour devenir « un » est un point central dans les intentions de Dieu en vue d’un mariage permanent, monogame et hétérosexuel. Cela enseigne les intentions de Dieu et pas la science.

L’unique référence directe à « Adam » dans les évangiles (puisque le nom hébreu est translittéré dans le grec du Nouveau Testament) se trouve dans Luc 3:38 où Luc fait remonter de manière énigmatique la généalogie de Jésus jusqu’à « Enosch, fils de Seth, fils d’Adam, fils de Dieu ». Cela (tout comme Jude 14) est en relation directe avec la liste de descendants de Genèse 5.

Les autres références viennent seulement dans les écrits associés à Paul. Paul utilise quelquefois « Adam » comme un nom, mais il joue aussi sur le sens de « l’humanité » de ādām. Donc, dans 1 Corinthiens 15:21-22, « car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ. » Ici, « Adam », comme « Christ » est un nom collectif, et dans 15:15, Paul dit du Christ qu’il est le « dernier Adam ». Paul non plus n’est pas tant préoccupé de la chronologie littérale. Ainsi dans Romains 5:12, nous trouvons que c’est par un homme que le péché est entré dans le monde, mais dans 1 Timothée 2:14, ce n’est pas Adam qui a été séduit, c’est la femme qui, séduite, s’est rendue coupable de  transgression. Alors, est-ce l’homme ou bien la femme qui pécha en premier ? Paul se contente de supposer l’un ou l’autre afin de faire ressortir des points théologiques différents du récit – indiquant fortement par là-même qu’il y voit de la théologie plutôt qu’un récit historique littéral.

Dans Romains 5, Paul note qu’après le premier péché, le péché s’est étendu à tous les hommes (il veut dire tous les êtres humains) parce que tous ont péché. Le chapitre 2 du livre de Baruch, livre Juif de la fin du premier siècle, contient la phrase « chacun de nous est devenu son propre Adam » – une idée similaire au péché qui s’étend à tous puisque tous ont péché. Plus loin, dans Romains 7:9, Paul dit « Pour moi, autrefois sans loi, je vivais ; mais quand le commandement est venu, le péché a pris vie, et moi je mourus ». Paul parle bien-sûr de la mort spirituelle, et cela lui arriva, dit-il, au moment où il se rendit compte pour la première fois de l’obligation morale d’une loi divine, et qu’il la transgressa. Il enregistre dans sa propre vie le principe selon lequel « la mort s’est étendue à tous les hommes parce que tous ont péché ». Cela se réfère aussi à Romains 3:21 : « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ».

Adam et Eve?

Où cela nous conduit-il en ce qui concerne “Adam” et “Eve” ? Nous avons vu que dans les deux passages de la Genèse sur la création et dans les commentaires qu’en fait le Nouveau Testament, le langage est hautement symbolique et le point essentiel est la leçon théologique. Fut-ce par un homme ou par une femme que le péché entra dans le monde en premier lieu ? Le fait que les éléments utilisés par Paul lui-même diffèrent devraient nous rendre prudents quant à prendre le récit de manière trop littérale. Cependant, il n’y avait pas de péché avant que l’homme existe – les animaux (y compris les serpents biologiques) n’ont pas de responsabilité morale. Il est donc logique qu’il y ait eu un premier péché – une première occasion où on a enfreint une loi morale bien comprise. Donc, dans ce sens, il doit y avoir eu un « Adam et Eve » – une source de l’humanité et de la vie, où cela se produisit en premier.

La science

Aucune de ces conclusions n’a à voir avec la science moderne. Elles viennent d’une étude attentive de la Bible elle-même – plutôt qu’elles ne s’appuient sur la culture populaire. Toutefois, nous pouvons nous demander comment tout cela s’imbrique avec la science moderne.

A la fin des années 1980, des études sur les mitochondries humaines (l’ADNmt est une structure circulaire composée de plus de 16000 nucléotides) conduisirent à une conclusion surprenante :

La transformation des formes anatomiques archaïques aux formes modernes chez les Homo Sapiens eut lieu d’abord en Afrique, il y a environ 100 000 à 140 000 ans, et tous les hommes d’aujourd’hui sont des descendants de cette population africaine.[3]

Au début des années 1990, Leakey pouvait écrire :

On peut faire remonter l’ADN mitochondrial de chaque être humain à une femme unique qui vécut en Afrique il y a plus de 100 000 ans.[4]

On peut trouver l’origine de l’homme en utilisant l’analyse des chromosomes Y, et cela conduit à une échelle de temps similaire. On croit que l’homme moderne (homo sapiens sapiens) s’est développé dans une petite population qui se reproduisait il y a 100 000 à 150 000 ans – ce qui est très récent en termes géologiques. Le Times (du 8 mai 2007) affirmait : « les recherches les plus récentes de généticiens de l’université de Cambridge renforcent la théorie selon laquelle tous les êtres humains modernes … descendent d’un petit groupe d’africains qui partirent de chez eux il y a 55 000 à 60 000 ans ». L’espèce homo sapiens prit naissance « il y a environ 120 000 ans » et « il n’existe aucune preuve de croisement avec l’homo erectus ». Nous savions déjà qu’il n’y avait pas de lien génétique entre eux et l’homme de Neandertal par exemple, et que leur origine précise était controversée. Il y a une « Eve mitochondriale » et un « Adam chromosomique » totalement humains de qui descendent tous les êtres humains d’aujourd’hui – bien que cette origine ne soit pas exclusive et qu’on ne suppose pas non plus que ces deux personnes étaient mariées et vivaient dans un jardin. On peut supposer que le processus de mutation génétique qui s’appliqua au sein d’une très petite population à travers laquelle la conscience morale se fit jour, fut soit soudain soit graduel, car nous savons peu aujourd’hui sur les mécanismes génétiques. Certains Chrétiens croient que ces premiers hommes apparurent de manière soudaine et miraculeuse, tandis que d’autres croient que la création (bara) de l’humanité put intervenir à travers des processus naturels tout comme Dieu forme les montagnes et crée (bara) les vents par des processus naturels (Amos 4:13). La « Nature » n’est pas un agent alternatif à Dieu. Le récit biblique de la tentation avec le fruit est une image symbolique de la première fois où un être humain (homme ou femme ?) ressentit l’obligation morale d’une « loi » divine, la transgressa, et « mourut » (ce même jour !). Nous ne pouvons pas bien maintenant imaginer où cela arriva exactement dans cette histoire ni comment cela se propagea du premier être humain aux autres de la communauté. Tout ce que nous savons, c’est que si le « péché » est une réalité présente plus qu’une illusion, alors il doit y avoir eu un premier péché, et il a dû se propager aux autres.

[1] Philo The Second Book of the Treatise on The Allegories of the Sacred Laws vii.20; On the Creation 13-14. [Le deuxième Livre du Traité des Allégories sur les Lois Sacrées / A propos de la Création]

[2] Homily 15

[3] Wilson Science (1987) vol 237 (2nd October) p.1292 and Wilson et al (1987).

[4] Leakey (1992) p. 220.