Article 46 sur un total de 48 pour la série :

L'évolution expliquée ♥♥♥


 

Nous avons effectué un long parcours à travers cette série, et nous avons enfin atteint la fin du contenu scientifique que nous devions aborder. Toutes mes félicitations d’avoir tenu jusque-là ! J’espère que vous aurez pu approfondir votre connaissance de l’évolution.

Bien sûr, les chrétiens ne sont pas seulement intéressés par les détails de l’évolution qui ne sont  pas les questions les plus pressantes pour les évangéliques. C’est en fait plutôt les questions théologiques qui dominent les conversations sur l’évolution –  à savoir si une compréhension évolutive de la création est compatible avec une foi chrétienne orthodoxe. Par conséquent, nous nous devons d’aborder  ces questions de manière explicite dans cette série, même brièvement.

Bien sûr, je suis pleinement conscient que la théologie ne fait pas partie de mon champ d’expertise. Comme l’indique mon collègue Ard Louis  lorsqu’il décrit les limites de l’expertise d’un universitaire :

Quand j’étais enfant en Centre Afrique, je n’ai pas rencontré beaucoup de docteurs. Je pensais que quelqu’un avec un Dr devant son nom saurait presque tout ce qui concerne son domaine mais aussi une grande partie de ce qui concerne la connaissance académique. Je suis docteur moi-même et  j’ai pu superviser et examiner un bon nombre de thèses de doctorat en physique et en chimie. J’ai vraiment abandonné l’idée selon laquelle moi ou la plupart des personnes avec un doctorat connaissent quoique ce soit au-delà du champ étroit de leur sous-spécialité.

Donc, ce que je propose ici ne devra pas être considéré de quelque manière que ce soit comme une parole définitive sur le sujet, mais bien plutôt une approche profane d’un sujet complexe.

 

Est-ce que l’évolution est aléatoire?

Une des premières réticences sur  l’évolution concerne la question du hasard – voulant dire pour la plupart des gens que l’évolution est imprévisible, un processus non contrôlé – qui ne pourrait pas être un mécanisme utilisé par Dieu pour accomplir sa volonté. Il y a  bien sûr généralement des erreurs de compréhension dans cette question. Comme nous l’avons vu, alors que l’évolution a quelques caractéristiques aléatoires et contingentes comme la mutation, l’évolution n’est pas aléatoire dans le sens entendu par les chrétiens préoccupés par  cette question. Même avec une certaine stochasticité, il y a un certain degré de répétabilité dans ce processus, comme nous l’avons dans les billets récents sur la notion de convergence. Alors que la contingence de l’évolution peut conduire un Stephen J. Gould à la considérer comme sans but, la convergence de l’évolution peut conduire un Simon Conway Morris à y voir un mécanisme élégant et avec un but.

 

Un microcosme d’aléatoire et de convergence – la formation des anticorps

Peut-être qu’une analogie peut aider. Au premier semestre j’enseigne un cours sur l’immunologie – un sujet à la fois intimidant et fascinant. Un processus stochastique est à la base du système immunitaire humain – en fait sans ce processus  nous serions démunis pour lutter contre les infections. Le défi pour tout système immunitaire est de combattre une infinité de pathogènes, avec des ressources génétiques limitées. Dit autrement, nous avons seulement 20 000 gènes dans notre génome, et la grande majorité de ces gènes ne sont pas impliqués dans la défense contre les maladies. Par contre, les pathogènes sont légions. Même si les bactéries, les virus, et d’autres pathogènes étaient incapables d’évoluer, nous serions confrontés à une multitude d’entre eux. Ajoutez à cela leur propre évolution et vous êtes face à une diversité gargantuesque.

La manière dont nous combattons cette diversité avec une poignée de gènes est  un processus aléatoire. Les anticorps, qui se fixent aux pathogènes pour les détruire, sont le produit d’un mélange et d’un assemblage aléatoire des régions impliqués dans cette fixation. Ainsi le  mélange et l’assemblage d’un large panel (mais fini) de plus petits composants vont conduire à la formation des protéines anticorps. Chaque cellule qui produit des anticorps fait un mélange et un assemblage différent (qui d’ailleurs s’effectue au niveau de l’ADN).  De plus durant ce processus d’assemblage des mutations aléatoires sont introduites à la jonction de ces composants. Le résultat est une large collection d’anticorps comparativement au petit groupe de gènes, dont la diversité est adéquate pour reconnaître et battre les pathogènes à leur propre jeu !

Comme pour l’évolution, la production d’anticorps a aussi une étape de sélection. La diversité des anticorps que nous produisons est vraiment stupéfiant – mais seule une petite fraction sera jamais utilisée (les anticorps qui se fixeront par chance à un pathogène qui nous agresse). Ce processus peut sembler être un gâchis – nous fabriquons un grand nombre d’anticorps que nous n’utiliserons jamais – mais sans lui, le système ne nous protégerait pas.

Du point de vue de l’anticorps qui est sélectionné, ce processus est parfaitement adapté pour atteindre le but recherché – un anticorps qui se lie à un pathogène cible. Maintenant, le chemin précis pour arriver à ce but n’est pas certain – les scientifiques ne peuvent pas prédire par avance quel anticorps spécifique va émerger pendant la réponse immunitaire. Ils peuvent prédirent néanmoins avec certitude que de nombreux anticorps capables de se fixer seront produits, par différents chemins. Stochasticité et sélection conduisent à la convergence dans ce cas – et cela c’est certain !

 

Méditer sur l’évolution et l’action divine

J’ai tendance à voir l’évolution globalement comme je vois la formation des anticorps. L’analogie n’est bien sûr pas parfaite – toutes les analogies ont leur limite. Ce que je vois dans la formation d’anticorps c’est un processus aléatoire qui remplit un objectif. Par conséquent, comme vous pouvez vous en douter, je suis d’accord avec Simon Conway Morris pour voir  la convergence comme  une puissante force dans l’histoire évolutive – de telle sorte qu’elle compense sans complétement l’éliminer l’effet du hasard.

Maintenant, est-ce ce que nous percevons comme du « hasard » – les mutations génétiques ou les processus impliqués dans la formation des anticorps – sont aléatoires pour Dieu ? Est-ce que Dieu prédestine chaque mutation du système immunitaire, ou toutes les mutations au cours de l’évolution qui ont conduit à la formation de notre propre espèce ? La conversation au sein de l’église aborde à un moment ou un autre cette question. Certains croyants tiennent fermement à l’idée que rien n’est aléatoire (c’est-à-dire comme ni connu ni prédit par Dieu) ? D’autres considèrent que la souveraineté de Dieu n’est pas accomplie par un déterminisme rigide, mais plutôt que Dieu laisse à la création une certaine liberté, à l’intérieur d’un cadre fixé, pour agir de manière stochastique pour accomplir sa volonté.

Il me semble que Dieu est à l’aise de travailler par ce que nous pouvons considérer des circuits inutiles et des chemins peu efficaces pour accomplir sa volonté (comme l’atteste déjà l’Ancien Testament – je me rappelle quand j’étais enfant me demander pourquoi Dieu ne fait pas les choses plus rapidement et de manière plus directe). Ainsi, ce qui m’apparaît comme du gâchis et de l’inefficacité pourrait en fait avoir un but. Bien sûr l’incarnation en est l’exemple par excellence – Dieu en forme humaine, vivant comme un paysan du premier siècle, souffrant une mort réservée aux révolutionnaires – qui d’une  certaine manière, et merveilleusement, apparaît comme avoir été le but ultime – le telos. Pour Pierre, l’idée d’un messie crucifié  faisant partie du plan de Dieu n’avait aucun sens. Pour Pierre, et plus tard Paul, la résurrection attestait  l’agrément de Dieu sur Jésus et sa vie – sa vie et sa mort que Paul avait considéré comme un échec. Ce n’est pas pour rien que Paul parle de la sagesse de Dieu comme une folie pour le monde.

Par conséquent, bien que je manque de certitude sur la manière dont Dieu utilise des processus stochastiques, je suis certain d’une chose : Dieu les utilise d’une manière qui n’interfère pas avec sa souveraineté, de la même manière que le libre arbitre de l’homme n’interfère pas avec sa souveraineté. Les écritures à maintes reprises affirment que le cosmos entier est sous le contrôle souverain de Dieu. Je me repose sur ce point, même si j’explore et médite sur les détails de l’action divine, détails que nous ne connaitrons complètement que quand nous le rencontrerons.

Dans le prochain billet nous traiterons une question souvent soulevée : comment un créationniste évolutif aborde la question des êtres humains créés à l’image de Dieu ?

 


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