Dans les années 1980, l’universitaire Robert Faurisson acquit une certaine notoriété en niant l’existence des chambres à gaz. L’historien français Paul Veyne, spécialiste mondial en histoire antique, écrit ce qui suit à ce sujet,

S’il faut en croire sa légende, après avoir élucubré obscurément sur Rimbaud et Lautréamont, il [Robert Faurisson] parvint vers 1980 à quelque notoriété en soutenant qu’Auschwitz n’avait pas eu lieu. Il se fit engueuler. Je proteste que le pauvre homme avait failli avoir sa vérité. Il était proche, en effet, d’une variété d’illuminés à laquelle les historiens de ces deux derniers siècles se heurtent parfois : anticléricaux qui nient l’historicité de Jésus (ce qui a le don d’exaspérer l’athée que je suis), cervelles fêlées qui nient celle de Socrate, Jeanne d’Arc, Shakespeare ou Molière, s’excitent sur l’Atlantide ou découvrent sur l’île de Pâques des monuments érigés par des extraterrestres [1]

Paul Veyne est catégorique : il n’y a pas de débat entre historiens sur l’existence de Jésus, comme il n’y en a pas sur celle de Socrate, Jeanne d’Arc, Shakespeare ou Molière. Cela veut-il dire que rigoureusement personne n’en doute ? Que le nombre de personnes instruites qui nient l’existence de Jésus est exactement zéro ? Bien sûr que non. Il y en a. Et Paul Veyne les nomme «illuminés». Un exemple actuel est Richard Carrier, docteur en histoire ancienne de l’Université de Columbia à New York. J’espère qu’il n’a pas lu Veyne.

L’absence d’un débat académique sur une question ne veut pas dire que personne n’est en désaccord. Cela signifie simplement que presque tous les experts sont d’accord. En ce qui concerne l’historicité de Jésus, par exemple, on voit que même un athée comme Paul Veyne, appelle «illuminés» ceux qui la nient. Un consensus n’atteint jamais exactement 100%. Mais si, bien plus de 95%.

Une autre illustration du même point : Supposons que je décide de soutenir la thèse de la terre plate. Supposons même que le professeur et ami qui occupe le bureau voisin du mien, en fasse autant. Les partisans de la terre plate pourraient-ils annoncer dès lors que l’université espagnole est divisée sur le sujet ? Serait-il légitime qu’ils proclament que les scientifiques sont en désaccords ? Bien sûr que non. Il se passerait simplement que deux hurluberlus se sont inventés un débat qui n’existe pas.

Où veux-je en venir ? Je parle souvent avec des gens qui ne savent pas trop quel est le consensus de la communauté scientifique sur l’âge de l’univers. Ils lisent sur des sites créationnistes terre jeune que certains experts, des gens titulaires d’un doctorat, des professeurs d’université, disent que le monde a 6 000 ans, et ils sont troublés, ce que je comprends très bien. Je comprends parfaitement qu’ils puissent se poser les questions suivantes :

Les réponses à ces 3 questions sont : Non, non et non. Aucun physicien dans les universités mentionnées ne vous dira que le monde a 6 000 ans. Jamais la question ne se pose dans les conférences. Quant au nombre d’articles ayant défendu la thèse d’un univers de 6 000 ans dans les revues Nature, Science, etc., ce nombre est : 0.

En cliquant sur les noms des universités, vous tomberez sur le site du département de physique de l’établissement en question. Je vous invite à vérifier par vous-même : aucun professeur, aucun groupe de recherche, personne, ne se consacre à l’examen de la possibilité d’un univers de 6 000 ans.

Comme il a été dit, un consensus n’atteint jamais exactement 100%. Il est donc parfaitement possible de trouver un docteur en Astrophysique (comme Jason Lisle), ou un professeur d’université (comme Andy McIntosh), qui sont « jeunes terre ». Mais ils demeurent une infime minorité face à l’immense majorité des experts qui pensent le contraire. Et sans vouloir offenser, cette immense majorité prend encore moins au sérieux l’idée d’un univers jeune, que les historiens prennent au sérieux les «illuminés» qui nient l’existence de Jésus ou de Shakespeare.

Rappelons au passage que comme je l’évoquais il y a peu, et comme le montre cette étude récente, la communauté scientifique n’est absolument pas un bloc homogène qui bondit à chaque mention du mot « Dieu » et a juré d’anéantir le message biblique.

Les chercheurs se posent beaucoup de question, mais « l’univers a-t-il 6 000 ans ? » n’en est vraiment pas une. Et la physique ou l’astronomie ne sont pas les seules concernées. Bien d’autres disciplines telles que l’histoire, la géologie, l’archéologie, la glaciologie, la dendrochronologie ont conclu la même chose il y a bien longtemps.

Y’a pas débat.

Notes

[1] Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Paris, Seuil, 1983, p.115-116.