Ouvrons nos Bibles et ensemble relisons le récit adamique (Ge 2-3) si vous le permettez …

Vous connaissez bien l’histoire, non ? Rappelons quand même au besoin ses grandes lignes avant d’en faire une analyse narrative un peu plus poussée. (Si vous êtes familiers, passez directement à la section analyse).


  Le récit


C’est l’histoire des origines des cieux et de la terre quand ils furent créés

La terre est vide et déserte parce que Dieu n’avait pas fait pleuvoir. 

Et le narrateur dit

qu’une vapeur s’élève de la terre et irrigue tout le sol.

Puis Dieu crée Adam de l’humus (bien humidifié) pour qu’à son tour il puisse le cultiver. Ensuite Dieu se fait jardinier : il plante un jardin où abondent les espèces et y installe l’homme. Notons que le narrateur n’indique pas le lieu d’où Adam est pris. Puis, après avoir donné quelques détails topographiques, notamment à propos des 4 fleuves, le narrateur résume ce qu’il vient juste de raconter :

L’Eternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder.
(2.15)

Le récit mentionne ensuite comment Dieu permet à l’homme de jouir de tous les fruits du jardin à l’exception de l’arbre de la connaissance. S’il en prend, certainement il mourra. Puis Dieu fait venir devant l’homme tous les animaux des champs et tous les oiseaux afin que celui-ci leur assigne un nom (signe de son autorité). Une fois sa tâche accomplie, l’homme constate sa solitude. Alors Dieu se fait chirurgien : il forme pour Adam un vis-à-vis à partir de son côté. Voyant le résultat – magnifique ! – Adam s’écrie d’allégresse et compose le premier poème de l’histoire :

Voici celle qui est os de mes os et chair de ma chair…

Et le narrateur de conclure cette section par une éloge de l’union entre l’homme et la femme, non seulement pour leur bonheur, mais pour donner la vie à leur tour.

Arrive ensuite, au chapitre 3 de la Genèse, le fameux serpent. Le protagoniste ultime. Le plus « rusé » des animaux des champs créé par Dieu. Après avoir averti son lecteur du caractère ambivalent du serpent (3.1), le narrateur nous conduit directement au cœur d’un entretient entre le serpent et la femme (v.1-6). Le narrateur nous avait préparé au pire. Et de fait ! Tonnerre ! Pas de prières, pas de discussion musclée, c’est l’uppercut ! La séduction opère. Le piège fonctionne. Du premier coup, le serpent met l’humain KO. Le lecteur est stupéfait, consterné ! Pas possible !

Honte et peur caractérisent la réaction humaine (v.7-8). Mais ce n’est pas la fin ! Revirement inattendu. Que fait Dieu ? Punir de mort Adam pour avoir mangé le fruit défendu comme il aurait été en droit de le faire ? NON !! Il descend dans la brise du soir (temps de la révélation) pour poser 3 questions très pastorales au couple en désarroi (v.9-13). Il les informe des conséquences de leur décision : ni l’homme ni la femme ne trouveront leur plénitude dans leurs dispositions naturelles respectives : le travail et l’enfantement. Dans les deux cas, s’éloigner de Dieu ne les comblera jamais totalement. Et Dieu maudit le serpent et promet que la descendance de la femme le dominera un jour (première promesse messianique).

Finalement, à la fin du récit l’homme et la femme se réconcilient (v.20) et Dieu recouvre de peaux les deux humains (v.21), signe d’accueil et de grâce (plusieurs y voient une image de la croix, la victime innocente sacrifiée). On sent que la situation a radicalement évolué par rapport à l’état initial. Pour le mieux ou pour le pire ?


Analyse narrative


Je me suis inspiré d’une méthode de lecture que l’on appelle l’analyse narrative pour tenter d’explorer et analyser le récit adamique. L’analyse narrative cherche à comprendre les stratégies narratives déployées dans le texte au bénéfice du lecteur. Ainsi, chacun des détails ne sont pas « innocents » mais sont des indices laissés par l’auteur pour guider le lecteur dans sa compréhension.

Un mot sur le genre littéraire

Genèse 2-3 fait partie des textes narratifs appelés récit. Il y a deux genres littéraires principaux dans la Genèse [1] : les récits et les généalogies. Ces listes généalogiques « Voici l’histoire de… ou Générations de » marquent d’importantes divisions du livre (2.4; 5.1: Adam; 6.9: Noé; etc. etc.). Le premier récit de création est spécial en ce qu’il combine à la fois le genre du récit (suite chronologique de 7 jours) et celui des listes généalogiques (engendrement de la lumière, du firmament, de la végétations, des astres, etc.)

Certains l’ont classé comme hymne didactique [2] puisque d’une manière très rythmé et poétique, modelé sur une période d’une semaine, il confesse qu’il n’y a qu’un seul Dieu, créateur et souverain sur toute créature, céleste ou terrestre.

La culture sémitique des hébreux valorisait l’art de raconter des histoires vivantes et captivantes, faciles à mémoriser et à transmettre aux enfants. Ces récits existentiels provoquaient – et provoquent toujours – instantanément des réactions chez ceux et celles qui l’entendent, car il est facile de s’y identifier; ils invitent, comme les paraboles, à une prise de conscience, à des décisions éthiques, etc. C’est le cas pour le récit adamique de Ge 2-3.

L’analyse du récit

Une fois bien délimité, regardons les moments principaux du récit. En me référant ici au livre de Marguerat [3], retenons 5 étapes importantes de la mise en récit de l’intrigue  :

Etape 1

LA SITUATION INITIALE (S.I.): c’est le cadre initiale de l’action. C’est l’exposition du récit: on peut y retrouver les personnages, une situation de manque, une problématique s’il y en a une. Nous proposerons une situation initiale différente de la lecture commune (Adam dans le jardin). Nous proposerons comme état initial du récit Adam hors du jardin, avant d’être « pris » par Dieu et « placé » dans le jardin.

Etape 2

LE NOEUD (N): c’est une tension narrative, une problématique ou une difficulté survient. C’est le déclenchement de l’action suite à une difficulté ou une entrave. Nous proposerons un noeud différent de ce qui est traditionnellement suggéré. Le noeud ne sera plus l’arrivée du serpent et la « chute », mais bien l’état de solitude et d’innocence (marqué par le manque de communion, de clarté, etc.) des premiers parents. En mots clairs, le noeud est le fait que les premiers parents ne savent pas qu’ils ne savent pas.

Etape 3

L’ACTION TRANSFORMATRICE  ou turning point (A.T.): c’est le pivot du récit, le moment où la situation se renverse. On voit l’acte ou l’action qui liquide la difficulté. Encore une fois, nous proposerons une explication originale, puisque c’est le dialogue avec le serpent qui liquide la difficulté. Sa ruse permet aux humains de prendre conscience de leur faiblesse et de leur besoin ontologique (si je puis m’exprimer ainsi) de Dieu.

Etape 4

LE DENOUEMENT (D): C’est l’effet de l’action transformatrice, le miroir inversé du noeud initial.

Etape 5

LA SITUATION FINALE (S.F.): c’est le retour à la normale, la disparition de la difficulté. La situation finale peut énoncer clairement ou indirectement un nouvel état, une nouvelle réalité.

eXploration_Theologique

Vision traditionnelle

Si nous appliquons ces caractéristiques au récit de Ge 2-3, la vision traditionnelle (augustinienne) propose, comme je viens de l’esquisser rapidement, cette compréhension de l’intrigue :

1 S.I.: Dieu crée l’homme et le place dans le jardin pour le cultiver. Il est appelé à mettre sa foi en Dieu, à devenir un bon intendant sur la création suivant le modèle révélé en Ge 1. Adam et Ève vivent en parfaite communion l’un l’autre et avec Dieu. Plusieurs ajoutent qu’il n’y avait aucune souffrance ni mortalité.

2 N: L’arrivée du serpent; la tentation survient et les premiers parents désobéissent. Cette faute provoque la « chute » du genre humain avec ses effets négatifs sur toute la masse humaine (c’est le péché originel). Honte et peur caractérisent l’état de péché dans lequel sont tombés Adam et Ève.

3 A.T.: Dieu descend dans le jardin, pour maudire le serpent et faire connaître le châtiment à l’humanité déchue. Puis il annonce la promesse de rétablissement et de victoire des humains sur la descendance du serpent

4 D.: Adam reprend son rôle de leader et nomme sa femme Ève (celle qui donne la vie). Certains commentateurs y voient là un acte de domination arbitraire, conséquence de la chute. D’autres y voient un acte de foi dans la promesse faite par Dieu. À mon humble avis, le reste du récit et celui de Caïn et Abel semblent aller dans le second sens. Puis Dieu revêt de peau Adam et Ève, signe d’hospitalité et de grâce. Plusieurs y voient clairement un symbole de la croix où un innocent est sacrifié pour expier la faute. Peu importe, la communion est rétablie même si le péché est entré dans le monde et continuera d’affecter toute la descendance d’Adam et Ève.

5 S.F.: Dieu chasse l’homme (« le chassa du jardin ») parce qu’il est devenu comme lui pour la connaissance du bien et du mal. Il chassa les premiers parents du jardin pour retourner cultiver la terre « d’où il avait été pris ».

Considérations

Quelques remarques importantes pour démontrer le nouveau schéma de lecture :

R1

D’abord rappelons pour ceux qui n’auraient pas lu la dernière série sur le péché originel, qu’il a été suggéré ICI  qu’en Ge 2  la « bonté » du monde n’excluait ni l’adversité, la faillibilité, l’angoisse, la fragilité, l’incertitude et les dangers inhérents à l’existence humaine. À côté du jardin, n’y avait-il pas les champs où vivaient serpent et autres animaux rusés ?

R2

Aussi, il est important de saisir la fonction symbolique du serpent qui a été expliquée ICI  qui, aux yeux d’Israël, ne représentait pas seulement « un serpent » au sens littéral, mais symbolisait le polythéisme trompeur qui régnait dans la culture. Ce polythéisme mensonger était la constante tentation pour Israël de tomber dans l’idolâtrie. Genèse 3 en fait le prototype des tentations qu’a connu Israël devant l’imminence de la conquête de la terre promise et même lors du retour d’exil. Et clairement, l’auteur en fait le prototype de toutes les tentations humaines. Le serpent étant créé par Dieu, il est le symbole des forces hostiles inhérentes à toute existence créée, présentes depuis le début de la création.

Le texte indique que ces forces sont présentes dans la création, à côté du jardin, depuis le début. Dieu seul peut en lui-même vaincre ce « non-être » inhérent à toute création libre et en devenir. Le serpent qui triomphe de l’homme au commencement de la création montre ce fait commun dans le NT : qu’il est impossible pour l’humanité de surmonter ces tentations naturelles/spirituelles par ses propres moyens naturels.

R3

Pour bien saisir le récit, il faut savoir que dans l’histoire de l’interprétation de ce texte, plusieurs grands théologiens y ont vu une lecture ascendante, où Dieu créé toute chose bonne, mais en devenir, non achevée dès le départ. Dans cette lecture, Adam et Ève n’étaient pas l’aboutissement de la création, mais le commencement (Christ étant l’aboutissement) ; Adam et Ève étaient comme de petits enfants encore immatures, devant grandir pour atteindre la perfection. Cet état d’innocence demandait à être surmonté.

On pourrait même dire qu’Adam, bien qu’innocent et exempt de péché lors de sa création, n’était ni parfait, ni saint dès sa création, mais il était en régime de conversion. Le serpent a toujours pour rôle de montrer la fragilité et la finitude humaine afin de conduire l’humanité dans les bras de Dieu et d’y découvrir la grâce. C’est seulement à ce moment-là que l’homme peut se convertir et être conduit à une foi véritable.

Ainsi, leur expérience de la désobéissance ne fut pas une tragédie fatale. Elle leur a permis de découvrir leur finitude, mais surtout de faire l’expérience de la grâce divine sans laquelle il est impossible d’aimer et de suivre Dieu. Pour Irénée de Lyon, cette expérience de faute, Dieu l’a permise comme faisant partie de leur processus de maturation, afin qu’en faisant l’expérience du mal, ils puissent apprendre à discerner entre les deux, et choisissent le bien et non le mal [4].

R4

Dernière remarque, dans le dernier article de cette série, j’ai même osé dire que la figure du serpent devient nécessaire pour que l’humanité connaisse pleinement qui est Dieu. Non seulement révèle-t-il son drame intérieur, mais lui permet-il de lui révéler la grâce originelle, celle qui anime Dieu depuis toute éternité : l’amour de Dieu qui est prêt à se manifester dès la première offense.

Nouvelle perspective tirée de l’analyse narrative

Voici donc un nouveau schéma narratif de Ge 2-3, présenté à partir des éléments de l’analyse narrative mentionnée plus haut.

1 La situation initiale: Ge 2.4-7: C’est la création d’Adam hors du jardin.

Clairement, l’auteur mentionne que la création d’adam est antérieure à l’installation dans le jardin. En relisant bien le récit, l’homme est créé avant le jardin. Puis dans un second temps Dieu plante le jardin et « le pris et l’installa », ce qui est clairement le signe de l’élection de l’humanité comme image de Dieu. Dieu choisit l’homme pour être son représentant, pour garder et cultiver le jardin. Ce jardin est un symbole dans le POA d’un temple pour divinité. [5]

2 Le nœud: Ge 2.8-25
Or bien qu’élu, l’homme nouvellement créé ne connaît pas encore Dieu entièrement. Peut-être sa foi naissante ne connaît-elle de Dieu que ce que peut en connaître la révélation générale ? Or dans le jardin, l’homme apprend sa mission (garder et cultiver) ainsi que ses limites (« tu ne mangeras pas »). Il prend conscience de sa liberté et de sa responsabilité devant Dieu (2.16-17) et cela cause une certaine angoisse qu’il est possible de repérer dans le texte. Par exemple une analyse fine du texte dévoile une absence de communion parfaite d’Adam :

  1. Avec la nature : il y a près de chez lui un champ avec des animaux rusés dont il n’est pas encore maître et qui d’ailleurs viennent se confronter à lui.
  2. Avec Ève : Notez l’absence d’Adam lorsque le serpent vient dans le jardin discuter avec Ève ; aussi le manque de dialogue et de leadership d’Adam lors de la prise de décision de manger le fruit défendu. Cette absence n’est pas le fruit du hasard. Il révèle un manque de communion.
  3. Avec Dieu Notez par exemple comment la femme fait référence à Dieu en utilisant non pas le nom d’alliance « YHVH » comme le fait le narrateur de Ge 2-3, mais en employant le nom générique « Élohim ». Remarquez deuxièmement comment la femme ne saisit pas bien le commandement divin de ne pas manger le fruit de la connaissance. Elle y ajoute « vous n’y toucherez pas » ! Cet ajout ne marque-t-il pas une peur, une mauvaise impression que ne corrige pas Adam ? Finalement, vous aurez noté l’absence de relation avec Dieu: Personne ne consulte/prie Dieu devant la tentation. D’ailleurs l’auteur ne mentionnera qu’en Ge 4.26 que l’humanité commence à invoquer le nom de l’Éternel.

3 L’action transformatrice (ou turning point): Ge.3.7
L’action transformatrice est la venue du serpent qui révèle le drame intérieur, le manque de communion, l’insatisfaction des premiers parents. Dieu permet cette tentation afin que les premiers humains prennent conscience de leur finitude et puissent après découvrir la grâce abondante de Dieu, seule capable de leur permettre se surmonter l’adversité inhérente à l’existence. « Leurs yeux s’ouvrirent » est l’action transformatrice. Elle suit la séduction du serpent et la désobéissance. L’interdit de manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal avait suscité la convoitise, éveillé le sentiment de fragilité, l’angoisse devant la liberté que le serpent vient tout simplement de montrer.

Ce trouble originel restait voilé au cœur de l’homme, mais non pas aux yeux de Dieu. L’échec de l’humanité devant le serpent, loin d’être une tragédie, était naturellement inévitable : l’homme naturel ne peut surmonter toutes les tentations par lui-même, surtout pas celle d’être comme Dieu (tout-puissant, etc.). Cette prise de conscience voulue par Dieu est L’action transformatrice.

4 Le dénouement : Ge 3. 8-21
Le dénouement doit répondre au nouement (le nœud du départ). Dieu manifeste sa grâce. Il ne punit pas Adam de mort, mais descend dans le jardin le secourir.

D’abord par ces 3 questions, Dieu met en lumière la condition existentielle de l’humanité :

  1. Où es-tu ?
  2. Qui t’a appris ?
  3. Pourquoi as-tu fait cela ?

Puis par les 3 châtiments :

  1. domination de l’homme
  2. grossesse dans la douleur
  3. peine dans le travail

Dieu montre que toute activité humaine, les orientations naturelles de l’homme et de la femme, ne pourront jamais procurer la plénitude recherchée. C’est une caractéristique de l’humanité adamique : poussière tu es, poussière tu retourneras.

On voit finalement qu’Adam et Ève font confiance à Dieu et Adam nomme sa femme « Ève », manifestant sa foi dans la promesse de victoire de la descendance de la femme.

L’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peaux, et il les en revêtit.

Voilà que Dieu revêt de peaux le couple réuni, signe de grâce et d’hospitalité. Quel dénouement !

5 La situation finale: Ge 3.22-24
Le couple retourne hors du jardin (comme l’était Adam lorsque Dieu le créa). Regardez que c’est le singulier qui est écrit:

L’Éternel LE chassa pour qu’IL cultive la terre d’où IL avait été prit.

Adam retourne là où il était au début au commencement du récit.

Il n’y a donc pas de « chute » mais un état différent de celui à l’origine. Adam innocent est devenu Adam conscient du bien et du mal. Certes le péché est entré. Mais Adam a aussi connu la grâce. Péché originel correspond à grâce originelle.


Conclusion


Le schéma narratif proposé ici suggère de modifier le nœud du récit. Il ne s’agirait pas de la venue du serpent et de la chute de l’homme, mais de la fragilité humaine pré-lapsaire (avant la chute) mise en évidence par le commandement et révélée par la tentation.

Ce schéma montre que l’adversité est inhérente à l’existence créée, ce qui est conforme à ce que la science enseigne (Teilhard de Chardin). L’adversité, sa souffrance et la mort ne viennent pas après la chute. Elles sont présentes dès le début.

Ce schéma respecte amplement les données anthropologiques révélées par les sciences humaines. L’homme a évolué à partir d’un ancêtre commun à toutes les espèces et est parvenu, dans son processus évolutif, à la foi en Dieu. Les premiers balbutiements erratiques de sa foi naissante n’ont pas mis fin au plan de Dieu. Dieu l’a choisi, pris et installé afin qu’il soit à son image. La désobéissance permit à Dieu de manifester sa miséricorde et grâce pour que la relation librement consentie devienne encore plus profonde et authentique.

La « grâce originelle » est présente dans tout le prologue de Genèse (Ge 1-11) et se trouve explicitement mentionnée en Ge 6.8. On retrouve la grâce dans 1- le récit d’Adam (Dieu descend vers eux, ne les tue pas mais les revêtit de peaux). 2- Dans le récit de Caïn (le signe en 4.15). 3- En Genèse 6 (le récits des Fils de Dieu où il est écrit : « Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Éternel » (6.8). On retrouve le signe de l’arc-en-ciel (9.8) et jusqu’à l’appel d’Abram le païen de Mésopotamie.

Replacé dans son contexte historique et littéraire, le prologue de Genèse peut se lire comme un récit d’évangélisation. Il illustre aux lecteurs du POA que tous les hommes, depuis le premier, ont besoin de Dieu. Aucun ne peut, par ses propres moyens, résister à la tentation du serpent, symbole de toutes forces aliénantes.

À l’instar de Ge 1, Ge 2-3 est un récit « apologétique » redoutable qui d’ailleurs a su éclipser pour toujours tous les autres mythes du genre qui pullulaient dans le POA et ailleurs. Le récit de Ge 2-3 montre aux nations leur situation devant Dieu : à la fois unique et glorieuse avec Dieu, à la fois faillibles, fragiles, dépendantes de Dieu et facilement séduites sans Dieu.

Et puis il montre aux nations le vrai visage de Dieu. Ce que Dieu veut, ce n’est pas punir et condamner le pécheur. En permettant le péché, il souhaite sa repentance, la confiance en sa grâce, et une vie marquée par la lutte contre le mal en vue de la justice (jamais parfaitement atteinte en ce monde).

Contrairement à ce que croyaient les peuples de l’antiquité, Dieu n’est pas contre l’homme, ou préoccupé par son bien-être personnel, mais il est pour l’homme et veut la victoire contre le mal (naturel ou commis).

Oui il y a eu un péché originel, mais la grâce originelle est agissante depuis le début en chaque être humain.

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Notes

[1] Westermann, Claus (1986), Genesis 1-11: A Commentary, Minneapolis

[2] LaCocques, André (1998) Penser la Bible, Ed du Seuil,

[3] Pour lire les récits bibliques (2009) Daniel Marguerat et Yvan Bourquin, ed. Cerf, Paris

[4] Irénée de Lyon, La prédication des apôtres et ses preuves ou la foi chrétienne, DDB, 1977

[5]  Richelle, Adam, qui es-tu ? , 2013