Cet article fait partie des compléments du Livre Origines de Deborah et Loren Haarsma – Cliquez ici pour le sommaire –

Il y a un argument encore utilisé par nombreux sites et publications créationnistes de la jeune terre : l’argument du sel de l’océan.

De l’eau fraîche de pluie et de neige coule sur de la terre et sur des pierres jusqu’à des cours d’eau et des rivières et finalement dans l’océan. Sur le chemin, elle dissout beaucoup de sels (des minéraux comme le calcium, le sodium et le fer). L’eau s’évapore de l’océan mais laisse les sels dans l’océan.

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En ne se basant que sur ces faits, il semble que la totalité de sel dans l’océan devrait augmenter constamment. Vers la fin des années 1800, un scientifique, John Joly, a essayé d’utiliser cette information pour déterminer l’âge des océans, en supposant que les océans étaient initialement de l’eau pure. Il a calculé la quantité de sodium ajoutée à l’océan chaque année et l’a divisée dans la quantité totale de sodium déjà présente dans les océans de la terre. Joly a calculé que l’océan avait entre 80 et 90 millions d’années (“An Estimate of the Geological Age of the Earth,” Smithsonian InstitutionAnnual Report for the Year Ending June 30, 1889; Government Printing Office, 1901).

Ce que Joly ne savait pas, c’est que le sodium et les autres sels sont enlevés de l’océan de plusieurs façons. Celles-ci incluent la formation de plaines de sel, les réactions chimiques de sels avec le sol de l’océan, et les organismes vivants prenant et déposant les sels par les restes de leur squelette sur le sol de l’océan. Des lits de sel, dans certains cas faisant plus de 1.6km d’épaisseur, sont découverts au milieu de couches de roche à différents endroits sur la terre (Kozary et. al., “Incidence ofSaline in Geologic Time,” GSA Special Paper, 1968).

Si le sodium entre et sort de l’océan à même proportion, établissant un équilibre, alors les calculs de Joly ne donnent pas l’âge de l’océan. Ils donnent plutôt le temps de résidence du sodium, c’est-à-dire le temps moyen pendant lequel un atome de sodium reste dissous dans l’eau de l’océan avant d’en être enlevé. Par analogie, imaginez un supermarché dans lequel de nouveaux clients entrent à la fréquence de deux clients par minute. Une fois que le magasin a été ouvert depuis un moment, les clients quittent le magasin à proportion de ceux qui y entrent. Chaque minute, deux clients quittent le magasin et deux autres y entrent. Supposons maintenant que vous comptez 50 clients dans le magasin. Cela ne signifierait pas que le magasin n’est ouvert que depuis 25 minutes ; cela signifie plutôt que chaque client passe en moyenne 25 minutes dans le magasin avant de le quitter – et nous donne le temps de résidence des clients. Le magasin lui-même aurait pu être ouvert depuis une heure, huit heures, ou encore bien plus longtemps.

Les scientifiques des années 1900 ont étudié la vitesse à laquelle les différents sels s’enlèvent et s’ajoutent à l’océan. Un tableau des temps de résidence pour nombreux sels a été édité par J.P. Riley et G. Skirrow et publié dans Chemical Oceanography (AcademicPress, 1965). Les temps de résidence varient de 100 ans pour l’aluminium, qui est enlevé rapidement de l’eau de l’océan, à 260 millions d’années pour le sodium, qui en est enlevé lentement. La communauté scientifique majoritaire a continué à étudier les processus qui ajoutent et enlèvent les sels de l’eau de l’océan. Nombreuses observations soutiennent la conclusion que, à part quelques fluctuations temporaires, les sels de l’océan sont équilibrés depuis des milliards d’années.

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En 1974, Henry Morris et d’autres créationnistes de la jeune terre ont publié le livre Scientific Creationism (Creation-Life Publishers, 1974). Ce livre fait la liste de plusieurs valeurs de temps de résidence à partir de données de l’océanographie chimique mais les décrit plutôt comme les « années d’accumulation dans l’océan en venant de courants de la rivière. » Les temps de résidence ont été présentés de façon erronée comme des calculs d’âge. Puisque la plupart des temps listés sont de moins d’un milliard d’années, ils ont été présentés comme la preuve que l’âge de l’océan devait être de moins d’un milliard d’années. Puisque la plupart des temps listés font bien plus que 10,000 ans, ils n’étaient pas décrits comme de vraies mesures d’âge mais comme les « limites maximales » de l’âge de l’océan. (Ils supposaient que l’océan avait été créé initialement avec du sel.) Melvin Cook, un partisan de la jeune terre, a suivi la voie du Scientific Creationism et a commencé a utiliser cet argument pour la jeune terre dans ses publications et discussions. [les quatre paragraphes précédents résument le chapitre 5 de Science Held Hostage de Howard Van Till, Davis Young, and Clarence Menninga (Downers Grove, Ill.: InterVarsity Press, 1988).]

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En 1990, une version plus sophistiquée de l’argument du sel de la mer a été publiée par les créationnistes de la jeune terre Steve Austin et Russell Humphreys (“The Sea’s Missing Salt: A Dilemma for Evolutionists,” Proceedings of theSecond International Conference on Creationism, 1990). Ils reconnaissaient que du sodium était enlevé de l’océan ; cependant, ils soutenaient que le sodium ne s’équilibre pas. Ils ont fait la liste de onze mécanismes qui ajoutent du sodium dans l’océan et de sept mécanismes qui enlèvent le sodium de l’océan. Ils ont essayé de calculer les proportions totales d’afflux de sodium et d’enlèvement de sodium. Ils soutenaient sur la base de leurs calculs que l’extraction de sodium n’est que de 27% plus rapide que l’afflux de sodium. Ils ont ensuite utilisé leurs taux d’afflux et d’enlèvement, avec la quantité totale de sodium actuellement dans l’océan, pour calculer un âge maximal pour l’océan de 62 millions d’années.

Cette nouvelle version de l’argument du sel de l’océan est une amélioration des anciennes versions. Il est louable qu’Austin et Humphreys notent qu’il y a plusieurs mécanismes qui enlèvent le sodium, et qu’ils aient essayé d’en rendre compte. Cependant, l’utilisation de cet argument par des créationnistes de la jeune terre diffère d’une pratique scientifique ordinaire de plusieurs façons. Austin et Humphreys ont conclu que la terre ne pouvait pas être âgée de milliards d’années ; cependant, d’autres conclusions peuvent être tirées de leurs calculs :

  • Ils ont peut-être sous-estimé le taux de l’enlèvement de sodium dans les sept mécanismes de leur liste.
  • D’autres mécanismes d’enlèvement de sodium qu’ils n’ont pas inclus dans leur liste pourraient exister.
  • Les niveaux de sodium dans l’océan pourraient avoir fluctué à travers l’histoire de la terre, avec des périodes (comme la période présente) aux taux d’afflux de sodium plus élevés et d’autres périodes dans le passé aux taux plus élevés d’enlèvement.

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Il serait scientifiquement prudent de mentionner ces autres conclusions possibles, surtout étant données les nombreuses autres lignes de preuves des géologues selon lesquelles la terre est ancienne et le sodium est en équilibre depuis des milliards d’années. Mais les publications des créationnistes de la jeune terre, désireux d’utiliser les calculs d’Austin et de Humphreys comme des preuves en faveur de la jeune terre, mentionnent rarement voire jamais ces autres possibilités.

Les calculs d’Austin et de Humphreys ne sont pas passés par un examen de leurs pairs, par une communauté scientifique plus large – une étape cruciale pour vérifier leur validité. Leurs calculs des taux d’influx et d’enlèvement du sodium semblent avoir été publiés seulement dans des cercles de créationnistes de la jeune terre, plutôt que dans des journaux scientifiques principaux. Les créationnistes de la jeune terre accusent fréquemment les scientifiques principaux d’ignorer ou de supprimer leur travail à cause d’un biais contre la jeune terre. Mais, en fait, ils accueillent souvent ce qui met au défi leur modèle standard s’il est basé sur des calculs précis et des données fiables. S’il est vrai que les journaux scientifiques principaux auraient de la réticence à l’idée de publier un article soutenant explicitement la thèse d’une jeune terre, il devrait être possible de soumettre ces calculs à un journal ou à une conférence scientifiques, pas en tant qu’argument pour la jeune terre, mais simplement en tant que défi à l’idée que le sodium des océans soit actuellement en équilibre.

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Glen Morton, un géologue et un créationniste de la vieille terre, a examiné ce travail. Il soutient qu’Austin et Humphreys ont sous-estimé certains taux d’enlèvement du sodium dans leur liste de sept mécanismes et qu’ils en ont oublié quelques autres. Ses calculs impliquent que le sodium dans l’océan est réellement en équilibre. On peut trouver les calculs de Morton sur ces sites :

Les créationnistes de la jeune terre, cependant, ont rejeté les arguments de Morton et continuent à utiliser les arguments de Austin et de Humphreys sur leurs sites web et dans leurs publications.

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Dans une pratique scientifique ordinaire, un tel résultat – qui n’a pas encore été revu par des pairs et qui entre en conflit avec beaucoup d’autres résultats scientifiques bien établis – serait présenté avec prudence jusqu’à ce qu’il puisse être mieux étudié. Les publications et les sites web des créationnistes de la jeune terre affirment cependant que ce résultat prouve que la terre doit être jeune et que tous les arguments de la science majoritaire pour une terre ancienne doivent être faux. Cela égare les chrétiens qui ne sont pas des scientifiques et qui ne connaissent pas le tableau scientifique plus large. Cet argument n’est pas utilisé comme une hypothèse scientifique ; au lieu de cela, il est sorti de son contexte scientifique plus large et utilisé pour promouvoir une interprétation particulière de l’Ecriture.

© 2007 by Faith Alive Christian Resources, 2850 Kalamazoo Ave. SE, Grand Rapids, MI 49560.
Traduction avec autorisation : scienceetfoi.com

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