Le contenu de ces articles a été donné sous forme de conférence le 9 Novembre 2004 à Cambridge par le professeur Alister Mc Grath.

Alister McGrath

La science a-t-elle éliminé Dieu ?

Richard Dawkins et le sens de la vie

 

Contenu

 

Introduction

Les critiques de Dawkins à propos de la foi Le darwinisme a-t-il éliminé Dieu ?

La foi et les preuves

Dieu est-il un virus, un « mème » ?

La religion appauvrit-elle notre vision de l’univers ?

La religion est-elle une chose néfaste ?

Conclusion

Bibliographie

Introduction

C’est un grand plaisir pour moi de parler avec vous d’un sujet passionnant : la façon dont l’athéisme de Richard Dawkins est fondée sur sa compréhension des sciences naturelles. J’ai fait connaissance avec le travail de Richard Dawkins pour la première fois en 1977, en lisant son 1er livre important, The Selfish Gene. Je finissais ma thèse en biochimie à l’Université d’Oxford, sous la supervision géniale du Professeur George Raada qui devint le chef exécutif du Conseil pour la Recherche Médicale. J’essayais de comprendre les raisons pour lesquelles les membranes biologiques sont si efficaces, en développant de nouvelles méthodes physiques d’étude de leur comportement.

The Selfish Gene était un livre merveilleux, une œuvre majeure de vulgarisation scientifique. Pourtant, le traitement réservé à la religion –tout particulièrement ses idées sur le « meme » (répliquant intellectuel ou « virus de la pensée ») de Dieu – était insatisfaisant. Dawkins offrait quelques tentatives pour expliquer ce qu’est la « foi », sans établir une base analytique et argumentaire appropriée pour ses réflexions. J’ai trouvé ça intriguant, et me suis dit qu’un jour j’y répondrai. Vingt cinq années plus tard, j’ai mis cette réponse par écrit, vous la trouverez dans Dawkins’ God : Genes, Memes and the Meaning of Life.1

Pendant ce temps, Dawkins a continué d’écrire une série de livres brillants et provocateurs, et j’ai dévoré chacun d’entre eux avec intérêt et admiration. Dawkins fit suivre The Selfish Gene de The Extended Phenotype (1981), The Blind Watchmaker (1986), River out of Eden (1995), Climbing Mount Improbable (1996), Unweaving the Rainbow (1998),une collection d’essais A Devil’s Chaplain (2003), et plus récemment The Ancestor’s Tale (2004). Pourtant, le ton et le centre d’intérêt de ses écrits avaient changé. Comme le philosophe Michael Ruse l’a souligné dans sa critique de The Devil’s Chaplain, « L’intérêt de Dawkins pour la vulgarisation scientifique s’est transformée en une attaque tous azimuts contre le Christianisme. »2 Le grand vulgarisateur scientifique était devenu un polémiste anti-religieux acharné, prêchant plutôt qu’argumentant (c’était du moins mon impression). Pourtant je restai intrigué. Laissez moi vous expliquer pourquoi.

Dawkins écrit avec érudition et sophistication sur les problèmes de l’évolution biologique, il maîtrise visiblement les subtilités de sa matière et la littérature étendue sur le sujet. Pourtant, quand il s’agit de Dieu, nous avons l’impression d’entrer dans un monde tout différent. Les raisonnements rigoureux basés sur des preuves semblent loin derrière, et sont remplacés par des affirmations exagérément enthousiastes et enflammées, épicées de quelques simplifications stupéfiantes et excessives et plus d’une déformation (accidentelle, je suppose) pour faire des affirmations superficielles. Plus fondamentalement, Dawkins ne parvient pas à démontrer la nécessité scientifique de l’athéisme. Paradoxalement, l’athéisme luimême apparaît être une forme de foi, présentant une correspondance conceptuelle remarquable avec le théisme.

Mon approche sera simple. Mon but est de remettre en question le lien intellectuel entre les sciences naturelles et l’athéisme qui sature les écrits de Dawkins. Dawkins passe de la théorie darwinienne de l’évolution à une vision athée du monde sûre d’elle-même qu’il prêche avec ce qui ressemble à un zèle messianique et une conviction inattaquable. Mais ce lien est-il solide ? Je veux souligner qu’il ne s’agit pas pour moi de critiquer la science de Dawkins ; après tout, c’est la responsabilité de la communauté scientifique dans son ensemble. Mon but est plutôt d’explorer le lien problématique que Dawkins présuppose à certains moments et qu’il défend à d’autres, entre la méthode scientifique et l’athéisme.

Étant donné que j’entreprends ici la critique de Dawkins, il est important que ce soit clair que j’ai du respect et même de l’admiration pour lui dans certains domaines. D’abord, c’est un communicateur hors paire. Lorsque j’ai lu son livre The Selfish Gene pour la première fois en 1977, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un livre formidable. J’admirais son usage magnifique des mots, et son habileté à expliquer si clairement des idées scientifiques cruciales et pourtant difficiles. C’était de la vulgarisation scientifique à son plus haut niveau. Il n’est donc pas surprenant que le New York Times le commente ainsi : « C’est le genre d’écrit scientifique populaire qui donne l’impression au lecteur d’être un génie. » Depuis lors, cette même éloquence et cette clarté sont généralement restées sa marque de fabrique.

Deuxièmement, j’admire son souci de la promotion d’arguments basés sur des preuves. Tout au long de ses écrits, nous trouvons la demande constante de justification de toute affirmation. Toute affirmation doit être basée sur des preuves, pas sur des préjugés, la tradition ou l’ignorance. C’est la conviction que ceux qui croient en Dieu le font en dépit de l’absence de toute preuve qui donne autant de passion et d’énergie à son athéisme. Tout au long des écrits de Dawkins, les charlatans religieux sont démonisés comme malhonnêtes, menteurs, idiots ou fripons, incapables de répondre honnêtement au monde réel, et préférant inventer un monde faux, pernicieux et illusoire. Douglas Adams se souvient entendre Dawkins dire : «  Je ne pense pas être arrogant, mais je suis peut-être impatient avec ceux qui ne partagent pas avec moi la même humilité en face des faits. » 3 Nous grimacerons peut-être devant la pompe de cette remarque qui rappellera peut-être aux lecteurs chrétiens la propre justice légendaire des pharisiens. Pourtant, cette phrase  contient une vérité importante – le besoin d’argumenter sur la base de preuves.

Les critiques de Dawkins à propos de la foi

Pour commencer, établissons les raisons fondamentales pour lesquelles Dawkins est si critique vis-à-vis de la foi. Ces critiques sont dispersées dans tous ses écrits, il sera utile de les regrouper pour donner une vision cohérente de ses préoccupations.

1Une vision darwinienne du monde rend la croyance en Dieu non nécessaire ou impossible. Simplement suggérée dans The Selfish Gene, cette idée est développée en détail dans The Blind Watchmaker.

2La religion fait des affirmations fondées sur la foi, ce qui représente un recul dans une recherche de la vérité basée sur des preuves. Pour Dawkins, la vérité est fondée sur des preuves explicites ; toute forme d’obscurantisme ou de mysticisme basé sur la foi doit être attaquée vigoureusement.

3La religion propose une vision appauvrie du monde. “L’univers présenté par la religion organisée est un univers médiéval sombre, exigu et extrêmement limité”. Par contraste, la science offre une vision brillante et audacieuse de l’univers dans sa grandeur, sa beauté et sa majesté.

4La religion conduit au mal. Elle est comme un virus malin, infectant les esprits humains. Ce n’est pas un jugement d’ordre strictement scientifique, en ce que, comme Dawkins le souligne souvent, « la science n’a aucune méthode pour décider de ce qui est éthique. »5 C’est pourtant une objection morale contre la religion profondément enracinée dans la culture  et dans l’histoire occidentale, qui doit être envisagée avec le plus grand sérieux.

Dans cette conférence, je vais m’engager avec Dawkins sur cinq sujets polémiques contre la croyance en Dieu, identifier la trajectoire de son argumentation, et soulever des questions sur ses fondations logiques. Je ferai parfois référence à la théologie chrétienne –principalement pour corriger certaines mauvaises compréhensions de Dawkins-, mais le plus souvent, je m’appuierai sur l’histoire et la philosophie des sciences naturelles. Voici un résumé rapide des cinq thèmes que nous aborderons

1Dawkins affirme qu’une vision darwinienne du monde rend la croyance en Dieu non nécessaire ou intellectuellement impossible. Accepter une vision darwinienne du monde conduit à l’athéisme. Simplement suggérée dans The Selfish Gene, cette idée est développée en détail dans The Blind Watchmaker.

2Dawkins affirme que la foi « est une confiance aveugle, en l’absence de toute preuve. »

3La raison pour laquelle la croyance en Dieu reste si répandue est due à l’efficacité de son mode de propagation, et pas à la cohérence de ses arguments. Ce moyen de propagation est parfois appelé « virus » ou « meme », qui infecte les esprits sains et en bonne santé.

4La foi présuppose et propage une vision déficiente, misérable et limitée de l’univers, par contraste, la science offre une vision brillante et audacieuse de l’univers dans sa grandeur, sa beauté et sa majesté.

5La foi conduit à la violence, aux mensonges et à la déception, son élimination ne peut donc être qu’une bonne chose pour la race humaine.

Passons dés maintenant au 1er de ces points.

Le darwinisme a-t-il éliminé Dieu ?

Dawkins affirme qu’avant Darwin, il était possible de voir le monde comme conçu par Dieu ; après Darwin, nous ne pouvons parler que d’une « illusion de conception ». Un monde darwinien n’a pas de but, et nous nous illusionnons nousmêmes si nous croyons le contraire. Si l’univers ne peut pas être qualifié de « bon », il ne peut pas être qualifié de « mauvais » non plus.

« L’univers que nous observons a exactement les propriétés attendues si, à sa racine, il n’y avait pas de conception, pas de but, pas de bien ni de mal, rien que de l’indifférence sans pitié. »8

Pourtant, certains insistent sur le fait qu’il semble bien qu’il y ait un « but » aux choses, et citent leur conception apparente comme argument. Certainement, disentils, la structure complexe de l’œil humain pointe vers quelque chose qui ne peut pas être expliqué par des forces naturelles, et qui nous oblige à évoquer un créateur divin en tant qu’explication. Comment comprendre autrement les grandes structures complexes que nous observons dans la nature ?9

La réponse Dawkins est avant tout exprimée dans deux livres : The Blind Watchmaker et Climbing Mount Improbable. L’argument fondamental commun au deux ouvrages est que les choses ont évolué à partir de simples commencements, sur de longues périodes de temps.10

« Les êtres vivants sont trop improbables et trop magnifiquement “conçus” pour être arrivés à l’existence par hasard. Comment alors sont-ils arrivés là? La réponse, celle de Darwin, est celle d’un processus graduel, pas à pas, des transformations à partir de simples précurseurs, des entités primordiales suffisamment simples pour être arrivées à l’existence par hasard. Chaque étape dans le processus évolutif graduel a été assez simple, par rapport à son prédécesseur, pour arriver par hasard. Mais la séquence totale des étapes cumulées n’a rien d’un processus laissé au hasard. »

Ce qui semble être un développement très improbable doit être placé face à l’énormité des périodes de temps envisagées par le processus évolutif. Dawkins illustre cette idée en utilisant l’image métaphorique du « Mont Improbable ». Vues sous un certain angle, «  ses falaises abrupts et verticales » semblent impossibles à franchir. Mais d’un autre point de vue, la montagne possèdent des «  prairies verdoyantes gentiment inclinées, disposées graduellement et accessibles dans la direction du sommet lointain. »11

L’ « illusion de conception », argumente Dawkins, n’arrive que parce que nous considérons intuitivement les structures comme étant trop complexes pour être arrivées par hasard. Un très bon exemple est fournit par l’œil humain, cité par certains comme l’exemple d’une nécessaire création directe de Dieu, prouvant par là son existence. Dawkins montre comment, pendant suffisamment de temps, un organe aussi complexe peut avoir évolué à partir de quelque chose de beaucoup plus simple.12

Il ne s’agit que de darwinisme standard. Ce qui est nouveau dans la présentation, c’est la lucidité, les images détaillées et la défense de ces idées au travers de cas judicieusement sélectionnés et d’analogies attentivement construites. Dawkins voit pourtant le darwinisme comme une vision du monde plutôt que comme une simple théorie biologique lorsqu’il n’hésite pas à pousser ses arguments bien audelà des limites de la biologie pure. Le mot « Dieu » est absent de l’index de The Blind Watchmaker précisément parce qu’il est absent du monde darwinien que Dawkins habite et dont il fait éloge.13 Le processus évolutif ne laisse pas de place conceptuelle à Dieu. Ce qui était expliqué par les générations précédentes par un appel au créateur divin s’explique dans un cadre darwinien. Il n’y a plus besoin de croire en Dieu après Darwin.

Si Dawkins a raison, alors il n’y a plus besoin de croire en Dieu pour offrir une explication scientifique du monde. Certains tireraient peut-être la conclusion que le darwinisme encourage l’agnosticisme, en laissant la porte ouverte à une lecture chrétienne ou athée des choses- en d’autre termes en les permettant, mais pas en les rendant nécessaires. Mais Dawkins ne va pas laisser les choses à ce stade : pour Dawkins, Darwin nous pousse à l’athéisme. Et c’est ici que cela devient problématique. Dawkins a certainement montré qu’une description purement naturelle de l’histoire et de l’état actuel des organismes vivants peut être offerte. Mais pourquoi cela conduirait-il à l’idée que Dieu n’existe pas ? Plusieurs suppositions non explicitées et non remises en question sous-tendent cet argument.14

Nous allons explorer l’une d’entre elles : le point fondamentale est que la méthode scientifique est incapable de trancher à propos de l’hypothèse-Dieu, que ce soit positivement ou négativement. Ceux qui croient que la science prouve ou contredit l’existence de Dieu utilise cette méthode au-delà de ses limites légitimes, et courent le risque d’en abuser ou de la discréditer. Des biologistes reconnus (comme Francis Collins, directeur du Human Genome Project) pensent que les sciences naturelles créent une présomption positive en faveur de la foi ;15 d’autres (comme le biologiste évolutionniste Stephen Jay Gould) que les sciences ont des implications négatives sur les croyances théistes. Mais ils ne prouvent rien, en aucune manière. Si la question de Dieu doit être tranchée, elle doit l’être sur un autre terrain.

Cette idée n’est pas nouvelle. En effet, la reconnaissance des limites religieuses de la méthode scientifique était bien comprise à l’époque de Darwin luimême. Le « bulldog de Darwin », T.H. Huxley écrivait en 1880 :

« Il y a environ 20 ans, j’ai inventé le mot “agnostique” pour décrire les gens qui, comme moi, confessent leur profonde ignorance sur une quantité de sujets, à  propos desquels les métaphysiciens et les théologiens, à la fois orthodoxes et non orthodoxes, dogmatisent avec tant de confiance. »

Huxley, excédé par à la fois les athées et les théistes qui faisaient des affirmations dogmatiques sur la base de preuves empiriques inadéquates, déclara que la question de Dieu ne pouvait pas se résoudre sur la base de la méthode scientifique.

« L’agnosticisme est l’essence même de la science, qu’elle soit ancienne ou moderne. Cela signifie simplement qu’un homme ne devrait pas affirmer savoir ou croire quelque chose pour lequel il n’a pas de fondement scientifique pour connaître ou croire… En conséquence, l’agnosticisme met de côté non seulement la plus grande partie de la théologie populaire, mais aussi celle de l’anti-théologie. »

Les arguments de Huxley sont tout aussi valables aujourd’hui qu’ils l’étaient à la fin du XIXème siècle, en dépit des protestations de tout bord à propos du grand débat sur Dieu.

Dans une critique d’un travail anti-évolutionniste de 1992 qui affirmait que le darwinisme était nécessairement athée,17 Stephen Jay Gould invoqua la mémoire de

Mme McInerney, sa maîtresse de CE2 qui avait l’habitude de donner des petits

coups secs sur les articulations des doigts de la main de ceux qui disaient des choses particulièrement stupides :

« Je le dis à tous mes collègues pour la mille et unième fois…: la science ne peut tout simplement pas  (par ses méthodes légitimes) trancher sur le problème du contrôle transcendant de Dieu sur la nature. Nous ne pouvons ni l’affirmer ni le nier; nous ne pouvons tout simplement pas le commenter en tant que scientifiques. Si certains parmi nous affirment péremptoirement que le darwinisme prouve que Dieu n’existe pas, alors j’irai trouver Mme McInerney pour qu’elle leur donne une correction (à partir du moment où elle traitera de la même façon ceux qui parmi nous ont dit que le darwinisme devait être la méthode d’action de Dieu). »

Gould soulignait à juste titre que la science ne peut travailler qu’avec des explications naturalistes ; elle ne peut affirmer ou nier l’existence de Dieu. Pour Gould, le darwinisme n’a aucun rapport avec l’existence ou la nature de Dieu. C’est un fait observable que parmi les biologistes évolutionnistes, certains sont athées et d’autres théistes- il cite des exemples tels que l’humaniste agnostique G. G. Simpson et le chrétien orthodoxe russe Theodosius Dobzhansky. Ceci l’amène à conclure :

« Ou bien la moitié de mes collègues sont très stupides, ou bien la théorie de Darwin est pleinement compatible avec des croyances religieuses conventionnelles- et également compatible avec l’athéisme. »

Si les Darwiniens choisissent de dogmatiser en matière de religion, ils sortent des traces étroites de la méthode scientifique, et terminent leur course dans de mauvais terrains philosophiques. Ou bien une conclusion ne peut pas être atteinte sur de tels sujets, ou bien elle doit l’être sur d’autres terrains que la science.

Dawkins présente le darwinisme comme une super autoroute intellectuelle pour l’athéisme. En réalité, la trajectoire intellectuelle tracée par Dawkins semble déboucher dans l’ornière de l’agnosticisme. Et ayant calé à cet endroit, elle y reste. Il y a un saut logique substantiel entre le darwinisme et l’athéisme, que Dawkins semble vouloir combler par de la rhétorique, plutôt que par des preuves. S’il faut donner des conclusions solides, il faut le faire sur d’autres terrains. Et ceux qui nous disent le contraire avec ferveur doivent nous en fournir l’explication.

La foi et les preuves

L’emphase de Dawkins à propos des raisonnements basés sur des preuves l’amène à adopter une attitude très critique vis-à-vis des croyances qui ne sont pas basées sur des faits observables. « En tant qu’amoureux de la vérité, je suis suspicieux envers toute croyance qui ne sont pas soutenues par des preuves. »18 L’une de ces convictions centrales répétées inlassablement dans ses écrits, est que la religion « est une confiance aveugle, en l’absence de toute preuve »19 La foi est « une sorte de maladie mentale »,20  l’un des « plus grand maux, comparable au virus de la variole, mais plus difficile à éradiquer. » Ceci en contraste avec les sciences naturelles, qui nous présentent une approche du monde basée sur des preuves. Mais je me demande si ses profondes convictions athées sont bien soutenues par des preuves comme il le pense ?

Dawkins ouvre ici toute la question de la place des preuves en matière de foi et de science. C’est un sujet fascinant. Mais le problème est-il aussi simple que le suggère Dawkins ? Je le pensais certainement pendant ma phase athée, qui s’est terminée vers la fin de l’année 1971, et j’aurais alors jugé décisifs les arguments de Dawkins. Mais plus aujourd’hui.

Commençons par étudier sa définition de la foi, et demandons-nous d’où elle vient. La foi « est une confiance aveugle, en l’absence de toute preuve. » Mais pour quelle raison devrions-nous accepter cette définition ridicule ? Où est la preuve que les croyants définissent leur foi de cette façon ? Dawkins joue à l’effarouché sur cette question, et il ne fait référence à aucun auteur croyant pour étayer cette définition hautement improbable, qui semble avoir été conçue dans l’intention délibérée de faire passer la foi religieuse pour une bouffonnerie intellectuelle. Je n’accepte pas cette définition de la foi, et je cherche encore un théologien qui la prenne au sérieux.21 Elle ne peut être défendue à partir d’aucune confession de foi officielle d’aucune dénomination chrétienne. C’est la définition propre à Dawkins, construite avec son propre agenda en tête, présentée comme si il s’agissait d’une caractéristique de ceux qu’il souhaite critiquer.

Ce qui est vraiment inquiétant, c’est que Dawkins semble sincèrement croire que la foi est une « confiance aveugle », en dépit du fait qu’aucun auteur chrétien majeur n’adopte cette définition. Cette conviction centrale de Dawkins détermine plus ou moins tous les aspects de son attitude envers la foi et les personnes croyantes. Pourtant, les convictions de base doivent souvent être remises en cause. En effet, comme Dawkins l’a fait remarquer à propos des idées de Paley sur la conception de l’univers, cette croyance est « glorieuse mais très fausse ».

Dawkins nous dit que la foi « est une confiance aveugle, en l’absence de toute preuve ». C’est peut-être ce que Dawkins croit, mais pas ce que les chrétiens croient. Laissez moi vous donner la définition de la foi donnée par W. H. Griffith-Thomas

(1861-1924), un théologien anglican reconnu qui fut l’un de mes prédécesseurs au Wycliffe Hall d’Oxford. La définition de la foi qu’il nous propose est typique de tout auteur chrétien.22

« [La Foi] affecte toute la nature humaine. Cela commence avec la conviction de l’esprit basée sur des preuves adéquates; cela continue avec la confiance du coeur et des émotions basée sur la conviction, et cela est couronné par le consentement de la volonté, par laquelle la conviction et la confiance sont exprimées dans la conduite. »

Cette définition valable synthétise les éléments centraux de la compréhension de la foi caractéristique des chrétiens. « Cela commence avec la conviction de l’esprit basée sur des preuves adéquates. » Je ne vois aucun intérêt à lasser les lecteurs avec d’autres citations d’auteurs chrétiens tout au long de l’histoire pour renforcer ce point. De toute façon, c’est la responsabilité de Dawkins de démontrer par des arguments fondés que sa définition biaisée et illogique de la « foi » est caractéristique du christianisme.

Après avoir élevé cet homme de paille, Dawkins l’abat au sol. Ce n’est pas un exploit trop difficile ou trop exigeant pour l’intellect. On nous dit que la foi est infantile –tout juste bonne à endoctriner les esprits malléables des jeunes enfants, mais profondément immorale et intellectuellement risible dans le cas des adultes. Nous avons grandi, il nous faut avancer maintenant. Pourquoi croirions-nous en des choses qui ne peuvent être prouvées scientifiquement ? La foi en Dieu, c’est comme croire à St Nicolas ou à la petite souris. Lorsqu’on grandit, on s’en débarrasse.

Cet argument de cour de récréation s’est retrouvé accidentellement dans une discussion d’adultes. C’est de l’amateurisme et ce n’est pas convaincant. Aucune preuve empirique sérieuse ne montre que les gens voient St Nicolas ou la petite souris et Dieu dans la même catégorie. J’ai arrêté de croire à St Nicolas et à la petite souris quand j’avais à peu près 6 ans. Après avoir été athée pendant des années, j’ai découvert Dieu à l’âge de 18 ans, et je n’ai jamais regardé cette expérience comme une sorte de régression infantile. Comme je l’ai noté dans mes recherches pour The Twilight of Atheism (Le Crépuscule de l’Athéisme), beaucoup de personnes se mettent à croire en Dieu tard dans leur vie –lorsqu’elles sont des « adultes ». Il me faut encore rencontrer quelqu’un qui s’est mis à croire à St Nicolas ou à la petite souris tard dans sa vie.

Si les arguments simplistes de Dawkins étaient un tant soit peu plausibles, nous pourrions établir une vraie analogie entre l’existence de Dieu et celle  de St Nicolas- clairement, nous ne pouvons pas le faire. Chacun sait que la plupart des gens ne considèrent pas que la foi en Dieu et ces croyances puériles appartiennent à la même catégorie. Bien sur, Dawkins argumente que dans les deux cas, il s’agit d’une croyance dans des êtres qui n’existent pas. Mais ceci procède d’une confusion élémentaire entre la conclusion et le présupposé d’un argument.

Le modèle hautement simpliste de Dawkins semble ne nous laisser que deux possibilités : 0% de probabilité (la foi aveugle) et 100% de probabilité (la croyance s’appuyant sur des preuves surabondantes). Pourtant, la grande majorité de l’information scientifique doit être discutée en terme de probabilité des conclusions tirées à partir de preuves disponibles. Certains proposent que la fiabilité de la probabilité d’une hypothèse soit établie sur la base du théorème de Bayes. 23 De telles approches sont couramment utilisées en biologie de l’évolution. Par exemple, Elliott Sober a proposé la notion de « modus Darwin » dans l’argument d’un ancêtre commun basé sur les similarités entre espèces actuelles.24 Cette approche ne peut fonctionner que sur la base des probabilités, conduisant à des jugements probabilistes. Ceci ne pose aucun problème, il s’agit d’une tentative pour  quantifier la validité de certaines déductions.

La confiance avec laquelle Dawkins assène l’inévitabilité de l’athéisme est tout à fait frappante. Cette confiance est curieuse, elle parait déplacée pour ceux qui sont familiers avec la philosophie des sciences. Comme le prix Nobel de physique Richard Feynman (1918-88) le soulignait souvent, la connaissance scientifique est un ensemble d’affirmations variant quant à leur degré de certitude– certaines étant presque sûres, d’autres assez certaines, d’autres moins certaines, mais aucune absolument certaine.25 Pourtant, Dawkins semble déduire l’athéisme du « livre de la nature » comme s’il s’agissait d’un pur mécanisme logique. L’athéisme est affirmé comme s’il s’était la seule conclusion possible issue d’un ensemble d’axiomes.

Pourtant, puisque les sciences naturelles procèdent par déduction à partir de données expérimentales, comment Dawkins peut-il être si sûr de son athéisme ? Par moment, il parle avec la conviction d’un croyant à propos des certitudes de son monde sans Dieu. […] D’autres ont examiné les mêmes données, et sont arrivés à une toute autre conclusion. Il est clair que l’insistance de Dawkins sur le fait que l’athéisme soit la seule vision légitime du monde pour un scientifique est un jugement peu sur et peu fiable.

Je ne suis pas seulement préoccupé par le cheminement intellectuel erroné qui amène Dawkins à de telles convictions ; je suis troublé par la férocité avec laquelle il affirme son athéisme. Une réponse évidente possible est que le fondement de son athéisme réside ailleurs que dans la science, et qu’il y a un aspect profondément émotif dans cette affaire. Pourtant, je n’ai encore rien découvert qui me contraigne à une telle conclusion. La réponse doit être ailleurs.

J’ai commencé à trouver une réponse à mes questions en lisant une analyse attentive du type distinctif de raisonnement des écrits de Dawkins. Dans une étude comparative importante, Timothy Shanahan soulignait que l’approche de Stephen Jay Gould sur la question du progrès évolutif était surtout déductive, basée premièrement sur des données empiriques. 26 Dawkins, quant à lui, « procédait en élaborant la logique de la « philosophie adaptative » du raisonnement darwinien. » Ainsi, les conclusions de Dawkins sont déterminées par une série de prémisses logiques, qui sont fondés ultimement –mais pourtant indirectement- sur les données empiriques. « La véritable nature d’un argument déductif valide est telle que, étant donnés certains prémisses, une conclusion donnée suit une nécessité logique, à peu près quelle que soit la validité des prémisses. » En effet, Dawkins utilise essentiellement une approche inductive pour défendre une vision darwinienne du monde – et pourtant il extrait ensuite de cette vision du monde une série de prémisses à l’aide desquels il consolide les conclusions qu’il en tire.

Bien que Shanahan limite son analyse à l’exploration de la façon dont Gould et Dawkins arrivent à des conclusions contradictoires sur le problème du progrès évolutif, on peut clairement l’étendre à ses vues sur la religion.

Dieu est-il un virus, un « mème » ?

 

Puisque pour Dawkins, la foi en Dieu est hautement irrationnelle, il reste à expliquer pourquoi tant de personnes partagent une telle foi. La réponse est contenue dans le mème, que Dawkins définit comme un répliquant intellectuel. Personne ne croit en Dieu sur la base de raisons intellectuellement satisfaisantes. On croit en Dieu après avoir été infecté par une mème (virus) de Dieu  très contagieux et très bien adapté.27 Les croyants sont ainsi les victimes innocentes et inconscientes d’un  « virus malin de l’esprit ».

« De même que les gènes se propagent par eux-mêmes dans le génome en se transmettant de corps en corps par le sperme ou les œufs, les mèmes se propagent de cerveau en cerveau par un processus qui peut être appelé imitation au sens large du terme. »

Cette idée est d’abord présentée dans The Selfish Gene en 1976, bien que Dawkins préfère parler de « virus de l’esprit » dans ses derniers écrits. La notion d’envahisseur répliquant reste la même, l’analogie biologique est simplement retravaillée.

Il ne fait aucun doute que le plus grand impact de Dawkins sur la culture populaire est cette idée de mème. Cette idée de virus culturel est loin d’être nouvelle. Dawkins n’a fait que la populariser à l’aide de sa terminologie simple et de ses illustrations. Puisque ce concept a immédiatement été appliqué à la religion, il est important de l’explorer ici.

Dans la suite, je mettrai en évidence quatre difficultés spécifiques de cette notion :

1Aucune raison ne permet de soutenir que l’évolution culturelle est un phénomène darwinien, que la théorie de Darwin permet d’expliquer le développement des idées.

2Aucune observation directe ne permet de soutenir l’existence des mèmes.

3L’existence du mème est fondée sur une analogie avec les gènes, et cette analogie a ses limites.

4Contrairement au gène, il n’y a aucune raison de soutenir l’existence d’un mème. Les observations peuvent parfaitement s’expliquer par d’autres modèles et mécanismes.

Dans l’idée de Dawkins de raisonnements basés sur des preuves, le 2ème point est tout à fait crucial. Dawkins est d’ailleurs parfaitement conscient du manque de preuves de sa thèse. Très simplement, aucune preuve issue de l’observation n’appuie l’hypothèse du  « meme ». Dans la préface de Meme Machine de Susan Blackmore (1999), Dawkins souligne les problèmes auxquels le mème a à faire face pour être pris au sérieux par la communauté scientifique :29

« Une autre objection est que nous ignorons ce dont les mèmes sont faits, et où ils résident. Les mèmes n’ont pas encore trouvés leurs Watson et Crick ; il leur manque leur Mendel. Alors que les gènes sont localisés précisément sur les chromosomes, les mèmes existent sûrement dans les cerveaux, et nous avons encore moins de chance de les voir que de voir un gène (bien que le neurobiologiste Juan Delius a conjecturé sur leur apparence). »

Lorsque Dawkins parle des mèmes, c’est comme quand un croyant parle de Dieu – un postulat invisible, qui nous aide à expliquer certaines choses tirées de notre expérience, mais qui reste ultimement en dehors du champ empirique de notre investigation.

Que faut-il faire de cette remarque : «  le neurobiologiste Juan Delius a conjecturé sur son allure ? » J’ai vu un nombre incalculables d’images de Dieu dans beaucoup de galeries d’art… Être ainsi capable d’imager le mème accrédite le concept ? Cela le rend-il plausible scientifiquement ? La proposition de Delius que le mème a une structure observable et localisable comme une « constellation de synapses neuronales activées » est pure conjecture, et doit encore être soumise à l’investigation empirique rigoureuse.30 C’est une chose de spéculer sur l’allure de quelque chose, la vraie question est de savoir si la chose est là ou pas.

Le contraste avec le gène est évident. On peut « voir » les gènes, et leur mode de transmission est étudié dans des conditions empiriques rigoureuses. Ce qui d’abord fut une construction hypothétique déduite d’expériences systématiques et de l’observation a fini par être identifié précisément. Le gène a tout d’abord été une nécessité théorique, seul moyen d’expliquer les observations d’alors, avant d’être accepté par tous sous le poids des preuves en faveur de son existence. Mais qu’en est-il des mèmes ? Ils sont avant tout des constructions hypothétiques, déduits de l’observation plutôt qu’observés eux-mêmes, deuxièmement inobservables, et troisièmement, plus ou moins inutiles à un niveau explicatif. Ceci rend leur étude rigoureuse très problématique, et leur application fructueuse quelque peu improbable.

Qu’en est-il du mécanisme de transmission des mèmes ? Watson et Crick ont découvert la structure de l’ADN, ce qui a ouvert la voie à la découverte du mécanisme de duplication. Quel mécanisme physique pour la transmission  des mèmes propose-t-on ? Comment un mème produit-il un effet « mèmetique » ? Ou, pour poser la question d’une autre façon : Comment établir un protocole expérimental pour identifier et établir la structure des mèmes, sans même parler de leur relation supposée  aux effets mèmetiques ?

Dawkins a continué de développer son concept dans une autre direction-un virus de l’esprit. Dawkins nous dit que les « mèmes » peuvent se transmettre « comme les virus dans une épidémie. »31 L’idée de Dieu est donc une idée maligne, une infection envahissante qui infeste de toute manière les esprits en bonne santé. Encore une fois, pour Dawkins, la foi ne naît pas sur des bases rationnelles ou sur des preuves : elle est le résultats d’une infection par un virus, comparable à ceux qui produisent le chaos dans les réseaux d’ordinateurs. Comme pour les mèmes, le « virus de Dieu » se réplique. Pour qu’un virus se répande efficacement, deux choses sont nécessaires : la capacité de dupliquer l’information correctement, et d’obéir aux instructions ainsi encodées. 32 Encore une fois, la foi en Dieu est présentée comme une contamination infectieuse d’esprits sains au préalable. Cette idée se fonde sur une absence totale de preuves expérimentales.

Rien ne prouve que les idées sont comme les virus et se propagent comme eux- une affirmation tellement aisée chez Dawkins. Cela n’a aucun sens de qualifier certains virus de « bons » et d’autres de « mauvais ». Dans le cas de la relation hôteparasite, c’est simplement un exemple de d’évolution darwinienne en action. Ce n’est ni bien ni mal, c’est simplement ainsi. S’il faut comparer les idées à des virus, ils ne peuvent être jugés « bons » ou « mauvais » -ou même  « vrais » ou « faux ». Cela conduirait à l’idée que toute idée doit être jugée sur la seule base du succès de son expansion, son taux de survie.

Quelle preuve expérimentale soutient l’idée des « virus de l’esprit » ? Dans la réalité, on connaît les virus par leurs symptômes, on peut les détecter, les soumettre à une investigation empirique rigoureuse, et connaître leur structure génétique précisément. Par contraste, un « virus de l’esprit » est purement hypothétique ; on suppose son existence par pure analogie, pas par l’observation, uniquement décrit par la base conceptuelle proposée par Dawkins. Peut-on les observer ? Quelle est leur structure ? Leur « code génétique » ? Leur localisation dans le corps humain ? Et surtout, leur mode de transmission ?

Nous pourrions résumer les problèmes en trois grandes catégories.

1On peut voir les vrais virus. Les virus culturels de Dawkins sont de simples hypothèses, sans preuve de leur existence.

2Rien ne prouve que les idées sont des virus. Les idées peuvent peut-être se comporter comme des virus sous certains aspects. Mais il y a un vrai fossé en une analogie et une identité. L’histoire des sciences nous apprend douloureusement qu’on a trop souvent confondu analogie et identité.

3Le slogan « Dieu comme un virus » est le résumé de « la façon dont les idées religieuses se répandent semble être analogue à la transmission de certaines maladies. » Malheureusement, Dawkins ne prouve rien sur ce point, et préfère conjecturer sur l’impact d’un tel virus hypothétique de l’esprit humain.

La métaphore de la « contagion de la pensée » a été développée par Aaron Lynch, 33 et il souligne bien que la façon dont les idées se répandent n’a pas de relation avec leur « bienfait potentiel ». Lynch écrit :34

« L’expression « contagion de la pensée » est neutre en ce qui concerne la vérité ou l’erreur, aussi bien que le vrai ou le faux. Les idées fausses peuvent se propager comme des contagions de la pensée, mais aussi les idées bénéfiques…L’analyse de la contagion de la pensée s’intéresse d’abord au mécanisme de propagation des idées dans une population. Qu’une idée soit vraie, fausse, utile ou dangereuse se voit surtout dans les effets qu’elle a sur les taux de transmission. »

Ni le concept de mème ou de virus de l’esprit de Dawkins ne nous aident à valider ou rejeter des idées, ou à comprendre et à expliquer leur développement culturel. Comme la plupart de ceux qui travaillent dans le domaine du développement

culturel l’ont conclu, il est parfaitement possible d’étudier l’évolution culturelle tout en restant agnostique à propos de ses mécanismes. Stephan Shennan a changé d’avis, après avoir cru que les mèmes pouvaient jouer un rôle important dans la compréhension de l’évolution culturelle, il commentait ainsi cette notion superficielle et non fondée : « Tout ce que nous avons besoin de reconnaître, c’est que l’héritabilité culturelle existe, et que ses routes sont différentes des routes génétiques. »35 Et il semble que ce soit bien là que le débat stagne actuellement.36

La religion appauvrit-elle notre vision de l’univers ?

L’une des plaintes récurentes de Dawkins est que la religion est esthétiquement déficiente. Sa vision de l’univers est limitée et pauvre, indigne de la réalité magnifique connue par les sciences. 37

L’univers est naturellement mystérieux, grand, magnifique et nous inspire l’admiration. Les types de visions de l’univers que les personnes religieuses ont embrassés traditionnellement sont chétifs, pathétiques et minables en comparaison avec ce que l’univers nous montre. L’univers présenté par la religion organisée est un sombre univers médiéval exigu, et extrêmement limité.

La logique de cette affirmation audacieuse est plutôt difficile à suivre, et son fondement factuel est étonnamment mince. La vision « médiévale » de l’univers a certainement été plus limitée et plus restreinte que les conceptions modernes. Mais cela n’a rien à voir avec la religion, que ce soit en terme de cause ou d’effet. Ceci reflétait la science de cette époque, largement basée sur le traité d’Aristote de caleo (« à propos des cieux »). Si l’univers des personnes religieuses au Moyen-âge était exigu, c’était parce qu’elles étaient assez naïves pour croire que leurs livres de science avaient raison. Cette confiance dans la science et les scientifiques que Dawkins encourage si aveuglément les a conduit à associer leur théologie avec la vision de l’univers d’un homme. Ils ne connaissaient pas les notions de  « changement radical de théorie » en matière de science, qui a rendu les gens prudents dans l’adoption sans réserve des dernières théories scientifiques, et bien plus critiques envers ceux qui basaient leur vision du monde dessus.

La conséquence de la critique légère de Dawkins est qu’une vision religieuse de la réalité est déficiente et pauvre en comparaison de la sienne. Il ne fait aucun doute que c’est un facteur important dans l’origine et le maintien de son athéisme. Pourtant, son analyse sur cette question est étonnamment mince et non persuasive.

Une approche chrétienne de la nature peut être caractérisée par trois façons de susciter l’émerveillement en réponse à ce que nous observons.

1Un sens immédiat d’émerveillement devant la beauté de la nature.

Ce « tressaillement du cœur » que William Wordsworth décrivait à la vue d’un arc en ciel avant toute réflexion théorique de ce que cela pourrait impliquer. Pour utiliser des catégories psychologiques, il s’agit de perception, plutôt que de raisonnement cognitif. Je ne vois aucune raison de penser que croire en Dieu diminuerait ce sens de l’émerveillement. L’argument de Dawkins est tellement faible sur ce point que je dois mal l’avoir compris.

2Un sens de l’émerveillement indirect devant la représentation mathématique et théorique de la réalité qui découle de l’observation immédiate. Dawkins connaît aussi et approuve ce second sens de l’émerveillement, mais il semble croire que les personnes religieuses « s’amusent du mystère mais se sentent trompées quand on le leur explique. »38 Ce n’est pas le cas ; un nouveau sens de l’émerveillement prend place, je m’expliquerai dans un instant.

3Un sens supplémentaire d’émerveillement pour celui vers qui la nature pointe. L’un des thèmes centraux de la théologie chrétienne est que la nature rend témoignage à son créateur, « Les cieux proclament la gloire du Seigneur ! » (Psaumes 19 :1). Pour les chrétiens, expérimenter la beauté de la création est un signe ou un pointeur vers la gloire la Dieu, et ils chérissent tout particulièrement cette expérience pour cette raison. Dawkins exclut une telle référence transcendante à partir de la contemplation du monde naturel.

Dawkins suggère qu’une approche religieuse du monde nous fait manquer quelque chose.39 Après avoir lu Unweaving the Rainbow, je n’ai toujours pas compris de quoi il s’agissait. Une lecture chrétienne du monde ne nie rien de ce que les sciences naturelles nous révèlent, sauf le dogme naturaliste que la réalité est limitée à ce que les science naturelles peuvent nous faire connaître. Pour tout dire, une vision chrétienne du monde naturel apporte une richesse que je trouve plutôt absente des écrits de Dawkins, et cela nous fournit une motivation supplémentaire d’étudier la nature. Après tout, Jean Calvin (1509-64) commentait sa grande envie vis-à-vis de ceux qui étudiaient la physiologie et l’astronomie, et étaient ainsi en contact direct avec les merveilles de la création divine. Le Dieu invisible et intangible était ainsi approché en étudiant les merveilles de la nature.

Les réflexions de Dawkins sur le « mystère » se trouvent surtout dans Unweaving the Rainbow, livre dans lequel il explore la place de l’émerveillement dans la compréhension des sciences. Toujours dans un esprit d’hostilité vis-à-vis de la religion, cet ouvrage reconnaît l’importance du sens de l’admiration et de l’émerveillement qui motive ceux qui cherchent à comprendre la réalité. Dawkins évoque le poète William Blakes comme un mystique obscurantiste. Blakes illustre la raison pour laquelle les approches religieuses du mystère sont sans intérêt et stériles. Dawkins localise beaucoup d’erreurs dans l’amour compréhensible –mais mal à propos- de Blake pour le mystère :40

« L’attirance vers l’admirable, le merveilleux et le grandiose qui conduit Blake au mysticisme… est exactement ce qui conduit plusieurs d’entre nous à la science. Notre interprétation est différente, mais ce qui nous passionne est identique. Le mystique se contente de se prélasser dans l’émerveillement  et de s’amuser du mystère que nous ne sommes pas « sensés »  comprendre. Les scientifiques ressentent le même émerveillement, mais sans repos, pas dans le contentement, ils reconnaissent la profondeur du mystère, puis ajoutent : « mais nous y travaillons ». »

Ainsi, il n’y a aucun problème avec la catégorie des « mystères ». La question est celle de notre choix, ou bien nous décidons de nous y atteler, ou bien nous sombrons dans la paresse et affirmons que c’est hors de notre portée.

La théologie chrétienne a traditionnellement été consciente de ses propres limites, et a cherché à éviter les affirmations excessivement sûres d’elles mêmes face au mystère. Pourtant, en même temps, la théologie chrétienne ne s’est jamais tenue au silence complet devant les mystères divins. S’intéresser à ces mystères n’a jamais été considéré comme prohibé intellectuellement, ni nuisible ou destructif pour la foi. Comme le théologien anglican du 19ème siècle Charles Gore le disait :

« Le langage humain ne peut jamais rendre compte des réalités divines de manière adéquate. Chez tous les théologiens qui savent de quoi ils parlent en concevant ou exprimant le divin, il y a une tendance constante à s’excuser du discours humain, un grand sens de l’agnosticisme, une horrible conscience des profondeurs ignorées par rapport au peu porté à notre connaissance. « Nous voyons bien imparfaitement, comme au travers d’un miroir », dit Paul, « nous connaissons en partie. » « Nous sommes contraints d’essayer d’atteindre, de grimper l’inatteignable, de parler de l’imprononçable, …, nous sommes obligés de livrer au péril de l’expression humaine les choses profondes de la religion. » »

Une définition parfaite de la théologie chrétienne est : « prendre rationnellement de la peine à propos d’un mystère. »-en reconnaissant qu’il peut exister des barrière à ce que nous pouvons atteindre, mais en croyant que ce travail intellectuel est nécessaire et qu’il en vaut la peine. Cela signifie simplement être confronté avec quelque chose de tellement grand que nous ne pouvons pas pleinement le saisir, nous devons donc faire le mieux que nous pouvons avec les outils analytiques et descriptifs à notre disposition. En y réfléchissant bien, c’est également le but des sciences naturelles. Il n’est peut être pas étonnant qu’il y ait un intérêt grandissant pour le dialogue entre la science et la foi.

La religion est-elle une chose néfaste ?

Finalement, j’en viens à l’une des croyances centrale qui sature les écrits de Dawkins- la religion est une chose néfaste. C’est clairement un jugement intellectuel et moral. Dawkins regarde en partie la religion comme mauvaise parce qu’elle est basée sur la foi, ce qui dispense l’homme de l’obligation de penser. Nous avons déjà vu que c’est là un point très discutable, qui ne peut être soutenu par des preuves.

L’aspect moral est bien sur  bien plus sérieux. Chacun s’accorde pour dire que certaines personnes religieuses ont fait des choses très dérangeantes. Mais l’intrusion de ce petit mot : « certaines » dilue immédiatement l’impact de l’argument de Dawkins. Cela entraîne pourtant toute une série de questions critiques. Combien ? Dans quelles circonstances ? A quelle fréquence ? Cela nous conduit aussi à une question comparative : combien de personnes non religieuses ont également accompli des actions dérangeantes ? Une fois que nous avons posé cette question, nous quittons le terrain des petites taquineries avec nos opposants intellectuels, et faisons face à des aspects sombres et troublants de la nature humaine. Allons plus loin dans cette réflexion.

J’étais moi-même anti religieux. Dans ma jeunesse, j’étais convaincu que la religion était l’ennemi de l’humanité, pour des raisons tout à fait similaires à celles que l’on trouve dans l’œuvre de Dawkins. Mais plus maintenant. L’une de ces raisons est ma découverte effrayante de la face sombre de l’athéisme. Laissez moi vous expliquer. Dans mon innocence, je pensais que l’athéisme se répandrait au travers du pur génie de ces idées, la nature convaincante de ses arguments, son pouvoir libérateur de l’oppression religieuse, et la beauté scintillante du monde qui en découlerait. Qui aurait eu besoin d’être forcé  à adhérer à l’athéisme, alors que c’était l’évidence même ?

Aujourd’hui, les choses sont très différentes. L’athéisme n’est pas « prouvé » en aucune manière par aucune science, y compris la biologie de l’évolution. Dawkins pense que c’est le cas, mais il présente des arguments qui sont loin d’être convaincants. Et oui, l’athéisme a libéré de l’oppression religieuse, en particulier en France dans les années 1780. Mais lorsque l’athéisme a cessé de devenir une affaire privée pour devenir une idéologie d’état, les choses ont soudainement pris une autre tournure. Le libérateur s’est transformé en oppresseur. Sans surprise, ceci ne fait pas partie de la lecture de Dawkins plutôt sélective de l’histoire. Il faut pourtant prendre cela très au sérieux pour rendre compte de toute l’histoire.

L’ouverture des archives soviétiques dans les années 1990 a conduit à des révélations qui ont tué toute vision gracieuse de l’athéisme, une vision du monde douce et généreuse comme le croyaient certains de ses supporters idéalistes. Le Livre Noir du Communisme, montrait que le communisme français- encore une force potentielle de la vie nationale- était entaché des crimes et des excès de Lénine et de Staline. Les lecteurs outrés se demandaient, « Où sont les procès de Nuremberg du communisme ? » Le communisme était une « tragédie aux dimensions planétaires » avec un total de victimes estimé par les différents auteurs entre 85 et 100 millions- bien plus que ceux du nazisme.

Il faut être prudent avec de telles statistiques, et précautionneux avant d’établir de quelconques conclusions hâtives sur leur base. Pourtant, le point principal ne peut pas être surestimé. L’une des plus grande ironie de l’histoire du 20ème siècle est que les plus grands actes meurtriers déplorables, d’intolérance et de répression ont été commis par ceux qui pensaient que la religion était meurtrière, intolérante et répressive – et qui pensaient donc rendre un service humanitaire en l’éradiquant de la planète.

Même les lecteurs les plus inconditionnels devraient se demander pourquoi

Dawkins a fait l’impasse sur les colonnes éclaboussées de sang de l’athéisme au 20ème siècle – l’une des raisons pour lesquelles j’ai conclu que je ne pouvais plus être un athée.

Je pourrais en conclure en m’appuyant sur quelques histoires sélectionnées et une lecture très sélective de l’histoire que les athées sont tous totalement corrompus, violents et dépravés. Pourtant, je ne le peux pas et je ne le ferai pas, tout simplement parce que les faits ne le permettent pas. La vérité, évidente pour quiconque travaille sur ce sujet, est que certains athées sont en effet des personnes très étranges –mais que la plupart sont des gens ordinaires, qui veulent simplement s’occuper de leur propre vie, sans volonté d’opprimer, de contraindre ou de tuer quiconque. Les personnes religieuses et aussi non religieuses sont capables d’actes de bontés et d’actes de violence.

Le vrai problème- comme Friedrich Nietzsche l’a souligné il y a environ un siècle- est qu’il y a quelque chose dans la nature humaine qui rend notre système de croyance capable d’inspirer à la fois de grands actes de bontés et de grands actes de dépravation. Dawkins, bien sur, insiste pour faire passer le pathologique pour le normal. Il le faut. Sinon l’argument ne tient pas.

Prétendre que la religion est le seul problème dans le monde, sur la base de toute la souffrance qu’elle a engendrée n’est tout simplement plus une option acceptable pour des personnes qui réfléchissent. C’est juste de la rhétorique, masquant un problème difficile qu’il nous faut tous affronter- comment les êtres humains peuvent-ils cohabiter et contrôler leur passion. Il y a ici un problème très sérieux que chrétiens et athées doivent aborder ensemble ouvertement et franchement- comment ceux qui sont inspirés et élevés par une grande vision de la réalité peuvent-ils finir par accomplir des choses effrayantes ? C’est une vérité propre à la nature humaine. Ceci est tout à fait en accord avec une compréhension spécifiquement chrétienne de la nature humaine, qui affirme que nous portons « l’image de Dieu », mais nous avons chuté et commis le péché.44 Dit de manière simpliste, les vestiges de notre ressemblance avec Dieu nous poussent à la bonté ; mais la présence puissante du péché nous entraîne dans un bourbier moral, duquel  on ne peut pas vraiment échapper complètement.

Nous devons encore noter une chose. Dawkins est bien clair quant au fait que la science ne peut pas déterminer ce qui est vrai et ce qui est faux. D’où vient donc la preuve que la religion est mauvaise pour vous ? Sur quels critères peut-on déterminer ce qui est « mal » ? Dawkins est très clair : «  la science n’a pas de méthode pour décider ce qui est éthique. »45

La discussion de Dawkins a propos de ce que la religion fait aux gens est parsemée d’anecdotes biaisées de manière flagrante et par des généralisations absolument non fondées. La rhétorique a remplacé l’analyse et l’observation attentive. Pourtant, la littérature traitant de l’impact de la foi sur les individus ou les communautés – soit de toute forme de foi, soit d’une foi spécifique- sur la base de preuve est très étendue et augmente sans cesse.46 Bien qu’il ait été à la mode de suggérer que la foi était une forme de pathologie,47 de nombreuses preuves empiriques font reculer cette opinion en suggérant ( mais pas de manière définitive) que la foi pourrait bien vous être bénéfique. Il est certain que certaines formes de foi peuvent être pathologiques ou destructrices. D’autres semblent être bénéfiques. Bien sur, cela ne prouve pas l’existence de Dieu, mais cela mine l’un des piliers centraux de l’athéisme de Dawkins – la croyance que la foi est mauvaise pour l’homme.

En 2001, une synthèse de 100 études basées sur des preuves à propos de la relation entre le bien-être humain et la foi a montré que :49

179% faisait mention d’au moins une corrélation positive entre la foi et le bienêtre.

213% ne mettaient en évidence aucun lien significatif entre la foi et le bien-être.

37% trouvaient complexes ou mitigées ce lien.

41% montrait un aspect négatif à la relation foi, bien-être.

La vision du monde de Dawkins dépend entièrement de cette association négative entre bien-être religion, et expérimentalement, seulement 1% des enquêtes va dans ce sens, 79% rejette clairement une telle association. Ces résultats montrent au moins une chose : nous devons aborder ce sujet sur la base de preuves scientifiques, pas sur la base d’un préjugé personnel. Je n’oserais pas affirmer que ceci prouve que la foi est bonne pour vous. Mais cela pose clairement un problème pour Dawkins…

Pour Dawkins le problème est simple : la question est « ou bien vous valorisez la santé, ou bien la vérité. »50 Puisque la foi est une erreur, il serait immoral de croire, quel que soit le bienfait que vous en tirez. Pourtant, les arguments de Dawkins sur le fait que la croyance en Dieu est erronée ne riment à rien. C’est probablement pourquoi il y ajoute l’argument supplémentaire est néfaste. Les preuves nombreuses des bienfaits de la foi sur le bien-être sont bien la embarrassantes. Non seulement ces preuves remettent en cause l’un des argument critique de l’athéisme ; mais cela soulève aussi des questions troublantes sur sa véracité.

Conclusion

Cet exposé a tout juste effleuré la surface d’une série de questions passionnantes soulevées par les écrits de Dawkins. Certaines d’entre elles sont directement religieuses, et d’autres indirectement. Je suis conscient que je n’ai pas réussi à en traiter aucune suffisamment en détails comme il le faudrait. J’ai ouvert des questions pour des débats futurs, et je n’ai rien scellé –sauf que les problèmes soulevés sont importants et intéressants. Dawkins soulève toutes les bonnes questions, et donne quelques réponses intéressantes. Ce ne sont pas des réponses particulièrement fiables, sauf bien sur si vous croyez que les personnes de foi sont des idiots anti-science qui ont une « foi aveugle »…

Il est temps d’avancer dans la discussion, et de faire toute la lumière sur le compte rendu non fiable de la relation entre la science et la religion offert par Dawkins. Une approche basée sur des preuves à cette question est bien plus complexe que la « pensée droite et la voie de la simplicité » de Dawkins.

La question de savoir si Dieu existe, et à quoi il pourrait ressembler ne s’est pas éteinte depuis Darwin – en dépit des prédictions de certains darwiniens trop confiants-, et demeure d’une importance personnelle et intellectuelle majeure. Certains esprits sont peut-être fermés ; les preuves et le débat ne le sont pas. Les scientifiques et les théologiens ont tant à apprendre les uns des autres. Si nous nous écoutions, nous pourrions entendre les galaxies chanter.51 Ou bien même les cieux déclarer la gloire de Dieu (Psaumes 19 :1).

Bibliographie

[1] Alister McGrath, Dawkins’ God: Genes, Memes and the Meaning of Life. Oxford: Blackwell, 2004. [2] Michael Ruse, `Through a Glass, Darkly.’ American Scientist. 91 (2003): 554-6.

[3]    Cited by Robert Fulford, `Richard Dawkins Talks Up Atheism with Messianic Zeal’, National Post 25 November 2003.

[4]    Richard Dawkins. `A Survival Machine.’ In The Third Culture, edited by John Brockman, 75-95. New York: Simon & Schuster, 1996.

[5]    Richard Dawkins, A Devil’s Chaplain London: Weidenfield & Nicolson, 2003, 34.

[6]    See Alister McGrath, The Twilight of Atheism: The Rise and Fall of Disbelief in the Modern World. New York: Doubleday, 2004.

[7]    Richard Dawkins, The Selfish Gene. 2nd edn. Oxford: Oxford University Press, 1989, 198.

[8]    Richard Dawkins, River out of Eden : A Darwinian View of Life. London: Phoenix, 1995, 133.

[9]    An excellent study of this issue may be found in Michael Ruse, Darwin and Design : Does Evolution Have a Purpose? Cambridge, MA: Harvard University Press, 2003.

[10]  Richard Dawkins, The Blind Watchmaker: Why the Evidence of Evolution Reveals a Universe without Design. New York: W. W. Norton, 1986, 43.

[11]  Richard Dawkins, Climbing Mount Improbable. London: Viking, 1996, 64.

[12]  Climbing Mount Improbable, 126-79.

[13]  The index, of course, is not exhaustive: see, for example, the brief (and somewhat puzzling) discussion of God found at The Blind Watchmaker, 141. But the omission is interesting.

[14]  For a full analysis of five grounds of concern about Dawkins’ approach in The Blind Watchmaker, see McGrath, Dawkins’ God, 49-81.

[15]  Francis S. Collins, `Faith and the Human Genome.’ Perspectives on Science and Christian Faith 55 (2003): 142-53.

[16]  See his 1883 letter to Charles A. Watts, publisher of the Agnostic Annual. For further comment, see Alan Willard Brown, The Metaphysical Society : Victorian Minds in Crisis, 1869-1880. London: Oxford University Press, 1947.

[17]  Stephen Jay Gould, `Impeaching a Self-Appointed Judge.’ Scientific American 267, no. 1 (1992): 118-21.

[18]  A Devil’s Chaplain, 117.

[19]  The Selfish Gene, 198.

[20]  The Selfish Gene, 330 (this passage added in the second edition).

[21]  Dawkins suggests that this definition is found in Tertullian, on the basis of a worryingly superficial engagement with this writer. For details, see McGrath, Dawkins’s God, 99-101.

[22]  W. H. Griffith-Thomas, The Principles of Theology. London: Longmans, Green & Co., 1930, xviii. Faith thus includes `the certainty of evidence’ and the `certainty of adherence’; it is `not blind, but intelligent’ (xviii-xix).

[23]  See David Corfield and Jon Williamson. Foundations of Bayesianism. Dordrecht: Kluwer Academic, 2001; Eric D. Green and Peter Tillers. Probability and Inference in the Law of Evidence : The Uses and Limits of Bayesianism. Dordrecht: Kluwer Academic, 1988.

[24]  Elliott R Sober, `Modus Darwin.’ Biology and Philosophy 14 (1999): 253-78.

[25]  See especially Richard P. Feynman, What Do You Care What Other People Think? London: Unwin Hyman, 1989; Richard P. Feynman, The Meaning of It All. London: Penguin, 1999.

[26]  Timothy Shanahan, `Methodological and Contextual Factors in the Dawkins/Gould Dispute over Evolutionary Progress.’ Studies in History and Philosophy of Science 31 (2001): 127-51.

[27]  Dawkins, The Selfish Gene, 192.

[28]  For detailed discussion, see McGrath, Dawkins’ God, 119-38.

[29]  A Devil’s Chaplain, 124.

[30]  Juan D. Delius, `The Nature of Culture.’ In The Tinbergen Legacy, edited by M. S. Dawkins, T. R. Halliday and R. Dawkin, 75-99. London: Chapman & Hall, 1991.

[31]  A Devil’s Chaplain, 121. [32] A Devil’s Chaplain, 135.

[33]  Aaron Lynch, Thought Contagion : How Belief Spreads through Society. New York: Basic Books, 1996.

[34]  Aaron Lynch, `An Introduction to the Evolutionary Epidemiology of Ideas.’ Biological Physicist 3, no. 2 (2003): 7-14.

[35]  Stephen Shennan, Genes, Memes and Human History : Darwinian Archaeology and Cultural Evolution. London: Thames & Hudson, 2002, 63.

[36]  See further Simon Conway Morris, Life’s Solution : Inevitable Humans in a Lonely Universe. Cambridge: Cambridge University Press, 2003, 324.

[37]  Dawkins, Richard. `A Survival Machine.’ In The Third Culture, edited by John Brockman, 75-95. New York: Simon & Schuster, 1996.

[38]  Richard Dawkins, Unweaving the Rainbow: Science, Delusion and the Appetite for Wonder. London: Penguin Books, 1998, xiii.

[39]  Unweaving the Rainbow, xii.

[40]  Unweaving the Rainbow, 17.

[41]  Charles Gore, The Incarnation of the Son of God. London: John Murray, 1922, 105-6.

[42]  Stephane Courtois, The Black Book of Communism: Crimes, Terror, Repression. Cambridge, MA: Harvard University Press, 1999.

[43]  For the details, see Alister McGrath, The Twilight of Atheism : The Rise and Fall of Disbelief in the Modern World. New York: Doubleday, 2004.

[44]  On which see Alister McGrath, A Scientific Theology: 1 Nature. London: Continuum, 2001.

[45]  A Devil’s Chaplain, 34.

[46]  W. R. Miller and C. E. Thoreson. `Spirituality, Religion and Health: An Emerging Research Field.’ American Psychologist 58 (2003): 24-35.

[47]  The `religion as pathology’ view originates largely from the pseudo-scientific studies of Sigmund Freud: see Frederick Crews, ed. Unauthorized Freud: Doubters Confront a Legend. New York: Penguin, 1998. On the growing recognition of the positive social and personal impact of faith, see Rodney Stark, For the Glory of God : How Monotheism Led to Reformations, Science, Witch-Hunts, and the End of Slavery. Princeton, NJ: Princeton University Press, 2003.

[48]  For example, see Harold G. Koenig and Harvey J. Cohen. The Link between Religion and Health : Psychoneuroimmunology and the Faith Factor. Oxford: Oxford University Press, 2001; A. J. Weaver,

L. T. Flannelly, J. Garbarino, C. R. Figley, and K. J. Flannelly. `A Systematic Review of Research on Religion and Spirituality in the Journal of Traumatic Stress, 1990-99.’ Mental Health, Religion and Culture 6 (2003): 215-28.

[49]  Koenig and Cohen, The Link between Religion and Health, 101.

[50]  Cited in Kim A. McDonald, `Oxford U. Professor Preaches Darwinian Evolution to Skeptics’. Chronicle of Higher Education, 29 November, 1996.

[51]  Unweaving the Rainbow, 313.