Coco et Eosine ont soulevé récemment par leurs commentaires des questions fondamentales  concernant les origines biologiques de l’humanité, l’existence ou non d’un couple originel « Adam et Eve », créés surnaturellement par Dieu, géniteur de toute l’humanité.

Les données actuelles de la génétique vont à l’encontre d’une telle vision des choses. Comment le chrétien peut-il réagir ?

  • Il peut rejeter ces découvertes au nom de la « révélation biblique », c’est apparemment l’option choisie par Eosine et Coco.
  • Il peut les reconnaître comme la découverte des « œuvres de Dieu » dans la nature, et réfléchir à ses options d’interprétation biblique. C’est l’option pour laquelle j’ai optée, m’inspirant des leçons de l’histoire, l’affaire Galilée par exemple.

Un nombre croissant de théologiens et de scientifiques chrétiens ont également opté pour la deuxième option. C’est le cas de certains évangéliques, mais aussi de catholiques.

J’ai déjà eu l’occasion de vanter les mérites d’un ouvrage paru aux éditions du Cerf intitulé « Pour lire la création, l’évolution. »

 

Luc Plateaux, ancien professeur de biologie animale et d’évolution à la faculté de Nancy a eu la gentillesse de me faire parvenir gracieusement un exemplaire de « Pour lire la création, l’évolution » aux éditions du Cerf. Il a coécrit cet ouvrage avec Christian Montenat, directeur de recherche au CNRS (géologie), et Pascal Roux, prêtre et Polytechnicien. Cet ouvrage est de très grande qualité, et j’en recommande l’étude.

Je m’appuierai sur quelques citations pour répondre à certaines questions soulevées par Coco et Eosine.

 

L’humanité descend-elle d’un couple unique ? (monogénisme)

En plus des arguments génétiques déjà évoqués ici, voici l’argumentation de Luc Plateaux :

« Quelle est alors la probabilité d’une spéciation humaine par un couple ancestral unique ? La constitution d’une nouvelle espèce à partir d’une autre, de même que la séparation d’une souche ancestrale en deux espèces distinctes, exige la réalisation d’un « isolement reproductif » par lequel ces espèces ne peuvent plus produire une descendance commune. Cet isolement repose sur des différences (donc des mutations) génétiques ou chromosomiques. Cet événement rare ne peut réussir que s’il se produit en même temps sur les deux séries homologues de chromosomes (paternelle + maternelle), sinon l’individu mutant seraient déficient comme hybride. Il faut en outre que l’événement affecte à la même époque et au même lieu deux individus de sexes complémentaires, sinon l’individu serait sans descendance…

Sans que la rigueur puisse exclure totalement une origine de l’humanité par un couple unique, les connaissances actuelles (certes toujours incomplètes) rendent beaucoup plus vraisemblable que cette origine réside dans une population… » (p 116)

On notera la prudence et l’humilité du propos. Depuis 2007, date à laquelle Luc Plateaux a rédigé ce livre, de nouvelles découvertes sont venues conforter le « polygénisme », et le fait qu’une partie seulement de la population d’Homo Sapiens ait connu des croisements avec les Néandertaliens.

Je suis bien conscient que ces arguments n’auront que peu de poids auprès de ceux qui considèrent que la Bible nous révèle surnaturellement « comment » Dieu s’y est pris pour créer l’humanité. Les préoccupations théologiques l’emportent.

 

La liberté humaine : un événement inscrit dans l’histoire :

« Ce qui apparaît essentiel dans la réalisation de l’Homme libre, c’est le fait que cet être créé est élevé au rang d’interlocuteur de Dieu. Dieu lui dit tu, le traite et le constitue en personne responsable, le dispose en relation avec Lui, dans un rapport d’amour et d’éternité. Cela implique des attitudes, des actes, qui s’insèrent dans le temps et dans l’Histoire, constituent des événements et marquent ainsi une discontinuité historique et spirituelle. C’est pourquoi on cherche naturellement à préciser l’origine de cette relation d’interlocuteur de Dieu.

Certes, on ne peut situer une discontinuité biologique, qui est inapparente sur les reste fossiles et dont la nécessité n’est pas universellement reconnue, même des spiritualistes…on ne peut se soustraire à l’idée d’un événement premier affirmant et suscitant chez l’homme en tant qu’être libre, le plaçant dans l’exercice de cette liberté-adhésion ou refus-devant un projet. Un tel événement présente un caractère personnel en ce qu’il concerne chacun, et un caractère universel en ce qu’il concerne l’humanité… »

 

L’hypothèse d’un couple unique originel

« Si on se place dans la perspective d’une spéciation par couple unique, il est aisé d’envisager l’unité de l’espèce humaine dans sa vocation, l’universalité de l’échec premier de cette vocation par un refus unique de l’appel de Dieu…Toutefois, cette perspective répond peu aux critères de probabilités réclamés par la rigueur scientifique…. »

 

L’hypothèse d’une population originelle

« Si l’on se place dans la perspective d’une spéciation par une population, l’unité de l’espèce humaine dans sa vocation et l’universalité du premier refus peuvent encore s’appuyer sur l’unicité de la population, surtout si celle-ci se réduit aux dimensions d’un peuple… »

Je n’ai bien sûr fait qu’un compte rendu très partiel des arguments détaillés et nuancés du livre auquel on se référera avantageusement !

Tout ça pour dire que plusieurs, chez les catholiques et les évangéliques, parviennent aux mêmes conclusions, dans la recherche d’une cohérence entre respect des Ecritures et respect des découvertes de la science. Seules les interprétations sont remises en cause, pas le fond spirituel du message évangélique…