Auteur de cet article, Pascal Touzet est Pascal Touzetingénieur agronome de l’Institut Agronomique de Paris-Grignon.  Il est aussi docteur en Génétique, Professeur d’Université dans un laboratoire de Génétique Évolutive à l’université de Lille-1.

Ses travaux de recherche concernent plus particulièrement l’étude d’un phénomène assez courant chez les plantes supérieures : l’existence au sein d’une même espèce, de plantes hermaphrodites (produisant des gamètes mâles et femelles) et de plantes ayant perdu la fonction mâle. Plus récemment il s’est aussi intéressé  aux phénomènes de spéciation (émergence de nouvelles espèces) et aux facteurs qui influent sur la diversité des gènes et des génomes.

Pascal Touzet est aussi l’un des fondateurs du site www.scienceetfoi.com associé à ce blog.

Source : Science du 28 janvier 2011.

Depuis une trentaine d’années, deux scénarios sur l’origine d’Homo sapiens se sont opposées. Le premier scénario, appelé « out of Africa » postule que l’origine de l’homme moderne se situe en Afrique, dont il est sorti pour ensuite  coloniser le monde en remplaçant sans hybridation les espèces archaïques qui l’avaient précédé. Dans le deuxième scénario, appelé « modèle multirégional », Homo erectus sort d’Afrique,  et les croisements multiples avec des formes archaïques présentes permet l’émergence de formes modernes dans différentes régions. Si durant ces dernières années c’est plutôt le scénario « out of Africa » qui a été privilégié, les données récentes de séquençage de génomes de Néandertals et d’un fossile de la cave Denisova dans les monts Altaï dans le sud de la Sibérie semblent révéler un scénario plus complexe.

Une étude publiée en mai 2010 dans la revue Science1 a montré que 1 à 4% de l’ADN nucléaire chez des individus européens et asiatiques étaient de type Néandertal, sans aucune trace chez les individus africains. Ceci suggère que des croisements bien que très limités se sont produits entre l’homme moderne et Néandertal en Europe et en Asie, après la sortie d’Afrique. Le séquençage récent du génome nucléaire d’un hominidé appelé Denisovan, ayant vécu il y a 30 à 50 000 ans dans le Sud de la Sibérie, et distinct de Néandertal et Homo sapiens, a montré 4 à 6% d’ADN commun avec  des individus mélanésiens de Papouasie Nouvelle Guinée et des îles de Bougainvilles, sans aucune trace ni chez les autres individus d’Europe ou d’Afrique, ni chez les individus Néandertals. Ceci suggère de nouveau des événements d’hybridations entre un homonidé archaïque et Homo sapiens produits de manière très locale en Asie2. Les génomes de mélanésiens ont ainsi conservé des traces d’hybridation avec Néandertal et Denisovan!

Ces derniers résultats semblent dessiner un scénario plus complexe dans l’origine de l’homme moderne, avec l’existence d’hybridations limitées et locales, une sorte de scénario intermédiaire entre un modèle « out of Africa » de remplacement strict et un modèle « multi-régional ».

Une affaire à suivre….

1 Green et al. (2010) A draft sequence of the Neandertal genome. Science 328, 710-722.

2 Reich et al. (2010) Genetic history of an archaic hominin group from Denisova Cave in Siberia. Nature 463, 1053-1060.