Cet article a été écrit par Francis Collins. Francis Collins est un médecin et un généticien connu pour avoir dirigé le « Human Genome Project » et pour ses découvertes de gènes de maladies. Collins a fondé la foundation BioLogos en novembre 2007 et a été son président jusqu’en août 2009, date à laquelle il a démissionné pour devenir le directeur des National Institutes of Health aux E.U. (Note: cet article a été écrit avant que Collins ne prenne la tête des NIH).

Dans Genèse 1:26-27, nous lisons: “Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ! » Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa.” (Genèse 1:26-27)

Juste après la publication par Darwin de L’origine des espèces en 1859, les conséquences en ce qui concerne les origines de l’homme, l’interprétation biblique et les relations des gens avec Dieu étaient apparentes aux yeux de tous. La disparité potentielle entre le récit biblique de la création et la théorie de Darwin conduit beaucoup de gens à supposer que l’église de cette époque s’est sentie menacée et s’est opposée à l’évolution. Cependant, à la fin du dix neuvième siècle, beaucoup de leaders d’église avaient en réalité adopté la théorie de Darwin en tant qu’explication à propos de la façon dont Dieu avait créé le monde. Pour ne donner qu’un seul exemple, le théologien chrétien conservateur B. B. Warfield écrivit: « En ce qui me concerne, je suis libre de dire que je ne pense pas qu’il y ait aucune affirmation d’ordre général dans la Bible ou aucune partie dans le récit de la création, que ce soit dans Gen. I & II ou ailleurs où il y serait fait allusion, qu’il faille opposer à l’évolution. »

Pourtant, l’idée que les humains puissent être liés aux grands singes n’a pas été bien reçue par tous. En entendant cette nouvelle, la femme de l’évêque de Worcester en Angleterre aurait répondu ainsi avec angoisse : « L’homme descend du singe ? Mon cher, espérant que ce ne soit pas vrai. Mais si c’est vrai, prions pour que cette nouvelle ne se répande pas. »

Aujourd’hui 150 ans plus tard, il semble que nous soyons encore dans ce combat. Un sondage récent a révélé que 44% des américains croient que Dieu a créé les hommes dans leur forme actuelle il y a moins de 10 000 ans. Kathleen Parker, écrivain au Washington Post a souligné l’une des conséquences graves de cette situation: « Le problème dans le fait de ne pas croire dans l’évolution comme de ne pas croire aux cochons volants a des répercussions bien évidentes—Les Etats-Unis continueront de pointer derrière les autres nations en terme d’éducation scientifique. »

L’étude de l’ADN, le matériel héréditaire, a permis l’étude des origines de l’homme à un niveau de détails que Darwin n’aurait jamais pu imaginer. Le décodage de la totalité du génome humain (le “ Human Genome Project”), que j’ai eu le privilège de diriger—en parallèle avec celui de dizaines d’autres vertébrés a été un test rigoureux nous permettant de savoir si les données génétiques confirment que nous descendons biologiquement d’un ancêtre commun, comme le dit la théorie de l’évolution. Les preuves sont surabondantes. Bien que certaines personnes affirment encore que les similarités de l’ADN de prouvent pas que nous ayons un ancêtre commun—après tout, Dieu aurait très bien pu utiliser les mêmes séquences d’ADN pour programmer des organes identiques—l’analyse détaillée rend cette conclusion désormais indéfendable.

Par exemple, la plupart des mammifères n’ont pas besoin d’ingérer de la vitamine C par les aliments parce qu’ils peuvent utiliser un enzyme codé par l’ADN dans leur génome. Mais les primates, l’homme y compris, ont besoin de vitamine C dans leur alimentation, sinon ils auront une maladie appelée le scorbut. Que c’est-t-il passé ? Et bien, si vous rechercher dans leur génome, vous trouverez bien une copie dégénérée du gène qui code l’enzyme permettant de synthétiser la vitamine C. Mais ce gène a muté en perdant plus de la moitié de ses séquences codantes. L’affirmation que Dieu a créé le génome humain indépendamment plutôt que l’homme a une origine biologique commune avec le reste des primates revient à dire que Dieu a intentionnellement inséré un morceau d’ADN disfonctionnel pour tester notre foi. A moins que vous ne soyez prêt à accepter l’idée que Dieu soit un Dieu trompeur, ce n’est pas une explication très satisfaisante.

J’ai assisté cette semaine à une réunion à propos du génome humain à New York. Il y était question de comparaisons stupéfiantes entre notre propre génome et celui d’autres espèces, toutes cohérentes dans chaque détail avec une explication évolutive. Un article très intéressant décrit les dernières découvertes à propos des néanderthaliens, dont on a reconstitué plusieurs séquences d’ADN à partir d’os de plusieurs individus différents datant de 30 000 ans. La ressemblance avec l’ADN d’Homo sapiens est frappante, mais les données sont cohérentes avec une séparation entre les humains et des néanderthaliens il y a presque 500 000 ans.

Une découverte particulière à propos des variations génétiques a immédiatement attiré l’attention du public. Pour expliquer cette découverte, il est d’abord important de savoir que nous les humains ne sommes pas complètement identiques au niveau de notre ADN. Si vous comparez votre ADN au mien, à peu près une lettre sur 1000 serait différente. La plupart de ces variations sont communes dans la population humaine et se situent à des endroits du génome qui tolèrent la variation. C’est pourquoi ces différences n’ont pas beaucoup d’effet. Ces différences sont pourtant le reflet intéressant de notre histoire évolutive. Voilà où est l’information nouvelle : à peu près un tiers exactement des mêmes variations se retrouvent aussi chez les néanderthaliens. Cela signifie que ces certains humains, à l’endroit précis où certains ont la lettre A, d’autres ont la lettre G ; et on retrouve exactement la même variation à partir des os de néanderthaliens. Cette découverte nous montre que les néanderthaliens et les humains avaient une population commune d’ancêtres avec exactement les mêmes variations génétiques il y a plus de 500 000 ans.

Pourquoi tant de personnes trouvent si difficile d’accepter ces conclusions? Premièrement, il faut bien reconnaître que l’évolution est quelque chose d’anti-intuitif. Notre expérience humaine a beaucoup de mal à envisager les immenses périodes de temps nécessaires pour que la sélection naturelle puisse produire la diversité extraordinaire d’êtres vivants que nous voyons autour de nous. Pour les croyants, il y a en plus le problème de concilier le concept de l’image de Dieu dans l’homme et du créateur, avec la parole de Dieu et un processus qui nous semble si aléatoire. Mais cette apparente contradiction est-elle réelle? Supposez que Dieu ait choisi le mécanisme de l’évolution pour créer des animaux qui nous ressemblent, sachant que ce processus conduirait à des créatures dotées d’un cerveau important possédant la capacité de penser, de se poser des questions à propos de ses propres origines, découvrir la vérité à propos de l’univers et des « indicateurs » vers Celui qui donne un sens à l’existence. Qui sommes-nous pour dire que ce n’est pas comme cela que nous aurions fait ? Si vous croyez que Dieu est le Créateur, comment les vérités que nous découvrons au travers de la science pourraient-elles constituer des menaces pour Dieu ? Pour beaucoup de scientifiques qui croient en Dieu—moi inclus—c’est tout l’inverse. Tout ce que nous apprenons à propos du monde naturel ne fait qu’accroître notre admiration pour Dieu le créateur.

Pourtant, beaucoup de chrétiens évangéliques continuent de craindre que la foi tout entière ne soit déformée si les mots de Genèse 1 et 2 ne sont pas interprétés de manière littérale. Cela surprend même beaucoup d’entre eux d’apprendre que cette interprétation ultra littérale n’était pas considérée comme nécessaire par beaucoup de croyants très profonds bien avant que Darwin n’apparaisse sur le devant de la scène. En l’an 400, Augustin a écrit rien de moins que quatre livres à propos de l’interprétation de la Genèse, pour arriver finalement à la conclusion qu’il n’était pas possible d’arriver à une conclusion fiable à propos de la façon dont la création avait eu lieu. Dans des mots qui nous prévenaient à l’avance du conflit actuel, il écrivait : « Dans des sujets qui sont si obscurs et bien au-delà de notre vue, nous trouvons dans les Ecritures des passages qui peuvent être interprétés de différentes façons sans dommage pour la foi que nous avons reçue. Dans de tels cas, nous ne devrions pas foncer tête baissée et figer notre position d’un côté, parce que si de nouvelles découvertes dans la recherche de la vérité viennent ruiner notre position, nous tomberons aussi avec. »

Je demande à chacun de se retirer de ce conflit et de regarder sobrement à la vérité des deux livres de Dieu: celui de sa parole et celui de ses oeuvres. En tant que personnes dédiées à la recherche de la vérité, passons d’une théologie sur la défensive à une théologie qui célèbre la bonté de Dieu et sa puissance créatrice.

Francis Collins est l’ancien directeur du Human genome Project, ancien fondateur et président de la fondation BioLogos.