Je viens de finir la lecture du « visage de Dieu » des frères Bogdanov. Comme beaucoup, j’ai abordé ce livre avec l’impression d’avoir surtout affaire à un « coup médiatique » de deux journalistes au look très « travaillé », donc avec une certaine méfiance. J’avoue avoir lu ces pages avec un réel plaisir, c’est écrit de manière agréable, très journalistique, avec beaucoup d’anecdotes.

Je ne qualifierais pas cet ouvrage de « scientifique » au sens strict du terme, parce que les auteurs mélangent sans cesse ce qui est du ressort de la « science pure » avec des considérations « métaphysiques ». L’essentiel à mon sens est de le reconnaître, ce qui n’est pas vraiment fait dans le livre (ou alors j’ai loupé le passage). Je reproche assez souvent sur ce blog la tentative de récupération de la science par certains athées, qui prétendent ne faire aucune démarche de « foi » dans leur non croyance, pour ne pas reconnaître à mon tour que reconnaître le « visage de Dieu » dans l’histoire de l’univers est aussi un acte de foi. Croyants et non croyants, nous vivons tous par la foi !

Je n’ignore pas la polémique qui entoure la sortie de ce livre. On fait le reproche aux frères Bogdanov d’avoir obtenu des thèses de « complaisance », de prétendre avoir vendu plus de livres qu’en réalité, de s’être attribués des titres universitaires qu’ils n’avaient pas, de présenter des hypothèses contestées dans le milieu de la cosmologie…bref de surfer sur leur image médiatique dans une entreprise à but lucratif. Je ne suis pas là pour les défendre, il se pourrait bien qu’un certain nombre de reproches soient effectivement fondés. Leurs idées personnelles (finalement peu nombreuses dans le livre) sont-elles farfelues? En tout cas, je ne peux que constater qu’en ce moment, la spéculation dans ce domaine est largement ouverte (multivers et autres). Je ne peux toutefois m’empêcher de me demander si ce n’est pas le mélange des genres qui exacerbe les réactions d’une partie de la communauté scientifique pas spécialement favorable à l’idée de l’existence d’un Créateur. Au fond la querelle qui se joue n’est-elle pas une querelle qui dépasse le cadre de la science ? Comme je l’ai dit, je trouve qu’il serait plus sain pour les rapports « science et foi » de bien préciser  lorsqu’on sort du cadre strict de la science, mais je suis toujours étonné de la dissymétrie de traitement. Lorsqu’un croyant fait un amalgame de ce genre, c’est aussitôt une pseudo publication du CNRS, mais si un athée en fait tout autant, la réaction me parait beaucoup moins vive ! J’ai rarement entendu parler d’un prof de philo essayant de convertir ses élèves au christianisme, mais mon propre prof de philo a bien essayé de « démontrer » que Dieu n’existe pas, et il ne semble pas avoir été inquiété pour non respect du principe de laïcité pour autant (et je sais que c’est fréquemment le cas).

Le livre des frères Bogdanov n’est pas un livre de défense de la foi chrétienne, l’idée de Dieu qui s’en dégage est  plutôt vague. Un déiste, partisan du grand horloger des philosophes qui met l’univers en marche et l’abandonne à lui-même pourrait bien se reconnaître dans ce livre. Pourtant, certains passages résonnent avec ce que je crois en tant que chrétien à propos du Créateur. En ceci, les idées des frères Bogdanov n’ont d’ailleurs rien écrit d’original ni de nouveau, comme je le montrerai en expliquant les pensées du physicien Howard Van Till dans un prochain article. L’idée d’une création munie des lois physiques qui permettraient l’organisation du cosmos et l’émergence de la vie est en effet une idée très répandue chez les scientifiques de confession chrétienne et chez les théologiens.

« Depuis son apparition, il y a 13.7 milliards d’années, l’Univers a lentement évolué, par paliers de complexité croissante, jusqu’à produire la vie et la conscience. Question fascinante, peut-être la plus importante de toutes : un tel scénario est-il inscrit, comme l’a écrit George Smoot ou comme le pense Freeman Dyson, au cœur même de la matière ? Car si tel est le cas, l’Univers est alors bien autre chose qu’un système de galaxies, d’étoiles et de planètes : c’est aussi une organisation hiérarchisée qui conduit nécessairement les molécules inanimées vers la vie. En d’autres termes, la vie serait l’expression spontanée d’un Univers dont la tendance naturelle consiste à organiser les molécules les plus simples en systèmes plus complexes jusqu’à engendrer du vivant. »

En analysant la notion d’Howard Van Till de « création pleinement équipée pour son développement », nous verrons dans un prochain article comment ces idées « des frères Bogdanov » correspondent assez à une théologie chrétienne de la nature et de la création.