Article 1 sur un total de 3 pour la série :

Le récit biblique de la création dans le contexte du Proche Orient Ancien


Joseph Lam travaille sur sa thèse en langage sémitique à l’Institut Oriental de l’Université de Chicago, où il s’intéresse plus particulièrement à l’étude du langage et de la littérature hébreux. Il a enseigné à l’Université de Chicago et au Regent College, où il a obtenu son master en théologie.

 Cette série d’articles a été publié sous la forme d’un seul essai sur le site de la fondation biologos, disponible ici.

Introduction

 

Probablement à cause de l’influence de la Bible dans la culture occidentale, on croit souvent qu’Israël a été une nation importante au cours de son histoire ancienne. Même quand l’influence culturelle de la Bible et du christianisme ont diminué, la perception de la Bible en tant que texte central de référence s’est maintenue, ce qui a eu pour effet de faire facilement sous estimer le fait qu’historiquement, la Bible n’a pas été produite dans un contexte de supériorité culturelle.

Pourtant, ce qui manquait à Israël en tant qu’influence politique a joué un rôle important dans l’élaboration conceptuelle de son identité communautaire devant Dieu, une vision incarnée dans les livres que nous appelons maintenant la Bible hébreux ou l’Ancien Testament. Comme les spécialistes l’ont remarqué « Le génie d’Israël en matière de religion, d’éthique, de littérature et d’historiographie lui  a finalement conféré une importance hors de proportion par rapport à sa population et à sa terre. »

C’est là que réside le génie des auteurs bibliques, en dépit de leur statut relativement marginal dans le monde ancien, les auteurs des Ecritures hébreux ont néanmoins été capables d’articuler une conception religieuse – une vision de la réalité et de l’histoire- qui avait une vraie puissance, transcendant ses origines au sein d’une tradition littéraire à un peuple spécifique du proche orient ancien, et prenant ultérieurement sa place dans les facteurs principaux qui ont façonné la civilisation occidentale.

L’histoire de la création de Genèse 1 :1- 2 :3 est un bon exemple de cette dynamique au travail. Depuis le 19ème siècle, nous savons que le récit des premiers chapitres de la Genèse ne représente pas le seul récit des origines cosmiques du Proche Orient ancien. En effet, grâce à des recherches archéologiques intenses dans cette région, les spécialistes ont découvert d’autres « récits de création » provenant de la Mésopotamie et de l’Egypte, des histoires qui non seulement présentaient des similarités frappantes avec le texte biblique, mais qui étaient aussi plus anciennes que la Bible (au moins dans certains cas si pas tous les cas).

Depuis lors, ceci a été perçu comme problématique pour beaucoup de chrétiens, parce qu’ils ont la conviction que l’autorité de la Bible dérive de son statut unique de révélation divine, nous donnant des informations qui ne nous seraient accessibles par aucun autre moyen. Si le récit de la création de Genèse 1 n’est qu’un récit parmi beaucoup d’autres similaires, comment pouvons –nous affirmer sa vérité par rapport aux autres ?

Pourtant, quand nous reconnaissons que Genèse 1 (tout comme avec le reste de la Bible) est sorti d’une matrice culturelle caractérisée par des idéologies et des visions du monde en compétition, la présence d’autres histoires de la création ne doit pas être envisagée comme un obstacle intellectuel, mais peut en réalité nous fournir de nouvelles perspectives pour l’interprétation. A la lumière ce ces autres textes, il apparaît que le texte de la Genèse n’est pas un autre récit de la création indépendant des autres, mais une façon délibérée de raconter l’histoire de la création une nouvelle fois, dans un mode caractéristique du Proche Orient ancien de récit des origines en général, mais d’une perspective distinctement israélite.

Alors que Genèse 1 partage avec ces autres histoires un ensemble de symboles pour parler des origines, le récit biblique présente une réalité toute différente par le moyen de ces mêmes symboles, montrant une conscience de récits alternatifs, mais affirmant des vérités au dessus et en opposition à eux. Pour résumer, Genèse 1 était une réponse israélite aux visions du monde concurrentes de son époque.

Ce que je faire dans cette série d’articles est de regarder brièvement à Genèse 1 avec ce cadre interprétatif à l’esprit, soulignant trois points de « vision du monde » qui émergent de cette histoire à la lumière de cet arrière plan du Proche Orient Ancien. En lisant la Genèse de cette manière, nous nous rapprochons des affirmations réelles du texte, des affirmations enracinées dans une conception particulière théologique du monde, plutôt que scientifique. Dans le contexte de cette brève présentation, je ne pourrais qu’esquisser de grands traits, mais en offrant néanmoins ces observations dans l’espoir qu’elles susciteront des réflexions théologiques à propos de ce texte puissant et captivant.

A suivre…


3 Articles pour la série :

Le récit biblique de la création dans le contexte du Proche Orient Ancien